Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006, 2007, 2009 et 2010, de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.
Par un jugement n° 1711782 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mai 2019 et le 24 février 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1711782 du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- l'administration n'établit pas la réalité d'une activité d'intermédiaire immobilier occulte au titre des années antérieures à 2009 ;
- la méthode de reconstitution des résultats est viciée, dès lors qu'elle est fondée sur les encaissements et non sur les créances acquises ;
- l'administration n'établit pas que les montants imposés proviennent de créances acquises ;
- aucune charge n'a été prise en compte ;
- les déficits n'ont pas été pris en compte ;
- les pénalités ne sont pas fondées.
Par des mémoires en défense enregistrés le 23 décembre 2019 et le 27 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... ;
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
- et les observations de Me D..., pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2008 à 2010 et d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2010, au terme desquels deux propositions de rectification lui ont été adressées le 13 décembre 2013, relatives notamment à l'exercice d'une activité occulte d'intermédiaire immobilier. A l'issue de ces procédures, il a été assujetti des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2006, 2007, 2009 et 2010, à une cotisation supplémentaire de contributions sociales au titre de l'année 2010 et à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, assortis d'intérêts de retard et de la majoration de 80 % prévue au c) du 1) de l'article 1728. M. B... fait appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, en droits et majorations.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'existence d'une activité occulte :
2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". Aux termes de l'article L. 73 du même livre : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Aux termes des dispositions de l'article L. 68 dudit livre, dans sa rédaction applicable : " La procédure de taxation d'office (...) n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 ". Aux termes de l'article L. 169 du ce livre, dans sa rédaction applicable : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite (...) ".
3. Il résulte de l'instruction, notamment des procès-verbaux d'audition des 20 et 21 septembre 2011 et du 20 octobre 2011 transmis à l'administration fiscale dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, que M. B... a reconnu disposer depuis plus de dix ans d'un compte bancaire détenu auprès de la banque Pictet située aux Bahamas, par l'intermédiaire d'un trust dénommé " Cactus ", utilisé afin de recueillir les commissions perçues dans l'exercice d'une activité d'intermédiaire immobilier exercée depuis au moins dix années, dans l'objectif d'éluder l'impôt. Si M. B... soutient que, dans ces différents procès-verbaux, il n'a précisément détaillé qu'une opération, il n'en demeure pas moins que, par ces déclarations, il a reconnu exercer l'activité en litige au titre des années 2006 et 2007. En outre, l'administration ne s'est pas limitée à ces déclarations et a mis en oeuvre des demandes d'assistance administrative internationale le 11 décembre 2012 et le 8 octobre 2013 auprès des autorités fiscales des Bahamas. Les éléments transmis par ces autorités ont confirmé que le compte bancaire précité a fait l'objet de versements au titre de l'année 2006 pour un montant de 614 950 euros transféré en deux virements et au titre de l'année 2007 pour un montant de 1 832 484 euros transféré en quatre virements, M. B... n'alléguant pas que ces sommes ne correspondraient pas à la rémunération de l'activité qu'il a reconnu avoir exercé. Au titre des années 2009 et 2010, l'administration a relevé que des versements correspondant à la vente d'appartements détenus par deux sociétés civiles immobilières ont été effectués sur le compte bancaire personnel de M. B... en 2009, celui-ci ayant également reconnu devant le juge judiciaire avoir réalisé une opération d'intermédiation immobilière en 2010.
4. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'exercice d'une activité d'intermédiaire immobilier sur l'ensemble des années en litige, notamment au titre des années 2006 et 2007, à raison de laquelle M. B... ne s'est pas fait connaître auprès d'un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ni n'a procédé aux déclarations correspondantes auprès de l'administration fiscale. L'existence de cette activité occulte lui permettait ainsi de mettre en oeuvre les dispositions précitées de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne le montant des bénéfices :
5. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". L'administration ayant régulièrement procédé à une imposition d'office, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions incombe à M. B....
6. En premier lieu, M. B... soutient que la méthode de reconstitution des résultats est viciée, dès lors qu'elle est fondée sur les encaissements, méthode applicable aux bénéfices non commerciaux, et non sur les créances acquises, méthode applicable aux bénéfices industriels et commerciaux, et que l'administration n'établit pas que les montants imposés proviennent de créances acquises. Toutefois, en se bornant à faire valoir que le résultat en matière de bénéfices industriels et commerciaux de l'ensemble des années en litige doit être déterminé à partir de la règle des créances acquises, il n'apporte pas la preuve qui lui incombe, en l'absence d'éléments de nature à établir que les recettes retenues par l'administration pour chacun des exercices en litige ne correspondraient pas à des créances acquises.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, au titre des années 2006 et 2007, l'administration a reconstitué le résultat de l'activité d'intermédiaire immobilier exercée de manière occulte par M. B... en retenant, pour chacune de ces années, le solde des apports et des prélèvements sur le compte bancaire détenu auprès de la banque Pictet aux Bahamas par l'intermédiaire du trust " Cactus ", pour des montants respectifs de 358 696 euros et 1 726 891 euros en 2007. Au titre de l'année 2009, l'administration a retenu les sommes virées sur le compte bancaire personnel de M. B... en provenance de deux sociétés civiles immobilières (SCI) pour un montant total de 44 944 euros. Au titre de l'année 2010, elle a retenu un montant total de 215 157,17 euros, correspondant à un virement effectué par une de ces SCI, à deux virements effectués sur le compte bancaire ouvert auprès de la banque Pictet aux Bahamas et à un virement effectué au profit du Crédit Municipal de Paris en provenance d'une société établie aux Îles Vierges britanniques. Alors que les recettes sont ainsi précisément identifiées, M. B... ne justifie d'aucune charge qu'aurait nécessité son activité, compte tenu de ses caractéristiques, ni même d'ailleurs ne se prévaut d'un quelconque pourcentage de charges qu'il conviendrait de retenir et à quel titre. Dans ces conditions, il n'apporte pas la preuve de l'exagération de la reconstitution de ses recettes à défaut de déduction de charges.
8. En troisième lieu, M. B... soutient que, alors que le solde des apports et des prélèvements sur le compte bancaire ouvert au nom du trust " Cactus " aux Bahamas était négatif au titre des années 2003 à 2005 et en 2008 et 2009, ces déficits reportables n'ont pas été pris en compte dans la détermination de ses résultats. Toutefois, si l'administration a admis de reconstituer les résultats des années 2006 et 2007 en retenant le solde entre les apports et les prélèvements auxquels M. B... a procédé sur le compte précité, cette seule circonstance ne saurait constituer la preuve que les soldes négatifs au titre des autres années constitueraient des déficits industriels et commerciaux résultant de l'activité occulte d'intermédiaire immobilier, reportables sur les bénéfices des années ultérieures. Dans ces conditions, M. B... n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des impositions.
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ".
10. M. B... soutient que la majoration de 80 % prévue au c) de l'article 1728 du code général des impôts qui a été appliquée n'est pas fondée, en l'absence de preuve de l'exercice d'une activité occulte d'intermédiaire immobilier, notamment au titre des années 2006 et 2007. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'administration apporte la preuve qui lui incombe du caractère occulte de l'exercice d'une telle activité. Par suite, elle apporte la preuve du bien-fondé de l'application de la majoration prévue au c) de l'article 1728 du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur national des vérifications de situations fiscales (DNVSF).
Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. E..., président assesseur,
- Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.
Le rapporteur,
F. E...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01794