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25/05/2021 | FRANCE | N°20PA01573

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 25 mai 2021, 20PA01573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1927249/5-3 du 3 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2020, Mme A... D..., représent

ée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1927249/5-3 du 3 juin 2020 du T...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1927249/5-3 du 3 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2020, Mme A... D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1927249/5-3 du 3 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2019 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police, en n'exerçant pas son pouvoir de régularisation, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur de droit dès lors qu'elle pouvait prétendre au bénéfice d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ainsi que des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., ressortissante marocaine née le 26 février 1989, est entrée en France en 2012 selon ses déclarations. Elle a obtenu une carte de séjour portant la mention " salarié " valable entre le 24 juillet 2018 et le 23 juillet 2019. Par un arrêté du 19 novembre 2019, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... D... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord [...] ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" [...] ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

3. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la " feuille de salle ", renseignée par Mme A... D... auprès des services de la préfecture de police le 9 septembre 2019, qu'elle a sollicité un titre de séjour portant la mention " salarié ". Eu égard à sa nationalité marocaine, le préfet de police ne pouvait examiner sa demande d'octroi de ce titre sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais seulement sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain, ainsi qu'il l'a fait en l'espèce. Par ailleurs, Mme A... D... ne saurait utilement soutenir que le préfet de police aurait dû lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", et que le préfet de police n'a pas examiné d'office si elle pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers doit être écarté.

5. D'autre part, Mme A... D... soutient que le préfet de police aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire de régularisation. Elle se prévaut à cet égard de sa présence en France depuis 2013 et de son activité professionnelle en qualité d'employée de magasin entre octobre 2016 et juin 2017, puis de nouveau, auprès d'une autre société, en novembre 2017, février 2018, avril 2018, puis en qualité de personnel d'entretien entre septembre 2018 et septembre 2019, enfin, en tant que gouvernante, depuis octobre 2019. Par ailleurs, elle soutient qu'elle parle couramment le Français et qu'elle s'est mariée le 7 mars 2020. Toutefois, et alors que ce mariage est postérieur à l'arrêté contesté et qu'il n'est pas allégué ni établi que l'époux de Mme A... D... résiderait en France en situation régulière, il ne ressort pas des pièces du dossier que, en refusant d'exercer son pouvoir de régularisation, le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée [...] ".

7. Eu égard à la situation personnelle de Mme A... D..., telle qu'elle a été décrite au point 5, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... D... n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Maroc, où réside sa mère, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dans ces conditions, Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment. Il en est de même du moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

9. En second lieu, si Mme A... D... soutient que le préfet de police ne pouvait prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle pouvait prétendre au bénéfice d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, elle n'apporte aucune précision au soutien de ses allégations, alors qu'il ressort des pièces du dossier que son contrat de travail n'a pas été visé par les autorités compétentes. Elle n'établit pas davantage, ainsi qu'il a été dit précédemment au point 7, qu'elle pourrait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, les dispositions de l'article L. 313-14 de ce même code ne prévoient pas l'attribution de plein droit d'un titre de séjour, de sorte que Mme A... D... ne saurait utilement s'en prévaloir pour soutenir que le préfet de police ne pouvait prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme A... D... à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er: La requête de Mme A... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2021.

Le rapporteur,

K. C...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01573 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01573
Date de la décision : 25/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : LISITA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-25;20pa01573 ?
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