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26/05/2021 | FRANCE | N°21PA00353

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 mai 2021, 21PA00353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 par lequel le préfet de police a prononcé son transfert aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de vingt-quatre heures à compter de la notification du jugement sous astreinte de 300 euros par jour de

retard passé ce délai et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 par lequel le préfet de police a prononcé son transfert aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de vingt-quatre heures à compter de la notification du jugement sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé ce délai et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de Me C... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à l'aide juridictionnelle par son conseil.

Par un jugement n° 2019886/8 du 21 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête n° 21PA00353 enregistrée le 21 janvier 2021, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 13 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de renonciation à l'aide juridictionnelle par son conseil.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- en désignant la Suède au lieu de la Hongrie comme Etat responsable de sa demande d'asile, le préfet de police a fait une application erronée des articles 3 et 18 du règlement

n° 604/2013 ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 relatives au droit à l'information des demandeurs d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 relatives au droit à un entretien individuel ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 relatives à la faculté laissée aux autorités françaises de faire usage de la clause discrétionnaire et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 28 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant afghan né le 19 janvier 1991, a sollicité le 1er octobre 2020 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées le 9 septembre 2015 par les autorités hongroises et le 5 novembre 2015 par les autorités suédoises, le préfet de police a saisi le 5 octobre 2020, les autorités suédoises et hongroises d'une demande de prise en charge à laquelle les premières ont répondu favorablement par une décision du 6 octobre 2020 au titre du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, alors que les secondes l'ont refusée. Par un arrêté du 13 novembre 2020, le préfet de police a ordonné le transfert de l'intéressé aux autorités suédoises. M. A... relève appel du jugement du 21 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision n°2021/02929 du 28 janvier 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert :

3. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

4. La décision de transfert en litige vise, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du

28 juillet 1951, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que

M. A... a demandé l'asile en France le 1er octobre 2020 et que ses empreintes, comparées aux bases de données européennes, ont révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Hongrie le 9 septembre 2015 et en Suède le 5 novembre 2015. La décision contestée mentionne également que les autorités suédoises et hongroises ont été saisies le 5 octobre 2020 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 à laquelle les premières ont répondu favorablement par une décision du 6 octobre 2020 au titre du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du

26 juin 2013, alors que les secondes l'ont refusée. Elle indique également qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. A..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et enfin, qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Dans ces conditions, sa motivation a été suffisante pour permettre à M. A... de contester utilement, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté, le bien-fondé de l'Etat et celui du critère retenus par le préfet de police. Le moyen tiré de ce que l'arrêté ne satisferait pas à l'exigence de motivation posée à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit dès lors être écarté.

5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, intégré dans le chapitre II de ce règlement intitulé " Principes généraux et garanties " : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Le chapitre III de ce règlement est intitulé " Critères de détermination de l'Etat responsable ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 18 du même règlement, intégré dans le chapitre V du règlement, intitulé " Obligations de l'Etat membre responsable " : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".

7. L'arrêté du 13 novembre 2020 du préfet de police, qui fonde la remise de M. A... aux autorités suédoises sur les dispositions de l'article 18-1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 relatives à la reprise en charge d'un demandeur d'asile par un Etat membre de l'Union Européenne, expose notamment que celui-ci a présenté une demande de protection internationale successivement en Hongrie puis en Suède avant de solliciter l'asile auprès des autorités nationales, et porte l'appréciation selon laquelle les critères mentionnés au chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont pas applicables à sa situation.

8. Or, selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'Etat, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013. Cet avis expose en outre qu'est suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. L'avis précise à titre d'exemple que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardé comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

9. Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt n° C-582/217 et C-583/17 du 2 avril 2019, au point 52, que les b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 ne trouvent à s'appliquer que si l'Etat membre dans lequel une demande a été antérieurement introduite a achevé la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile en admettant sa responsabilité pour examiner cette demande et en a débuté l'examen, au point 58, que la procédure de reprise en charge est régie par des dispositions présentant des différences substantielles avec celles gouvernant la procédure de prise en charge et, aux points 65 à 72, que malgré le libellé " Obligations de l'Etat membre responsable " du chapitre V, l'interprétation selon laquelle une requête aux fins de reprise en charge ne pourrait être formulée que si l'Etat membre requis peut être désigné comme l'Etat responsable en application des critères de responsabilité énoncés au chapitre III du règlement est contredite par l'économie générale de ce règlement.

10. Il ressort de ces jurisprudences que les critères du chapitre III du règlement (UE) n°604/2013 ne sont susceptibles de fonder une décision de transfert que s'il s'agit d'un transfert en vue d'une première prise en charge, et non en vue d'une reprise en charge. Il en ressort également que les dispositions de l'article 18-1, b) à d) de ce règlement doivent être regardées comme figurant au nombre des critères énumérés dans le règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement. Par suite, lorsqu'une personne a antérieurement présenté des demandes d'asile auprès d'un ou de plusieurs Etats membres, avant d'entrer sur le territoire d'un autre Etat membre pour y solliciter de nouveau l'asile dans des conditions permettant à cet Etat de demander sa reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b) , c) ou d) du règlement (UE)

n° 604/2013 du 26 juin 2013, sa situation ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement, qui concernent le cas dans lequel aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement.

11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les recherches effectuées par les services du ministère de l'intérieur dans le fichier " Eurodac " à partir des relevés décadactylaires de M. A..., comme le compte-rendu de l'entretien individuel de l'intéressé, qui a alors indiqué avoir traversé le Pakistan, l'Iran, la Turquie, la Grèce, la Croatie, la Hongrie, la Suède et l'Allemagne, ont permis d'établir qu'il avait présenté, le 9 septembre 2015, une demande d'asile aux autorités hongroises, puis, le 5 novembre 2015, une demande d'asile aux autorités suédoises, qui ont explicitement accepté, le 6 octobre 2020, de reprendre en charge M. A... sur le fondement de l'article 18-1 d) du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, mettant ainsi fin au processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile.

12. Par suite, la situation de M. A... ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 en application desquelles, lorsqu'aucun aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen de cette demande. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en désignant la Suède comme Etat responsable de sa demande d'asile, le préfet de police aurait fait une application erronée des articles 3 et 18 du règlement n° 604/2013.

13. En troisième lieu, aux termes de de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

14. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées et telle qu'elle figure à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

15. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre contre signature,

le 1er octobre 2020, l'ensemble des informations nécessaires au suivi de sa demande d'asile et à l'engagement de la procédure de transfert, et tout particulièrement, la brochure d'information sur le règlement " Dublin III " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (brochure A) et le guide du demandeur d'asile en France, ainsi que la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin III " (brochure B) et la brochure d'information, rédigée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, relative à la base de données " Eurodac ". Il ressort des pièces du dossier que ces brochures, dont M. A... a signé la première page sans émettre aucune réserve, lui ont été remises dans leur intégralité et en langue dari ainsi que cela ressort des mentions apposées sur chacune d'elles. Par ailleurs, M. A... soutient que la notice d'information pour les personnes dont l'examen de la demande d'asile relève de la compétence de la France et portant sur le choix de la langue dans laquelle ils souhaitent être entendus ne lui a pas été remise et qu'il n'a ainsi pas pu porter à la connaissance de l'administration la langue dans laquelle il souhaitait que les informations lui soient communiquées. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que lors de l'entretien individuel mené le 1er octobre 2020, réalisé en présence d'un interprète en langue dari, il a confirmé comprendre les termes de cet entretien et n'a émis aucune réserve quant à la compréhension du dari, ni lors de la remise des brochures dans cette langue. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) /5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantis­sant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. /(...) ". Aux termes de l'article R. 741 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police. (...) ".

17. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des mentions du compte-rendu d'entretien individuel mené le 1er octobre 2020 que celui-ci a été " conduit par un agent qualifié de la préfecture de police par le biais d'ISM-Interprétariat en dari ", langue que l'intéressé a déclaré comprendre, comme il a déjà été dit. Dès lors que le préfet de police était compétent pour enregistrer la demande d'asile du requérant et procéder à la détermination de l'Etat responsable de cette demande, les services de la préfecture de police, et en particulier les agents recevant les demandeurs d'asile, doivent être regardés, en l'absence de tout élément contraire versé au dossier, comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement (UE) n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Par ailleurs, aucune disposition n'impose que le compte-rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité du règlement (UE) n° 604/2013 mentionne l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article 5 du règlement

n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

18. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 " 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ".

19. D'une part, l'arrêté contesté a seulement pour objet de renvoyer M. A... en Suède et non en Afghanistan, son pays d'origine. La Suède, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas établi ni même sérieusement soutenu qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Suède dans la procédure d'asile, ou que sa demande d'asile ne sera pas traitée dans les conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités suédoises, alors même que sa demande d'asile aurait été définitivement rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auquel il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Enfin, M. A... ne produit aucun élément tendant à établir qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de transfert aux autorités suédoises.

20. D'autre part, la faculté laissée à chaque État membre par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. En l'espèce, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'en s'abstenant de faire usage de cette faculté, le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel, y compris ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peut qu'être rejetée.

D E C I D E:

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant à être admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et à

Me C....

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :

- M. B..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Mornet, premier conseiller,

- Mme Jayer, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2021.

L'assesseur le plus ancien, Le président de la formation de jugement,

président-rapporteur,

M-D. JAYER Ch. B...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21PA00353 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00353
Date de la décision : 26/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : ANGLADE et PAFUNDI A.A.R.P.I

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-26;21pa00353 ?
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