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26/05/2021 | FRANCE | N°21PA01245

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 mai 2021, 21PA01245


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 2018516 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa d

emande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2021, M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 2018516 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2021, M. F... B... D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 16 février 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 14 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement, qui ne répond pas à tous ses moyens et arguments et ne prend pas en compte l'ensemble des pièces produites, est irrégulier ;

- la décision du préfet n'est pas suffisamment motivée ;

- il réside en France où il a rejoint son conjoint depuis le 5 décembre 2018 ; le domicile commun est justifié depuis cette date ;

- la vie commune, consacrée par un pacte civil de solidarité, est justifiée depuis 2009 par de nombreux témoignages assortis de photographies ; les domiciles différents s'expliquent par les contraintes professionnelles qui n'ont pas permis au couple de vivre sous le même toit avant décembre 2018 ; par ailleurs, il ne constitue pas une charge pour le système social français ;

- il satisfait aux conditions posées par la circulaire 2004/00134/C du 30 octobre 2004 du ministre de l'intérieur qui recommande au préfet d'adopter une approche pragmatique et non pas formaliste dans son appréciation de la réalité et de la durée de la vie de couple pour les conjoints pacsés ;

- le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et il est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 12 mai 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 18 mai 2021 :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de M. B... D... et de M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. F... B... D..., de nationalité mexicaine, né le 21 mars 1990, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 octobre 2020, le préfet de police de Paris lui a opposé un refus et lui a fait obligation de quitter le territoire. M. B... D... relève appel du jugement du 16 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour rejeter la demande de M. B... D..., le tribunal administratif de Paris a considéré que les justificatifs produits ne permettaient pas d'établir la réalité de la vie conjugale de l'intéressé avec son conjoint avant le mois de décembre 2018. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments produits par le requérant, a ainsi suffisamment motivé son jugement qui n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance... ". Aux termes des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des témoignages produits, nombreux, circonstanciés et diversifiés, que la vie de couple de M. B... D... a commencé plusieurs années avant l'installation du requérant en France en 2018, à une époque où il était chorégraphe à New York où son compagnon français, musicien, le rejoignait. L'ancienneté de cette vie de couple est également attestée par de nombreuses photographies prises à l'occasion des vacances, et des fêtes familiales ou amicales passées en France, qui corroborent les témoignages précédemment mentionnés, et par la régularité des déplacements qui permettaient aux conjoints de se retrouver. La vie commune sous un même toit est justifiée par de nombreuses pièces depuis que M. B... D... s'est installé chez son conjoint à Paris le 5 décembre 2018 et elle a été consacrée par la conclusion d'un pacte civil de solidarité. La réalité et la stabilité de la vie commune n'étant pas sérieusement contestées par l'administration au moins depuis cette date, M. B... D..., à qui il ne saurait être fait grief de ne pas exercer encore d'activité professionnelle en France dès lors qu'il ne dispose pas de titre l'autorisant à travailler, et dont tous les témoignages attestent l'insertion en France où il a suivi des études lors d'un premier séjour entre 2009 et 2011, est fondé à soutenir que le refus de lui délivrer un titre de séjour, eu égard à l'ancienneté et à la stabilité de sa vie de couple, alors même que la résidence commune présente un caractère plus récent, a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. L'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont entachées d'illégalité en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2020.

6. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de police de délivrer à M. B... D... un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt à la seule condition que celui-ci justifie de la poursuite de la vie commune avec son conjoint à l'occasion de cette délivrance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

7. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros à verser à M. B... D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 16 février 2021 et l'arrêté du préfet de police du 14 octobre 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... D... un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt à la condition que celui-ci justifie de la poursuite de la vie commune avec son conjoint à l'occasion de cette délivrance.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... D... la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... D..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. C..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2021.

L'assesseur le plus ancien, Le président de la formation de jugement,

président-rapporteur

M-D. JAYER Ch. C...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01245 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01245
Date de la décision : 26/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : LESAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-26;21pa01245 ?
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