Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2020 par lequel le préfet de Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a assorti cette mesure d'une interdiction de retour d'une durée de douze mois.
Par un jugement n°2020790 du 10 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour à M. A... dans un délai de trois mois.
Procédure devant la Cour :
I) Par une requête enregistrée le 10 mars 2021 sous le n° 21PA01239, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 10 février 2021 ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que :
- M. A..., dont la demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avait été rejetée le 29 aout 2019, était en situation irrégulière lors de son interpellation le 4 décembre 2020 ;
- lors de son audition par les services de police, il n'a pas fait état de sa compagne et de son enfant ;
- il ne justifie ni d'une communauté de vie avec sa compagne, ni subvenir à l'entretien de son enfant, ni de ce que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer au Mali ;
- il ne justifie ni de liens étroits avec les membres de sa fratrie ni d'une intégration forte dans la société française ;
- il ne satisfait pas aux conditions de délivrance d'une carte de séjour en qualité d'étranger malade ;
- il a des antécédents de conduite d'un véhicule automobile sans assurance.
Par un mémoire, enregistré le 31 mars 2021, M. D... A..., représenté par
Me E... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie d'une vie privée et familiale effective avec une compatriote en situation régulière ; il contribue à l'entretien de son enfant ;
- il justifie de liens avec sa fratrie en situation régulière en France ; il n'a plus de parents au Mali ;
- il justifie d'une situation professionnelle stable et de revenus suffisants ;
- il est séropositif au VIH et ne pourrait pas bénéficier des soins appropriés au Mali.
II) Par une requête, enregistrée le 10 mars 2021 sous le n°21PA01240, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour, saisie sur le fondement des articles R. 811-15 et
R. 811-17 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 10 février 2021.
Il soutient que :
- les moyens exposés dans sa requête n°21PA01239 sont de nature à faire naitre un doute sérieux sur le bien-fondé du jugement attaqué ;
- M. A..., qui a des antécédents de conduite d'un véhicule automobile sans assurance, menace l'ordre public.
Par un mémoire, enregistré le 31 mars 2021, M. D... A..., représenté par
Me E... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens et arguments développés dans son mémoire du même jour dans l'instance 21PA01239.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me E..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant malien, né le 1er octobre 1984, a été interpellé le
4 décembre 2020 alors qu'il circulait dans un véhicule automobile dépourvu d'assurance. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a constaté que son titre de séjour n'avait pas été renouvelé, a prononcé à son encontre le 5 décembre 2020 une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Paris du 10 février 2020. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel de ce jugement et demande à la Cour d'en surseoir à l'exécution.
2. Les requêtes n° 21PA01239 et n° 21PA1240 portent sur le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur la requête n° 21PA01239 :
3. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est en couple avec une compatriote en situation régulière et justifiant d'un emploi d'auxiliaire de vie, et qu'un enfant est né le
5 décembre 2020, le jour même où le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire. Contrairement à ce que soutient le préfet, M. A... avait fait état de ce concubinage lors de son audition par les services de police, ainsi qu'il ressort de la motivation de l'arrêté. Le rapport de l'assistante sociale qui suit ce couple fait état d'une vie commune depuis quatre ans et relève que M. A... contribue effectivement à l'entretien de son enfant. L'intimé a justifié d'un emploi et de ressources modestes mais stables en qualité de chauffeur-livreur pendant la période au cours de laquelle il était en situation régulière. M. A... et sa compagne, qui demeurent chez un membre de la famille, sont dans l'attente de l'obtention du logement social qu'ils ont sollicité. Les parents de M. A... sont décédés au Mali et il entretient des liens étroits avec les membres de sa fratrie qui résident en France en situation régulière. La circonstance qu'il ait été interpellé à deux reprises pour conduite d'un véhicule dépourvu d'assurance ne permet pas d'établir qu'il représente une menace pour l'ordre public. Si le préfet fait valoir que rien ne s'oppose à ce que la vie de ce couple se poursuive au Mali, il ressort des pièces du dossier que M. A... avait déposé le 18 novembre 2020 à la préfecture de police une demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade au titre des soins dont il bénéficie dans les hôpitaux parisiens pour une affection virale appelant un traitement de longue durée dont il n'est pas établi en l'état du dossier qu'il pourrait se poursuivre au Mali, qu'il était convoqué pour un entretien individuel le 24 décembre 2020 à la préfecture de police, et que cette demande est encore en instance d'examen. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris, par son jugement du 10 février 2021 a retenu le moyen tiré de l'atteinte excessive portée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé pour annuler son arrêté du 5 décembre 2020. Sa requête tendant à l'annulation de ce jugement doit dès lors être rejetée.
Sur la requête n°21PA01240 :
5. Le présent arrêt statuant sur le fond de l'affaire, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21PA01240 du préfet de la
Seine-Saint-Denis.
Article 2 : La requête n° 21PA01239 du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. B..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2021.
L'assesseur le plus ancien,
M-C... Le président de la formation de jugement,
président-rapporteur,
Ch. B...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01239-21PA01240 2