La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2021 | FRANCE | N°20PA02484

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 mai 2021, 20PA02484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... J... G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 janvier 2019 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a prononcé pour une nouvelle durée de six mois le gel de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques et a interdit les mouvements ou transferts de fonds, instruments financiers et ressources économiques à son bénéfice.

Par un jugement n° 1905344 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
<

br>Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2020, M. A... J....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... J... G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 janvier 2019 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a prononcé pour une nouvelle durée de six mois le gel de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques et a interdit les mouvements ou transferts de fonds, instruments financiers et ressources économiques à son bénéfice.

Par un jugement n° 1905344 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2020, M. A... J... G... représenté par Me F... E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'économie et des finances du 18 janvier 2019 en tant qu'il le vise ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- les faits imputés, qui reposent sur les indications d'une " note blanche " et non sur des éléments précis et vérifiables recueillis au terme d'une enquête, sont matériellement inexacts, peu probants ou entachés de contradictions ;

- les faits allégués ont donné lieu à une plainte pénale pour dénonciation calomnieuse ; le jugement qui occulte cette plainte et met à sa charge une preuve impossible à fournir est entaché d'erreur de droit ;

- la sanction est disproportionnée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 17 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction est intervenue le 11 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la résolution 1540 (2004) du Conseil de sécurité des Nations unies du 28 avril 2004 ;

- la décision 2013/255/PESC du Conseil de l'Union Européenne du 31 mai 2013 concernant les mesures restrictives à l'encontre de la Syrie ;

- la décision d'exécution PESC du Conseil du 25 septembre 2017 mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC du Conseil de l'Union Européenne du 31 mai 2013 concernant les mesures restrictives à l'encontre de la Syrie ;

- le code monétaire et financier ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Péna, rapporteur public,

- et les observations de Me I... pour le requérant.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 janvier 2019, pris sur le fondement des articles L. 562-3 et suivants du code monétaire et financier, le ministre de l'économie et des finances a renouvelé le gel des avoirs possédés, détenus ou contrôlés par M. A... G... pour une durée de six mois et a interdit pour la même durée que des fonds soient mis de manière directe ou indirecte à sa disposition. M. A... G... relève appel du jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. L'ampliation de l'arrêté contesté cite les dispositions de l'article L. 562-3 du code monétaire et financier dont il est fait application et celles du point 2 de la résolution 1540 (2004) du Conseil de sécurité des Nations unies du 28 avril 2004 relatif aux obligations qui incombent aux Etats pour prévenir notamment la mise au point d'armes chimiques. Elle se réfère à l'article 28 de la décision 2013/255/PESC du Conseil de l'Union Européenne du 31 mai 2013 susvisée qui prévoit que sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant à des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, à des personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime et à des personnes et entités qui leur sont liées, et à la décision d'exécution PESC du Conseil du 25 septembre 2017 qui désigne parmi ces entités le Centre d'études et de recherches syrien (CERS) présenté comme l'entité publique chargée du développement et de la production d'armes non conventionnelles, y compris d'armes chimiques. La décision indique que la société Electronic G... Trading ainsi que les sociétés affiliées sont depuis plusieurs années l'un des principaux réseaux d'entreprises fournisseuses du CERS en précurseurs d'armes chimiques et précise qu'au printemps 2016 la société a acheté à des fournisseurs chinois de l'hexamine et de l'isoprupanol en vue de les livrer au centre de recherches syrien qui les utilise dans la synthèse de toxiques de guerre. Elle relève que malgré le gel de ses avoirs, le groupe a poursuivi ses activités en créant ses sociétés-écrans visant à poursuivre ces activités en contournant les mesures et mis progressivement en œuvre une stratégie de dissimulation d'acquisition de biens auprès de fournisseurs étrangers, notamment européens. Elle conclut que M. A... G..., dirigeant de la société, a agi consciemment pour le compte et sur les instructions du CERS. Ainsi donc, le requérant qui pouvait à la seule lecture de la décision connaître les motifs de la mesure qui le frappe, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé.

3. Pour prononcer la mesure contestée, le ministre de l'économie et des finances s'est fondé sur une " note blanche " versée au débat contradictoire, dont il ressort qu'au printemps 2016, la société Electronic G... Trading (EKT) a acheté à des fournisseurs chinois, par l'intermédiaire de la société chinoise EKT Smart Technology, de l'hexamine et de l'isopropanol, deux réactifs ou précurseurs utilisés pour stabiliser la réaction de synthèse du sarin, destinés au CERS. La " note blanche " présente le système de facilitateurs et de transitaires complaisants en France, en Chine, au Liban, aux Emirats Arabes Unis et en Syrie mis en place afin de financer l'acquisition et de fluidifier la logistique des opérations de fournitures au CERS. Ces entités sont dirigées par des personnes assumant des responsabilités au sein de la société EKT ou agissant directement sur ordre ou pour le compte de ces personnes. La note précise qu'en 2015, M. A... G... négociait directement avec le CERS via Alissar Trading, société écran du CERS. Des cargaisons achetées par la société EKT, et destinées au CERS, ont, par ailleurs, été acheminées vers la Syrie par le transitaire libanais ABC Shipping Co avec lequel M. A... G... entretient des liens privilégiés. La note indique qu'il donne instruction à la comptable en chef de la société EKT, Mme H... C..., d'opérer des transferts financiers du Liban vers la Chine afin de payer les fournisseurs chinois du réseau. Elle relève enfin que les sociétés Electronic G... Trading et Electronic System Group ont poursuivi leurs activités commerciales au bénéfice du CERS en dépit des sanctions prononcées à son encontre. Ainsi, depuis les premières mesures de gel initiées en janvier 2018, M. A... G..., directeur de la société libanaise EKT, a créé plusieurs sociétés écrans et a progressivement mis en œuvre une stratégie de dissimulation d'acquisition des biens auprès de fournisseurs étrangers, notamment européens. Depuis juillet 2018, la société ESG et son directeur Mohammed Kassoum, identifié comme le point de contact du groupe EKT-ESG avec le CERS, ont continué à entretenir des relations commerciales avec le Centre, notamment avec des employés en charge des acquisitions et du programme Scud. La note conclut que M. A... G... en tant que membre fondateur et directeur général du groupe EKT agit consciemment pour le compte de ou sur instruction du CERS, et qu'en fournissant des biens susceptibles d'entrer dans la confection d'armes de destruction massive au CERS, lui et la société qu'il dirige, soutiennent l'effort de guerre syrien.

4. Aucune disposition législative ni aucun principe ne s'oppose à ce que des faits relatés par des notes blanches produites par le ministre, qui ont été versées au débat contradictoire, soient susceptibles d'être pris en considération par le juge administratif. La prise en compte de ces notes blanches, qui garantissent la confidentialité des sources, ne porte pas en elle-même atteinte au droit au procès équitable garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au principe de l'égalité des armes ainsi qu'à la présomption d'innocence dès lors que, dans le cadre du débat contradictoire, le requérant peut utilement contester, ce qui est le cas en l'espèce, les éléments qu'elles contiennent et notamment leur exactitude matérielle, d'éventuelles contradictions ou leur imprécision.

5. Pour contester les éléments précis et circonstanciés figurant dans cette note,

M. A... G... se borne à faire valoir que l'administration a confondu dans la motivation de l'arrêté la société EKT et son appellation commerciale NKtronics, ce qui est indifférent, et à faire état de deux plaintes contre X pour dénonciation calomnieuse qui ne comportent aucun élément concret sur les faits en cause et qui, au demeurant, n'ont pas abouti. Si le requérant affirme que le dossier est vide et qu'il repose sur des mensonges, il n'avance dans le cadre du débat contradictoire aucun élément dont il pourrait se déduire que l'administration s'est fondée sur des faits inexistants ou mal interprétés, ou sur des informations erronées. En particulier, les liens entretenus avec le régime syrien et l'achat au printemps 2016 à une société chinoise de produits nécessaires à la fabrication d'armes chimiques, étrangers à l'activité de vente des fournitures électriques ou de matériels électroniques de sa société, ainsi que la poursuite de la collaboration entre les sociétés du groupe et le CERS après les premières mesures de gel des avoirs en janvier 2018 ne sont pas utilement contredits, ni même sérieusement démentis. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

6. Compte tenu des éléments dont il fait état, le ministre de l'économie et des finances, en gelant les avoirs possédés, détenus ou contrôlés par M. A... G... pour une durée de six mois et en interdisant pour la même durée que des fonds soient mis de manière ou indirecte à sa disposition, n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

8. Les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté ayant été rejetées, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent l'être par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... J... G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... J... G... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. B..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2021.

L'assesseur le plus ancien,

M-D... Le président de la formation de jugement,

président-rapporteur,

Ch. B...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA02484 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02484
Date de la décision : 26/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Droit de propriété - Actes des autorités administratives concernant les biens privés.

Police - Étendue des pouvoirs de police.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-26;20pa02484 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award