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18/05/2021 | FRANCE | N°19PA02036

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 mai 2021, 19PA02036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Campus France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du 24 janvier 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de l'autoriser à licencier M. B... C..., la décision expresse de l'inspecteur du travail du 29 janvier 2018 confirmant la décision précédente, la décision implicite du 27 juillet 2018 du ministre du travail rejetant son recours hiérarchique, et la décision expresse du 8 novembre 2018 par laquelle le ministre a retiré les deux

décisions précédentes et a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Campus France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du 24 janvier 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de l'autoriser à licencier M. B... C..., la décision expresse de l'inspecteur du travail du 29 janvier 2018 confirmant la décision précédente, la décision implicite du 27 juillet 2018 du ministre du travail rejetant son recours hiérarchique, et la décision expresse du 8 novembre 2018 par laquelle le ministre a retiré les deux décisions précédentes et a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1817156/3-3 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre les décisions des 29 janvier 2018 et 27 juillet 2018, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires enregistrés les 25 juin 2019, 4 février 2020, 24 février 2020 et 18 mars 2020, Campus France, représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite du 24 janvier 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de l'autoriser à licencier M. C..., la décision expresse de l'inspecteur du travail du 29 janvier 2018 confirmant la décision précédente, et la décision expresse du 8 novembre 2018 par laquelle le ministre a retiré les deux décisions précédentes et a rejeté son recours hiérarchique ;

3°) d'enjoindre au ministre du travail de réexaminer sa demande d'autorisation de licenciement de M. C... ;

4°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'une des pièces produites par le salarié doit être écartée des débats, car elle cite de manière déloyale des propos de salariés nommément désignés ;

- c'est à tort que les premiers juges ont constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions à fin d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 29 janvier 2018, dans la mesure où le ministre ne l'a pas retirée, mais annulée ;

- M. C..., qui n'avait pas informé son employeur de son mandat de défenseur syndical avant l'envoi de la convocation à son entretien préalable, ne bénéficiait d'aucune protection ; le refus du ministre du travail d'autoriser son licenciement est de ce fait entaché d'erreur de droit ;

- le ministre aurait dû examiner les faits reprochés à M. C... à la date de sa propre décision, dès lors que la décision du 29 janvier 2018 de l'inspecteur du travail s'était substituée à la décision implicite née le 24 janvier 2018 ;

- les propos tenus par M. C... dans un courrier du 21 septembre 2017, injurieux, dénigrants et excessifs, constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

Par deux mémoires enregistrés les 30 décembre 2019 et 5 mars 2020, M. C..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Campus France sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Campus France ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 19 février 2020, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Campus France ne sont pas fondés.

La date de clôture de l'instruction a été fixée au 1er juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant l'établissement Campus France.

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement public Campus France a recruté M. C... le 10 juillet 2013, en qualité de comptable. M. C... a été inscrit sur la liste des défenseurs syndicaux pour la région Île-de-France par arrêté préfectoral du 27 octobre 2017. Par courrier du 31 octobre 2017, Campus France a convoqué ce salarié, auquel était reproché un usage abusif de sa liberté d'expression, à un entretien préalable à un licenciement disciplinaire. Puis, par courrier du 21 novembre 2017, reçu par l'administration le 24 novembre 2017, Campus France a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement. Le 24 janvier 2018, cette autorisation a été implicitement refusée. Par une décision expresse du 29 janvier 2018, l'inspecteur du travail a confirmé ce refus d'autorisation de licenciement. Le recours hiérarchique de l'établissement a été implicitement rejeté par le ministre du travail le 27 juillet 2018. Par une décision expresse du 8 novembre 2018, le ministre a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 29 janvier 2018 et a confirmé la décision implicite de l'inspecteur du travail du 24 janvier 2018 refusant l'autorisation de licenciement de M. C.... Campus France relève appel du jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre les décisions des 29 janvier 2018 et 27 juillet 2018, et a rejeté le surplus de la demande de l'établissement requérant.

Sur les conclusions de Campus France tendant à ce qu'une pièce soit écartée des débats :

2. Si l'établissement Campus France demande à la cour d'écarter des débats la pièce n° 25 produite par M. C... en faisant valoir qu'il existe un doute sur l'authenticité de ce document, qui cite les propos recueillis dans le cadre d'une enquête interne et sous réserve de confidentialité de salariés nommément désignés, ce document intitulé " rapport d'enquête du CHSCT relatif à la situation de M. C... " n'est pas sans lien avec l'affaire dont la cour est saisie. Il appartient à la cour d'apprécier la valeur des éléments contenus dans ce document, et éventuellement d'en tenir compte, au vu des arguments échangés par les parties. Il n'est pas par ailleurs établi que les éléments figurant dans ce rapport d'une instance représentative du personnel auraient été obtenus dans des conditions de déloyauté qui devraient nécessairement conduire la cour à les écarter des débats.

Sur la légalité de la décision expresse du ministre du travail du 8 novembre 2018 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : / (...) 19° Défenseur syndical mentionné à l'article L. 1453-4 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-24 du même code : " Le licenciement du défenseur syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. ". Et aux termes de l'article D. 1453-2-7 de ce code : " Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi informe l'employeur du salarié inscrit, de l'acquisition et du retrait de la qualité de défenseur syndical. ".

4. L'autorisation prévue par les dispositions précitées est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement. Par ailleurs, lorsque la protection assurée au salarié découle de l'exercice d'un mandat extérieur à l'entreprise, ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, permettre au salarié protégé de se prévaloir d'une telle protection que s'il est établi que son employeur en a été informé au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été investi des fonctions de défenseur syndical par un arrêté du 27 octobre 2017, quatre jours avant l'envoi par Campus France, le 31 octobre 2017, de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement. Il est par ailleurs constant que l'employeur a été informé de ce mandat par un courriel de M. C... du 2 novembre 2017, puis par un courrier de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 31 octobre 2017, reçu par Campus France le 8 novembre 2017. Par suite, l'entretien préalable ayant eu lieu le 10 novembre 2017, l'établissement requérant n'est pas fondé à soutenir que le salarié ne bénéficiait pas de la protection prévue par les dispositions précitées du code du travail.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. (...) ".

7. Par sa décision expresse du 8 novembre 2018, le ministre du travail a d'abord, à l'article 1er, retiré sa décision implicite née le 27 juillet 2018 rejetant le recours gracieux formé par Campus France contre la décision expresse de l'inspecteur du travail du 29 janvier 2018. Pour retirer cette décision implicite née le 27 juillet 2018, le ministre s'est fondé sur le motif, non contesté par l'établissement requérant, que cette décision implicite initiale ne satisfaisait pas à l'obligation légale de motivation d'un tel acte alors que Campus France avait expressément demandé à en connaître les raisons. Par sa décision expresse du 8 novembre 2018, le ministre du travail a ensuite, à l'article 2, annulé pour vice de forme la décision expresse de l'inspecteur du travail du 29 janvier 2018 en relevant que ce dernier avait omis de se prononcer sur la matérialité des faits allégués par l'employeur. Le bien-fondé de cette annulation par le ministre du travail de la décision expresse de l'inspecteur du travail n'est pas contesté par Campus France. La décision expresse de l'inspecteur du travail du 29 janvier 2018 ne présentait pas le caractère d'un retrait de la décision implicite de rejet de la demande d'autorisation de licencier M. C... née le

24 janvier 2018 mais au contraire celui d'une confirmation, en l'assortissant d'une motivation, de cette décision implicite de refus de licenciement qui avait créé des droits au profit de ce salarié. La décision expresse du 29 janvier 2018 ne revenant pas sur la décision implicite née le 24 janvier 2018 et ne se substituant pas à elle, c'est à bon droit que le ministre du travail a apprécié les faits qui motivaient le recours hiérarchique de Campus France à la date du

24 janvier 2018.

8. En dernier lieu, pour solliciter l'autorisation de licencier M. C..., l'établissement requérant fait valoir que le salarié a adressé à Mme D..., directrice générale de Campus France, un courrier daté du 21 septembre 2017, dans lequel il aurait tenu des propos injurieux, dénigrants et excessifs, alors par ailleurs que ce courrier a également été transmis au secrétaire général du CHSCT et à l'inspecteur du travail. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si la lettre de M. C... met en cause en des termes parfois véhéments la gestion de l'établissement public par sa direction, en en soulignant les conséquences jugées néfastes sur la santé des personnels, le courrier litigieux ne comporte pas de propos insultants et le salarié ne se livre pas à un dénigrement systématique susceptible d'être regardé comme abusif. M. C... conclut d'ailleurs son adresse en invitant Mme D... à recueillir l'avis des salariés et en précisant qu'il " garde espoir " que le climat social au sein de l'établissement, manifestement dégradé comme l'a relevé le ministre du travail, pourra s'améliorer. Dans ces conditions, le courrier du 21 septembre 2017 ne saurait être regardé comme excédant les limites de la liberté d'expression de M. C.... Par suite, Campus France n'est pas fondé à soutenir que la décision du ministre du 8 novembre 2018, confirmant le refus implicite d'autorisation de licenciement du 24 janvier 2018 de l'inspecteur du travail, serait entachée d'une erreur d'appréciation.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions de l'inspecteur du travail des 24 janvier 2018 et 29 janvier 2018 :

9. La décision expresse du 29 janvier 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a confirmé sa décision implicite du 24 janvier 2018 refusant l'autorisation de licencier M. C... a été annulée par la décision du ministre du travail du 8 novembre 2018. Cette décision du ministre du travail n'est pas entachée d'illégalité, ainsi que la cour l'a jugé au point 7. Les conclusions de Campus France tendant à l'annulation de la décision du 29 janvier 2018, qui a disparu de l'ordre juridique, sont dès lors dépourvues d'objet.

10. Après avoir annulé la décision expresse de l'inspecteur du travail du 29 janvier 2018, le ministre du travail a confirmé la décision implicite de cet inspecteur née le 24 janvier 2018. Par le présent arrêt, la cour a jugé que la décision du ministre n'était entachée d'aucune illégalité. Les conclusions de Campus France tendant à l'annulation de la décision implicite du 24 janvier 2018 sont dès lors vouées au rejet, l'ensemble des moyens soulevés par l'établissement requérant contre le refus de l'administration de l'autoriser à licencier M. C... ayant été écartés par le présent arrêt.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'établissement requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Campus France et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Campus France le versement de la somme de 2 000 euros à M. C....

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'établissement Campus France est rejetée.

Article 2 : L'établissement Campus France versera la somme de 2 000 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement Campus France, à M. B... C... et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.

Le rapporteur,

G. E...Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02036
Date de la décision : 18/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP LEGENDRE-PICARD-SAADAT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-18;19pa02036 ?
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