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20/05/2021 | FRANCE | N°20PA04207

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 mai 2021, 20PA04207


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 29 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait transféré aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2018252/8 du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. E... à l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du 29 octobre 2020, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. E... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un déla

i de dix jours à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 29 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait transféré aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2018252/8 du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. E... à l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du 29 octobre 2020, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. E... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me C... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 décembre 2020 et 18 janvier 2021, le préfet de police demande à la Cour d'annuler :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2018252/8 du 27 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le motif d'annulation retenu par le premier juge est infondé dès lors qu'il pouvait, sans méconnaître l'article 18-1 b) ou l'article 3 du règlement Dublin, saisir les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge de la demande de M. E... ;

- les autres moyens soulevés par M. E... en première instance ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, le motif d'annulation retenu par le premier juge n'impliquait pas la délivrance d'une attestation de demande d'asile en procédure normale dès lors que la situation de l'intéressé entrait dans le champ du 2° du III de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à M. E... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... E..., ressortissant afghan, a été reçu par les services de la préfecture le 10 août 2020 et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 29 octobre 2020, le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités allemandes. Le préfet de police relève appel du jugement du 27 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. E..., cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

2. D'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, intégré dans le chapitre II de ce règlement intitulé " Principes généraux et garanties " : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Le chapitre III de ce règlement est intitulé " Critères de détermination de l'Etat responsable ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 18 du même règlement, intégré dans le chapitre V du règlement, intitulé " Obligations de l'Etat membre responsable " : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".

4. L'arrêté du 29 octobre 2020 du préfet de police, qui fonde la remise de M. E... aux autorités allemandes sur les dispositions de l'article 18-1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatives à la reprise en charge d'un demandeur d'asile par un Etat membre de l'Union Européenne, expose notamment que celui-ci a présenté une demande de protection internationale successivement en Hongrie puis en Allemagne avant de solliciter l'asile auprès des autorités nationales et porte l'appréciation selon laquelle les critères mentionnés au chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont pas applicables à sa situation. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour annuler cet arrêté, le premier juge a déduit de ces circonstances que les dispositions de l'article 18-1 de ce règlement devaient être combinées avec celles de l'article 3 du même règlement et a estimé qu'en application de la combinaison de ces dispositions l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. E... était non pas l'Allemagne mais le premier État membre auprès duquel il avait introduit sa demande de protection internationale, c'est-à-dire la Hongrie.

5. Toutefois, il ressort de la jurisprudence du Conseil d'État (avis n° 420900 du 7 décembre 2018) et de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt n° C-582/217 et C-583/17 du 2 avril 2019) que les dispositions de l'article 18-1, b) à d) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doivent être regardées comme figurant au nombre des critères énumérés dans le règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement. Par suite, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile auprès d'un ou de plusieurs États membres, avant d'entrer sur le territoire d'un autre État membre pour y solliciter de nouveau l'asile dans des conditions permettant à cet État de demander sa reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b), c) ou d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, sa situation ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement, qui concernent le cas dans lequel aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les recherches effectuées par les services du ministère de l'intérieur dans le fichier " Eurodac " à partir des relevés décadactylaires de M. E..., comme le compte-rendu de l'entretien individuel de l'intéressé, ont permis d'établir qu'il est entré irrégulièrement en Bulgarie, puis s'est rendu en Hongrie où il a présenté, le 13 mai 2015, une demande d'asile, puis qu'il est ultérieurement entré en Allemagne où il a présenté une nouvelle demande d'asile le 30 septembre 2015 et que celle-ci été rejetée. En décidant d'examiner ainsi la demande d'asile de M. E... alors qu'il avait antérieurement sollicité l'asile en Hongrie, les autorités allemandes ont reconnu leur responsabilité pour examiner cette demande, mettant ainsi fin au processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande prévu par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces autorités ont de plus explicitement accepté, le 6 octobre 2020, de reprendre en charge M. E... sur le fondement de l'article 18-1 d) de ce règlement.

7. Par suite, en vertu de la règle énoncée au point 5, la situation de M. E... ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 en application desquelles, lorsqu'aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen de cette demande.

8. Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté du 29 octobre 2020 au motif que les dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 devraient être combinées avec celles de l'article 18-1 d) de ce règlement, de sorte que la Hongrie, et non l'Allemagne, serait responsable de l'examen de la demande d'asile de M. E....

9. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal :

10. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00799 du 1er octobre 2020, régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris du 9 octobre 2020, le préfet de police a donné à M. A... D..., attaché d'administration de l'Etat au sein du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police et signataire de l'arrêté contesté, délégation à effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées et telle qu'elle figure à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

13. Il ressort des pièces du dossier que M. E... s'est vu remettre contre signature, le 10 août 2020, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), conformes à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 qui a modifié sur ce point l'article 16 bis du règlement (CE) n° 1560/2003, le guide du demandeur d'asile et la brochure Eurodac. Ces documents sont rédigés en langue pachto, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. La circonstance que ces documents lui ont été remis le jour de l'entretien individuel du 10 août 2020, après le relevé de ses empreintes, n'est pas de nature à établir qu'il aurait été privé d'une garantie procédurale quant à son droit à l'information prévu à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces brochures ne lui auraient pas été remises en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

14. En troisième lieu, M. E... n'apporte à l'appui de son moyen tiré de ce que l'arrêté en litige méconnaîtrait les dispositions de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, selon lesquelles " Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné ", aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ce moyen doit dès lors être écarté.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement n° 603/2013 du 29 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Chaque État membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) no 604/2013, accompagnée des données visées à l'article 11, points b) à g) du présent règlement. / Le non-respect du délai de 72 heures n'exonère pas les États membres de l'obligation de relever et de transmettre les empreintes digitales au système central. Lorsque l'état des doigts ne permet pas de relever des empreintes digitales d'une qualité suffisante pour une comparaison appropriée au titre de l'article 25, l'État membre d'origine procède à un nouveau relevé des empreintes digitales du demandeur et le retransmet dès que possible et au plus tard 48 heures suivant ledit relevé de bonne qualité. ". Aux termes de l'article 29 du même règlement : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. ".

16. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Ainsi, si M. E... entend se prévaloir des articles 9 et 29 cités au point précédent, la méconnaissance de l'obligation d'information qu'ils consacrent ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

17. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermi­nation mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantis­sant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations four­nies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

18. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a bénéficié d'un tel entretien le 10 août 2020 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue pachto, langue que l'intéressé, ainsi qu'il a été dit, n'a ni allégué ni établi ne pas comprendre, et qu'il a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. L'intéressé ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. En outre, il ressort des mentions du résumé de l'entretien individuel que cet entretien a été " conduit par un agent qualifié de la Préfecture de Police par le biais d'ISM interprétariat " et que la personne qui a conduit cet entretien a demandé à M. E... des informations nécessaires à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Aucune disposition n'impose la mention sur le compte rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité du règlement (UE) n° 604/2013 de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. La circonstance que ni le nom, ni la signature de l'agent ne figure sur le compte rendu de l'entretien n'est pas de nature à démontrer que celui-ci n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Dès lors que le préfet de police était compétent pour enregistrer la demande d'asile de M. E... et procéder à la détermination de l'Etat responsable de cette demande, les services de la préfecture de police de Paris, et en particulier les agents recevant les demandeurs d'asile, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Au demeurant, dès lors que le requérant a eu la possibilité, lors de cet entretien, de faire part utilement de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent qui a mené l'entretien individuel n'a, en tout état de cause, pas privé l'intéressé d'une garantie et n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

19. En sixième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9 paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". De même, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse. ". Enfin, aux termes de l'article 19 du même règlement : " 1. Chaque État membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. / 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. / 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé de réception pour toute transmission entrante ".

20. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police, qui produit l'accusé de réception " Dublinet " par le point d'accès national de l'Etat requis, a saisi le 1er octobre 2020 les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M. E... sur la base des résultats positifs du système Eurodac communiqués le 10 août 2020 et que par une réponse en date du 6 octobre 2020, les autorités allemandes ont accepté leur responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 18-1-d du règlement n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet de police de justifier avoir procédé aux diligences requises par les dispositions précitées, doit être ainsi écarté.

21. En septième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 26 juin 2013, établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...). / 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) / 3. Tout État membre conserve le droit d'envoyer un demandeur vers un pays tiers sûr, sous réserve des règles et garanties fixées dans la directive 2013/32/UE ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : (...) / b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; (...) ".

22. M. E... soutient que, ayant été débouté de sa demande d'asile en Allemagne et son autorisation exceptionnelle de séjour étant expirée, son renvoi dans ce pays entrainerait par ricochet son renvoi dans son pays d'origine, l'Afghanistan, où il craint pour sa vie compte tenu du climat de violence généralisée qui y règne et fait valoir que les autorités françaises octroient le bénéfice de la protection subsidiaire aux demandeurs d'asile afghans devant transiter par Kaboul. Toutefois, l'arrêté contesté n'a ni pour objet, ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers l'Afghanistan, mais seulement de prononcer son transfert en Allemagne. Par ailleurs, l'Allemagne, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les rapports internationaux et les articles de presse produits par le requérant ne sont pas de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités allemandes, alors même que la demande d'asile de M. E... a fait l'objet d'un rejet, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

23. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point précédent, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en prononçant son transfert aux autorités allemandes, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 29 octobre 2020 décidant la remise aux autorités allemandes de M. E..., lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à demander, en conséquence, l'annulation de ce jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2018252/8 du 27 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente,

- Mme B..., première conseillère,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2021.

La présidente de la 8ème chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA04207


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04207
Date de la décision : 20/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-20;20pa04207 ?
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