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26/05/2021 | FRANCE | N°21PA01244

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 mai 2021, 21PA01244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Confédération générale du travail de Radio France, M. I... C..., M. D... E... et M. J... B... ont demandé au tribunal au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 octobre 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a validé l'accord signé le 1er octobre 2020 portant rupture conventionnelle collective de la société nationale de radiodiffusion Radio France.

Par un jugement n°2019297 d

u 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Confédération générale du travail de Radio France, M. I... C..., M. D... E... et M. J... B... ont demandé au tribunal au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 octobre 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a validé l'accord signé le 1er octobre 2020 portant rupture conventionnelle collective de la société nationale de radiodiffusion Radio France.

Par un jugement n°2019297 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2021, la Confédération générale du travail de Radio France, M. I... C..., M. D... E... et M. J... B..., représentés par la SELAS JDS Avocats, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 29 janvier 2021 ;

2°) d'annuler la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France du 16 octobre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les syndicats qui ont refusé l'accord ne siègent pas à la commission du suivi et au comité de validation des départs volontaires ; les clauses instituant ces deux instances, qui disposent de prérogatives réservées à la représentation du personnel et se substituent au moins en partie au comité social et économique, sont radicalement illicites et méconnaissent l'alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946 ;

- l'accord ne procède pas à une évaluation préalable des risques pour la santé des salariés ; le contrôle de l'administration devait porter notamment sur ce point, à l'instar de ce qu'il lui incombe de faire lorsqu'elle valide un plan de sauvegarde de l'emploi.

Par des mémoires, enregistrés les 31 mars 2021 et 23 avril 2021, la société nationale de radiodiffusion Radio France, représentée par la SCP Flichy Grange Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission du suivi et le comité de validation des départs volontaires ne sont pas des instances représentatives du personnel mais des instances réunissant la direction et les seuls syndicats signataires de l'accord en vue d'en assurer la bonne exécution ; elles ne se substituent pas au comité social et économique dont le rôle est préservé par l'article 6 du titre II de l'accord ;

- le code du travail ne prévoit pas que le contrôle de l'administration saisie d'une demande de validation d'un plan de rupture conventionnelle, à la différence d'un plan de sauvegarde de l'emploi, porte sur une évaluation des risques.

Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2021, le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les instances créées par l'accord, auxquelles ne siègent que les organisations signataires, ne se substituent pas aux représentants du personnel ;

- il n'appartient pas à l'administration de se prononcer sur le contenu du plan relatif à la prévention des risques socio-professionnels.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son préambule ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de Mme Péna, rapporteur public,

- les observations de Me A... représentant la CGT de Radio-France et les autres requérants et les observations de Me H..., représentant la société Radio-France.

Considérant ce qui suit :

1. La société Radio France a conclu le 1er octobre 2020 avec cinq des six organisations syndicales représentatives de l'entreprise un accord intitulé " Emploi 2022 Radio France " portant rupture conventionnelle collective. Cet accord a été amendé par un avenant du

12 octobre 2020 signé par les mêmes parties. Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a validé l'accord le 16 octobre 2020. Le syndicat CGT de Radio France, seule organisation syndicale représentative non signataire de l'accord, ainsi que MM. C..., E... et B..., salariés de la société Radio France, relèvent appel du jugement du 29 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2020.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1237-19 du code du travail : " Un accord collectif peut déterminer le contenu d'une rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d'emplois ". Aux termes de l'article L. 1237-19-1 du même code : " L'accord portant rupture conventionnelle collective détermine : 1° Les modalités et conditions d'information du comité social et économique, s'il existe ; 2° Le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d'emplois associées, et la durée pendant laquelle des ruptures de contrat de travail peuvent être engagées sur le fondement de l'accord ; 3° Les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ; 4° Les modalités de présentation et d'examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l'accord écrit du salarié au dispositif prévu par l'accord collectif ; 4° bis Les modalités de conclusion d'une convention individuelle de rupture entre l'employeur et le salarié et d'exercice du droit de rétractation des parties ; 5° Les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ; 6° Les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ; 7° Des mesures visant à faciliter l'accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que le congé de mobilité dans les conditions prévues aux articles L. 1237-18-1 à L. 1237 18-5, des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; 8° Les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l'accord portant rupture conventionnelle collective (...) ". Aux termes de l'article L. 1237-19-3 de ce code : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1237-19 est transmis à l'autorité administrative pour validation. / L'autorité administrative valide l'accord collectif dès lors qu'elle s'est assurée : 1° De sa conformité au même article L. 1237-19 ; 2° De la présence des clauses prévues à l'article

L. 1237-19-1 ; 3° Du caractère précis et concret des mesures prévues au 7° du même article

L. 1237-19-1 ; 4° Le cas échéant, de la régularité de la procédure d'information du comité social et économique ".

Sur la validation des clauses instituant une commission du suivi de l'accord et un comité de validation des demandes des départs volontaires, et l'atteinte portée aux prérogatives du comité social et économique :

3. D'une part, l'accord " Emploi 2022 Radio France " instaure à son titre II une commission de suivi, qui a pour finalité, aux termes de l'article 1 du même titre II, " de suivre les effectifs au regard des départs et des recrutements réalisés sur la période, et en particulier, les contrats non permanents, directement liés à l'exécution de cet accord / d'étudier l'état d'avancement des projets de réorganisation, leur soutenabilité et leur calendrier / de veiller aux conséquences sur les conditions de travail et la santé des salarié(e)s des services concernés par les projets de réorganisation / d'intégrer et nourrir les discussions autour de l'évolution des métiers et des pratiques, pour toutes les catégories d'emploi concernées dans le respect des accords d'entreprise en vigueur à Radio France et en liaison avec les différentes instances (CSE, CSST, commissions) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article 2 du même titre II : " Chaque organisation syndicale représentative signataire du présent accord peut désigner deux représentant(e)s choisi(e)s obligatoirement au sein du personnel de Radio France. " Aux termes de l'article 6 du même titre II : " La Commission ne se substitue en rien aux CSE qui seront les seuls habilités à se prononcer sur les projets de réorganisation, direction par direction. / Un point d'information sera inscrit tous les trimestres à l'ordre du jour du CSE central et des CSE d'établissements afin d'informer les élus sur les travaux de la Commission de suivi. En retour, la Commission sera informée du passage en consultation de chaque réorganisation, et de l'avis rendu par l'instance. " Aux termes de l'article 2 du titre III de l'accord relatif à la prévention des risques professionnels : " La Commission de suivi du présent accord (définie au titre II) veille à la mise en œuvre de ces dispositions pour s'assurer du respect de la qualité de vie au travail des salarié(e)s et présente ses recommandations aux instances compétentes. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 2.4 du titre V de l'accord relatif au dispositif de rupture conventionnelle collective : " En vue de permettre une bonne application du présent accord et pour répondre aux situations individuelles, un comité de validation des départs volontaires (ci-après " le Comité ") est mis en place. " En vertu de l'article 2.4.1 du même titre V, ce comité comprend, notamment, deux représentants bénéficiant d'une seule voix délibérative pour chacune des organisations syndicales signataires. L'article 2.4.2 du même titre V stipule que : " Le Comité a pour missions de : veiller à l'examen des dossiers de candidature ; / vérifier que les dossiers des candidat(e)s aux différents dispositifs de départ volontaire sont complets (éligibilité du(de la) candidat(e), éléments constitutifs du dossier, présence des pièces justificatives) ; / vérifier la conformité du projet aux conditions prévues dans le présent accord ; / valider les projets présentés dans le cadre des candidatures aux dispositifs de départ ; volontaire statuer sur les cas de départage ; / suivre la mise en œuvre des projets professionnels externes, pendant la phase de congé de mobilité. / Il vérifie également, à chaque réunion, que le nombre de départs volontaires autorisés dans chaque catégorie d'emploi et bassin d'emplois concernés, tenant compte des mobilités et départs déjà actés, n'est pas encore atteint. ".

5. Il résulte des stipulations rappelées aux points qui précèdent que les compétences du comité de suivi, qui veille à la mise en œuvre de l'accord dans sa globalité et celles du comité de validation des départs volontaires qui veille au traitement des situations individuelles sont circonscrites au champ d'application de cet accord qui expire le 31 décembre 2022. Ces stipulations ne confèrent à ces deux comités aucune prérogative dont seraient dessaisies les instances représentatives du personnel instituées par la loi, l'article 6 du titre II de l'accord spécifiant justement que la commission du suivi ne se substitue en rien aux comités sociaux et économiques qui seront les seuls habilités à se prononcer sur les projets de réorganisation, direction par direction. Les stipulations de l'accord instituant ces deux comités, qui ne sont pas des institutions de représentation du personnel au sein desquelles devaient être représenté l'ensemble des organisations syndicales représentatives mais des instances chargées de concourir à la mise en œuvre d'un accord spécifique, ouvertes aux seuls signataires et le cas échéant aux syndicats qui décideraient ultérieurement d'y adhérer, correspondent donc aux " modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l'accord portant rupture conventionnelle collective " mentionnées au 8° de l'article L. 1237-19-1 du code du travail. C'est donc sans erreur que, pour valider l'accord en application du 2° de l'article L. 1237-19-3 de ce code, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, qui n'a pas à contrôler les modalités de mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective fixées par l'accord collectif et librement négociées entre l'employeur et les organisations syndicales mais seulement à s'assurer de la présence des clauses prévues à l'article L. 1237-19-1 du code du travail, a constaté que l'accord qui lui était soumis " mentionnait l'existence d'une Commission du suivi dans la composition, les rôles et missions ainsi que le fonctionnement étaient définies précisément ". Cette décision de validation ne porte pas atteinte au droit de tout travailleur à participer par l'intermédiaire de ces délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises garanti par l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

Sur l'absence d'évaluation des risques pour la santé des salariés induits par le plan de suppression d'emploi :

6. Il ne résulte pas des dispositions citées au point 2 que l'accord portant rupture conventionnelle collective doive comporter des mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ni que le contrôle de l'administration, saisie d'une demande de validation porte sur la présence de clauses traitant de ces questions. Les requérants ne peuvent utilement à cet égard se référer à des dispositions législatives applicables aux plans de sauvegarde de l'emploi, ni à celles de l'article L. 4121-1 du code du travail, relatives à l'obligation générale qui pèse sur l'employeur de protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Si le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a cependant relevé que l'accord prévoyait " un plan de prévention des risques psychosociaux dédié à la procédure de rupture conventionnelle collective, un suivi par les commissions de santé, sécurité et conditions de travail, et qu'un diagnostic était lancé en ce sens à l'automne 2020 ", cette mention, superfétatoire au regard de l'étendue du contrôle fixée par l'article L. 1237-19-3 du code du travail, ne saurait être utilement critiquée. En tout état de cause, le titre III de l'accord porte sur la prévention des risques professionnels. Le moyen tiré de ce que l'accord ne traite pas de cette question manque en fait. Le moyen tiré de l'insuffisance des mesures convenues par les signataires de l'accord est, ainsi qu'il a été dit, inopérant.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CGT de Radio France, MM. C..., E... et B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. L'Etat n'étant pas la partie qui succombe dans la présente instance, les conclusions présentées par les requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Radio France.

DECIDE :

Article 1er : La requête du syndicat CGT de Radio France, MM. C..., E... et B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Radio France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CGT de Radio France, premier dénommé pour l'ensemble des requérants, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la société nationale de radiodiffusion Radio France.

Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. F..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2021.

L'assesseur le plus ancien,

M-G... Le président de la formation de jugement,

président-rapporteur,

Ch. F...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01244 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01244
Date de la décision : 26/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : JDS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-26;21pa01244 ?
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