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25/05/2021 | FRANCE | N°19PA00861

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 25 mai 2021, 19PA00861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner solidairement l'Etat et l'Ecole nationale d'administration à lui verser la somme de 204 837 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'inexactitude des informations qui lui ont été données quant à la rémunération des administrateurs civils recrutés à la sortie de cette école.

Par un jugement n° 1704896 du 28 décembre 2018, le Tribunal administ

ratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner solidairement l'Etat et l'Ecole nationale d'administration à lui verser la somme de 204 837 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'inexactitude des informations qui lui ont été données quant à la rémunération des administrateurs civils recrutés à la sortie de cette école.

Par un jugement n° 1704896 du 28 décembre 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2019, M. B..., représenté par la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1704896 du 28 décembre 2018 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner solidairement l'Etat et l'Ecole nationale d'administration à lui verser la somme de 204 837 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'Ecole nationale d'administration une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que, en l'état de la copie qui lui a été transmise, la minute de la décision n'a pas été signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le lien de causalité direct et certain entre la faute imputable à l'administration et les préjudices subis est établi.

Par des mémoires, enregistrés le 18 avril 2019 et le 5 février 2020, M. B... se désiste de ses conclusions indemnitaires dirigées contre l'Ecole nationale d'administration et maintient ses autres conclusions.

Il soutient en outre qu'il a subi un préjudice financier et des troubles dans les conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2019, l'Ecole nationale d'administration, représentée par Me D..., prend acte du désistement de M. B... des conclusions indemnitaires dirigées contre elle et conclut à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 16 décembre 2019, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 99-945 du 16 novembre 1999 ;

- le décret n° 2002-50 du 10 janvier 2002 ;

- le décret n° 2007-1444 du 8 octobre 2007 ;

- le décret n° 2015-983 du 31 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- les observations de Me Coudray, avocat de M. B...,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a exercé entre 2007 et 2013 en qualité d'agent contractuel de droit public au sein de la direction générale du Trésor, en dernier lieu en qualité de chargé de mission rémunéré sur la base de l'indice majoré 648. A la suite de son admission au concours interne d'entrée à l'Ecole nationale d'administration, il a été, par un arrêté de la ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique en date du 31 décembre 2013, nommé élève de cette école et rattaché à la promotion 2014-2015, par la suite baptisée " Winston Churchill ", à compter du 1er janvier 2014. Au terme de la procédure d'affectation alors définie par les articles 50 bis à 50 quinquies du décret du 10 janvier 2002 relatif aux conditions d'accès et aux régimes de formation à l'Ecole nationale d'administration, et conformément au choix qu'il avait émis le 17 décembre 2015, qui s'était porté sur le poste d'adjoint au chef du bureau des industries de l'énergie au sein de la direction générale des entreprises relevant du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, il a été, par un décret du 11 janvier 2016, nommé et titularisé dans le corps des administrateurs civils à compter du 1er janvier 2016. Il a alors été classé au premier échelon de ce grade, doté de l'indice brut 528, auquel correspond l'indice majoré 452. M. B... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat et de l'Ecole nationale d'administration à lui verser une somme de 204 837 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'inexactitude des informations qui lui ont été données quant à la rémunération des administrateurs civils recrutés à la sortie de cette école.

Sur l'étendue du litige :

2. Dans son mémoire enregistré le 18 avril 2019, M. B... déclare se désister de ses conclusions indemnitaires en tant qu'elles étaient dirigées contre l'Ecole nationale d'administration. Ce désistement est pur et simple et rien ne s'oppose à ce qu'il lui en soit donné acte.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance transmis à la Cour que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures prévues par ces dispositions. Si l'expédition du jugement du Tribunal administratif de Melun notifié à M. B... ne comporte pas ces signatures, cette circonstance n'est pas de nature à entacher le jugement attaqué d'irrégularité. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Aux termes de l'article 9 du décret du 16 novembre 1999 portant statut particulier du corps des administrateurs civils, dans sa rédaction applicable au 1er janvier 2016, date de titularisation des élèves de la promotion " Winston Churchill " de l'Ecole nationale d'administration : " Quelle que soit la durée de leur scolarité à l'Ecole nationale d'administration, les administrateurs civils recrutés par la voie de cette école sont nommés directement au 1er échelon du grade d'administrateur civil. / Toutefois, ceux [...] qui avaient, à la date du début de leur scolarité à l'Ecole nationale d'administration, la qualité d'agent contractuel de droit public ou d'agent d'une organisation internationale intergouvernementale sont classés, lorsque cela leur est plus favorable, à l'échelon du grade d'administrateur civil doté de l'indice le plus proche de celui leur permettant d'obtenir un traitement indiciaire mensuel brut égal à 70 % de leur rémunération mensuelle brute antérieure. Ce classement ne peut toutefois excéder la limite du classement qui résulterait de la prise en compte de l'ancienneté de service public civil accomplie dans des fonctions du niveau de la catégorie A. / La rémunération prise en compte est la moyenne des six dernières rémunérations mensuelles perçues par l'agent dans son dernier emploi. Elle ne comprend aucun élément de rémunération accessoire lié à la situation familiale, au lieu de travail, aux frais de transport, au versement de primes d'intéressement ou d'indemnités exceptionnelles de résultat. En outre, lorsque l'agent exerçait ses fonctions à l'étranger, elle ne comprend aucune majoration liée à l'exercice de ces fonctions à l'étranger [...] ".

6. Il résulte de l'instruction que, en application des dispositions alors en vigueur de l'article 50 bis du décret du 10 janvier 2002 relatif aux conditions d'accès et aux régimes de formation à l'Ecole nationale d'administration, les services du ministère des finances et des comptes publics et du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, au sein desquels quinze emplois d'administrateur civil étaient offerts aux élèves de la promotion " Winston Churchill ", parmi lesquels l'emploi d'adjoint au chef du bureau des industries de l'énergie finalement choisi par M. B..., ont transmis en septembre 2015 à la commission de suivi de la procédure d'affectation des élèves de l'Ecole nationale d'administration, en vue de sa diffusion aux élèves concernés, un dossier contenant un document intitulé " Les métiers et carrières des administrateurs civils aux ministères économiques et financiers " qui comportait notamment l'information selon laquelle " les élèves issus du concours interne [seront] reclassés à l'indice égal ou immédiatement supérieur à celui de leur grade d'origine ". Ce document a de nouveau été communiqué le 7 décembre 2015 à M. B... par le chef du bureau des industries de l'énergie, auprès duquel il avait passé un entretien. Or, les dispositions de l'article 9 du décret du 16 novembre 1999 portant statut particulier du corps des administrateurs civils, dans leur rédaction, issue du décret du 31 juillet 2015, applicable à compter du 6 août 2015, citées au point 5, prévoient que les élèves qui avaient, avant le début de leur scolarité, la qualité d'agent contractuel de droit public sont classés, non pas à l'indice égal ou immédiatement supérieur à celui de leur grade d'origine mais à l'échelon doté de l'indice le plus proche de celui leur permettant d'obtenir un traitement indiciaire mensuel brut égal à 70 % de leur rémunération mensuelle brute antérieure. Ainsi, en communiquant des renseignements erronés quant à l'indice de classement des administrateurs civils recrutés par la voie de l'Ecole nationale d'administration, les services du ministère des finances et des comptes publics et du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique ont commis une faute.

7. Pour établir le lien de causalité entre la faute ainsi commise par l'administration et le préjudice financier et les troubles dans les conditions d'existence qu'il allègue avoir subis, M. B... soutient, que père de trois enfants à charge, il a été confronté à des difficultés financières au cours de sa scolarité à l'Ecole nationale d'administration, de sorte que la rémunération attachée aux postes offerts à la sortie de l'Ecole nationale d'administration aurait constitué selon lui le critère principal de son choix d'affectation. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les renseignements erronés quant à l'indice de classement des élèves titularisés dans le corps des administrateurs civils qui lui ont été donnés auraient constitué le motif déterminant de son choix de rejoindre le corps des administrateurs civils plutôt que celui des administrateurs de la ville de Paris. En particulier, les éléments, au demeurant partiels, produits par M. B... quant à sa situation financière - à savoir un tableau de ses ressources et de ses charges réalisé par ses soins, un bulletin de paye au titre du mois de décembre 2015, un bulletin de paye adressé à son épouse en janvier 2015, le bail immobilier signé par le couple en août 2014, ainsi qu'un bulletin de salaire adressé à une personne employée par lui en qualité de garde d'enfant - ne sauraient établir un tel lien. La circonstance que M. B... a adressé aux services du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique des demandes tendant à obtenir une simulation de rémunération ne saurait davantage établir ce lien. Dans ces conditions, les informations erronées fournies par l'administration ne peuvent être regardées, en l'espèce, comme la cause directe des préjudices que M. B... allègue avoir subis. Par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par l'intéressé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme que l'Ecole nationale d'administration demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E:

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions indemnitaires de M. B... en tant qu'elles étaient dirigées contre l'Ecole nationale d'administration.

Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'Ecole nationale d'administration présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à l'Ecole nationale d'administration.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2021.

Le rapporteur,

K. C...

Le président,

C. JARDINLe greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA00861 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00861
Date de la décision : 25/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Renseignements.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-25;19pa00861 ?
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