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07/05/2021 | FRANCE | N°19PA02304

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 07 mai 2021, 19PA02304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Reithler a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 99 645,42 euros au titre du marché notifié le

29 décembre 2014, ainsi que la somme de 5 561,80 euros correspondant aux intérêts moratoires dus à raison de paiements tardifs, assorties des intérêts contractuels à compter du

25 septembre 2017, outre des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice a

dministrative.

Par un jugement n° 1812267/3-3 du 14 mai 2019, le Tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Reithler a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 99 645,42 euros au titre du marché notifié le

29 décembre 2014, ainsi que la somme de 5 561,80 euros correspondant aux intérêts moratoires dus à raison de paiements tardifs, assorties des intérêts contractuels à compter du

25 septembre 2017, outre des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1812267/3-3 du 14 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société Reithler les intérêts moratoires selon les modalités prévues à son point 20 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2019, la société Reithler, représentée par

Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 29 541,47 euros TTC au titre des travaux indispensables, la somme de 21 177,60 euros TTC au titre de la modification des travaux, et la somme de 421 euros TTC au titre de la révision de prix, sommes augmentées des intérêts moratoires calculés au taux contractuel de 8% à compter du 25 septembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le décompte général qu'elle a arrêté à la somme de 952 991,74 euros ne pouvait être pris en compte faute de preuve de sa notification au maître d'oeuvre ; ce décompte général lie définitivement les parties ; par suite, elle a droit également aux intérêts moratoires sur le solde du marché à compter du 25 septembre 2017 ;

- à titre subsidiaire, le décompte général notifié par le préfet de police omet des travaux indispensables à hauteur de 29 541,47 euros, une modification des travaux à hauteur de 21 177,60 euros et une révision de prix à hauteur de 5 561,80 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Reithler sont infondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 9 avril 2021, la société Reithler maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 26 mars 2021, l'instruction a été rouverte et la clôture d'instruction a été fixée au 12 avril 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux dans sa rédaction issue de l'arrêté interministériel du 3 mars 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Me B... substituant Me C... pour la société Reithler.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché notifié le 29 décembre 2014, le préfet de police a confié à la société Reithler le lot portant sur la façade métallique, la serrurerie et la métallerie d'un marché de construction du commissariat de Livry-Gragan. La réception des travaux, prononcée avec réserves le 18 janvier 2017, a été notifiée à la société le 25 janvier 2017. La société Reithler a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 99 645,42 euros au titre du marché, ainsi que la somme de 5 561,80 euros correspondant aux intérêts moratoires dus à raison de paiements tardifs, assorties des intérêts contractuels à compter du 25 septembre 2017, outre des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du

14 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société Reithler les intérêts moratoires selon les modalités prévues à son point 20 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société Reithler relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions tendant au paiement du solde du marché :

En ce qui concerne le décompte général et définitif :

2. Aux termes de l'article 13.3.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux dans sa rédaction issue de l'arrêté interministériel du 3 mars 2014, applicable en l'espèce " Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final (...) Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire (...) ". Aux termes de la première phrase de l'article 13.3.2 du même cahier : " Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'oeuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux (...) ". Aux termes de son article 13.3.4 : " En cas de retard dans la transmission du projet de décompte final et après mise en demeure restée sans effet, le maître d'oeuvre établit d'office le décompte final aux frais du titulaire. Ce décompte final est alors notifié au titulaire avec le décompte général (...) ". Aux termes de l'article 13.4.2 : " (...) Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : / -trente jours à compter de la réception par le maître d'oeuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / -trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire. (...) ". Et aux termes de l'article 13.4.4: " Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant Au pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, un projet de décompte général signé (...) Dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie le décompte général au titulaire. Le décompte général et définitif est alors établi dans les conditions fixées à l'article 13.4.3. / Si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif (...) Le décompte général et définitif lie définitivement les parties (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces stipulations que, même si elle intervient après l'expiration du délai de trente jours prévu à l'article 13.3.2 cité ci-dessus, courant à compter de la réception des travaux, la réception, par le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre, du projet de décompte final, établi par le titulaire du marché, est le point de départ du délai de trente jours prévu à l'article 13.4.2, dont le dépassement peut donner lieu à l'établissement d'un décompte général et définitif dans les conditions prévues par l'article 13.4.4. Toutefois, dès lors qu'en application de l'article 13.4.2, l'expiration du délai de trente jours prévu par celui-ci est appréciée au regard de la plus tardive des dates de réception du projet de décompte final respectivement par le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre, ce délai ne peut pas courir tant que ceux-ci n'ont pas tous deux reçu le document en cause.

4. En l'espèce, la société Reithler soutient avoir notifié au préfet de police et au maître d'oeuvre son projet de décompte final par courriers reçus le 20 juillet 2017, sans s'être vu notifier par le préfet le décompte général dans un délai de trente jours, puis leur avoir alors notifié un projet de décompte général par courriers reçus le 24 août 2017. La société en déduit que conformément aux stipulations de l'article 13.4.4, le projet de décompte général qu'elle a transmis le 24 août 2017 est devenu le décompte général et définitif, liant définitivement les parties. Toutefois, pas plus en première instance que dans la présente requête d'appel, la société Reithler ne justifie de la réception du courrier de 20 juillet 2017 qui aurait été adressé selon elle au maître d'oeuvre. Dès lors, le délai mentionné à l'article 13.4.2, et par suite celui mentionné au 13.4.4, n'a pas couru. Par suite, le projet de décompte général qu'elle a adressé le 24 août 2017 ne peut être regardé comme un décompte général et définitif, liant définitivement les parties. Il suit de là que la société ne saurait se prévaloir de ce décompte. Toutefois, elle est recevable à contester, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges aux points 7 et 8 du jugement attaqué, le décompte général qui lui a été notifié ultérieurement par le préfet de police, le 28 novembre 2017 qu'elle a contesté par un mémoire de réclamation, conformément aux prescriptions de l'article 50.1.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux .

En ce qui concerne la demande de paiement de travaux supplémentaires :

5. Le titulaire d'un marché public de travaux a le droit d'être indemnisé du coût des travaux supplémentaires, non prévus au contrat, s'ils ont été prescrits par un ordre de service ou si, à défaut d'ordre, ils ont un caractère indispensable à la bonne exécution des ouvrages compris dans les prévisions du marché, compte tenu des règles de l'art.

S'agissant de l'épaisseur des cassettes d'aluminium :

6. Il résulte de l'instruction que l'article 2.2 du cahier des clauses techniques particulières prévoyait, pour couvrir la façade, la pose de cassettes d'aluminium d'une épaisseur de deux millimètres. La société, qui y a substitué des cassettes d'aluminium d'une épaisseur de trois millimètres, demande l'indemnisation du coût de ces travaux supplémentaires pour un montant de 29 541,47 euros hors taxes.

7. Si par courrier du 21 janvier 2016, la société Reithler a informé le maître d'oeuvre qu'il résultait de tests que les cassettes de deux millimètres étaient insuffisantes, la mention dans le compte rendu de la réunion de chantier du 28 janvier de ces tests ainsi que de la proposition de la société d'y substituer des cassettes de trois millimètres, ne peut être regardée comme un ordre de service, dont l'article 2.3 du cahier des clauses administratives particulières prévoit d'ailleurs la signature par le maître de l'ouvrage.

8. Par ailleurs, ni le courrier du 21 janvier 2016 faisant état de ce que les cassettes de deux millimètres ne résistent pas au choc de corps mou de neuf cents joules accompagné de photographies des tests réalisés, ni la note de calcul des contraintes sur les cassettes dues aux charges de neige produite par la société ne peuvent suffire à établir que le remplacement des cassettes était nécessaire pour réaliser l'ouvrage conformément aux règles de l'art et ainsi son caractère indispensable. Il suit de là que cette demande de la société Reithler doit être rejetée.

S'agissant de la nature de l'aluminium :

9. La société, soutient avoir chiffré son offre en prenant en compte des cassettes en aluminium de type " 5754 AG 3 ", et demande en conséquence le paiement de ce qu'elle présente comme une modification des travaux prévus par le marché, pour un montant de 21 177,60 euros hors taxes.

10. Toutefois, si par courriel du 23 décembre 2015, le maître d'oeuvre avait fait le choix de cassettes en aluminium de type " 5005 " il ne résulte cependant pas de l'instruction que ce choix l'aurait contrainte à exposer des dépenses non prévues au contrat dont elle serait fondée à demander le paiement.

En ce qui concerne la révision du prix :

11. Les premiers juges ont rejeté la demande de la société Reithler en relevant qu'elle se bornait à indiquer la formule de calcul mentionnée par l'article 4.5.4 du cahier des clauses administratives particulières, sans fournir d'éléments permettant d'apprécier le bien-fondé de son propre calcul. Toutefois, le détail de ce calcul était explicité en annexe à son projet de décompte final et à son projet de décompte général qui figuraient en pièces jointes à la requête. Or, le préfet de police, qui avait nécessairement eu connaissance de ces pièces, outre qu'elles ont été produites au contentieux comme il vient d'être dit, ne présente aucune critique à l'encontre de ce calcul. La société Reithler est donc fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 421 euros TTC au titre de la révision du prix.

Sur les conclusions relatives aux intérêts moratoires :

12. Comme il a été dit au point 1, le tribunal a fait droit aux conclusions de la société Reithler en ce qui concerne le paiement tardif de certaines factures mais cette dernière demande en appel le paiement d'intérêts moratoires à compter du 25 septembre 2017 en raison du paiement tardif du solde du marché dans le délai imparti à compter de la notification de ce qu'elle qualifie à tort de décompte général et définitif notifié le 24 août 2017. Comme il a été dit au point 4, faute de preuve de réception du projet de décompte final par le maître d'oeuvre, elle n'est pas fondée à demander des intérêts moratoires pour paiement tardif du solde du marché. Elle est seulement fondée à demander que la somme de 421 euros mentionnée ci-dessus soit augmentée des intérêts moratoires calculés au taux contractuel de 8% à compter d'un délai de deux mois après la notification du décompte général par le préfet de police, soit à compter du

28 janvier 2018.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Reithler est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande en ce qui concerne la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 421 euros augmentée des intérêts moratoires. Le surplus de ses conclusions indemnitaires doit être rejeté. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la société Reithler la somme de 421 euros TTC, somme augmentée des intérêts moratoires au taux contractuel de 8% à compter du 28 janvier 2018.

Article 2 : Le jugement n° 1812267/3-3 du 4 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Reithler est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Reithler et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2021.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur de en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02304 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02304
Date de la décision : 07/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CABINET PALMIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-07;19pa02304 ?
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