La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2021 | FRANCE | N°20PA03864

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 03 juin 2021, 20PA03864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 août 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2012563 du 9 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa deman

de.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 décemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 août 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2012563 du 9 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 décembre 2020 et le 14 décembre 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2012563 du 9 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 août 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en lui délivrant un récépissé de demande de titre de séjour, sous astreinte de 150 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français sans délai est entachée d'erreur de fait, sa situation n'ayant pas fait l'objet d'un examen ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée d'incompétence et d'insuffisance de motivation ;

- cette décision est illégale par voie d'exception ;

- le préfet a méconnu le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis des erreurs de fait et une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'incompétence ;

- cette décision est illégale par voie d'exception ;

- le préfet a méconnu le principe de proportionnalité, l'alinéa 2 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... ;

- et les observations de Me D..., pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien, a fait l'objet d'un arrêté du 14 août 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Il fait appel du jugement du 9 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Le premier juge a suffisamment répondu au point 6 du jugement attaqué aux moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation. Le bien-fondé des motifs de ce jugement est sans incidence sur sa régularité. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit ainsi être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué, du défaut d'examen particulier et de l'insuffisance de motivation par adoption des motifs retenus à juste titre par le premier juge aux points 2 à 4 du jugement attaqué.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., s'il soutient être en France depuis 2013, s'est maintenu sur le territoire français en situation irrégulière, en se soustrayant à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée par le préfet de police le 18 juin 2015. En se bornant à produire un titre de séjour dont bénéficie son père, il ne justifie d'aucune vie familiale en France et n'apporte d'ailleurs aucune précision sur ce point. M. A... ne justifie pas plus d'une vie privée en France ni d'une insertion ou d'une intégration particulières dans la société française. Par ailleurs, la circonstance que M. A... aurait été employé par une société depuis le mois de mai 2017 ne lui confère aucun droit au séjour, pas plus que la possession de documents d'identité. Enfin, si le requérant fait valoir qu'il aurait eu l'intention de demander la régularisation de sa situation, cette circonstance ne fait pas obstacle à l'obligation de quitter le territoire français, aucune démarche personnelle effective en ce sens antérieure à l'arrêté attaqué ne ressortant du dossier. Par suite, compte tenu notamment de la durée et des conditions du séjour de M. A... en France, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'obligation de quitter le territoire français, qui n'est pas entachée d'erreur de fait, a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".

8. D'une part, pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur les dispositions précitées des a), d), f) et h) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que soutient M. A..., qui ne conteste par ailleurs pas qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français et qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour et justifié d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Dans ces conditions, à supposer que le requérant ait disposé de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les dispositions précitées ni commis d'erreur de fait en estimant que M. A..., qui n'établit aucune circonstance particulière nécessitant de lui accorder un délai, risquait de se soustraire à son obligation de quitter le territoire français, et, par suite, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de délai de départ volontaire sur la situation personnelle de M. A....

9. D'autre part, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision à l'appui des conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de délai de départ volontaire doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour (...) ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

11. D'une part, compte tenu des éléments mentionnés aux points 7 et 9, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à l'encontre de M. A..., qui ne justifie d'aucune circonstance humanitaire, le seul fait qu'il aurait eu l'intention de solliciter sa régularisation ne constituant pas une telle circonstance, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a ni méconnu le principe de proportionnalité ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle du requérant.

12. D'autre part, l'obligation de quitter le territoire français et la décision de refus de délai de départ volontaire n'étant pas illégales, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions à l'appui des conclusions à fin d'annulation de l'interdiction de retour doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A... doivent ainsi être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. E..., président assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.

Le rapporteur,

F. E...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03864


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03864
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : AARPI SPHERANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-03;20pa03864 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award