Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... et son curateur, l'Union départementale des associations familiales (UDAF) d'Indre-et-Loire, ont demandé à la commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire d'annuler la décision du 27 avril 2017 par laquelle le président du conseil départemental d'Indre-et-Loire a rejeté la demande de prise en charge des frais d'hébergement de M. C... au titre de l'aide sociale pour personnes âgées à compter du 28 septembre 2016.
Par une décision du 13 décembre 2017, la commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 janvier 2018, M. C... et l'UDAF d'Indre-et-Loire demandent à la Cour d'admettre M. C... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement et d'annuler la décision de la commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire.
Ils soutiennent que :
- les ressources de M. C..., qui s'élèvent à des pensions de retraite d'un montant total mensuel de 925,19 euros et à des intérêts d'un montant mensuel de 130,36 euros, sont insuffisantes pour couvrir ses dépenses qui s'élèvent à 2 008,30 euros par mois ;
- en refusant à M. C... le bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement au motif qu'il disposait des fonds lui permettant de régler ses frais de séjour, le président du conseil départemental a violé le cadre législatif et règlementaire, et notamment l'article L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles, ainsi que l'article 14 du règlement départemental d'aide sociale ;
- il a également commis une erreur matérielle ;
- il résulte d'une jurisprudence constante que le droit à l'aide sociale s'apprécie en termes de revenu, et non de capital.
Par un mémoire enregistré le 7 mars 2019, le président du conseil départemental d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- lors de la demande d'aide sociale, le patrimoine mobilier détenu par M. C... s'élevait à 92 357,55 euros, dont il convient de déduire la somme de 5 095 euros pour le règlement des frais d'obsèques ; les liquidités restantes associées à ses ressources lui permettaient de couvrir ses frais d'hébergement ;
- l'aide sociale a pour caractéristique d'être un droit subsidiaire.
Par un nouveau mémoire enregistré le 22 mai 2019, M. C... et l'UDAF d'Indre-et-Loire, représentés par Me B..., déclarent maintenir leurs précédentes conclusions et demandent en outre à la Cour de mettre à la charge du département d'Indre-et-Loire la somme de 1 380 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par courriers enregistrés les 17 et 23 mars 2021, l'UDAF d'Indre-et-Loire informe la Cour du décès de M. D... C..., survenu le 18 janvier 2021, et de la décision des héritiers de ne pas reprendre l'instance.
Vu les autres pièces du dossier.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00430.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me A... substituant Me B..., avocat de M. C... et de l'UDAF d'Indre-et-Loire.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été admis au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Notre Dame des Eaux à la Membrolle-sur-Choisille (37390) le 28 septembre 2016. Le juge des tutelles du tribunal d'instance de Tours a désigné l'UDAF d'Indre-et-Loire en qualité de curateur de M. C... par jugement du 12 janvier 2015. La demande d'admission de M. C... à l'aide sociale au titre de ses frais d'hébergement présentée le 24 mars 2017 a été rejetée par le département d'Indre-et-Loire par une décision du 27 avril 2017. M. C... et l'UDAF d'Indre-et-Loire demandent l'annulation de la décision de la commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire du 13 décembre 2017 qui a rejeté leur recours contre la décision du président du conseil départemental.
2. M. C... est décédé le 18 janvier 2021. Il résulte des pièces du dossier qu'à la date du 17 mars 2021 à laquelle ce décès a été porté par l'UDAF d'Indre-et-Loire à la connaissance de la Cour, l'affaire était en état. Si l'UDAF d'Indre-et-Loire indique que les héritiers ont décidé de ne pas reprendre l'instance, il ne l'établit pas. Il y a lieu, dès lors, de statuer au fond sur cette requête.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier soit d'une aide à domicile, soit d'un placement chez des particuliers ou dans un établissement ". A cette fin, conformément à l'article L. 132-1 de ce même code, " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ". L'article R. 132-1 du même code prévoit que : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu (...) sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à (...) 3 % du montant des capitaux ".
4. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu tenir compte, pour apprécier les ressources des personnes demandant l'aide sociale, des seuls revenus périodiques, tirés notamment d'une activité professionnelle, du bénéfice d'allocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et des revenus des capitaux mobiliers et immobiliers. A à défaut de placement de ces derniers, dès lors qu'il ne s'agit pas de l'immeuble servant d'usage principal d'habitation, il a prévu d'évaluer fictivement les revenus que l'investissement de ces capitaux serait susceptible de procurer au demandeur. En tout état de cause, il a écarté la prise en compte du montant des capitaux eux-mêmes dans l'estimation de ces ressources. Par ailleurs, en vertu des dispositions combinées des articles L. 131-4 et R. 131-2 du code de l'action sociale et des familles, les décisions attribuant une aide sous la forme d'une prise en charge de frais d'hébergement prennent en principe effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées.
5. Il résulte de l'instruction que M. C... disposait de pensions de retraite d'un montant total mensuel de 945,59 euros et d'une allocation logement de 223 euros, ainsi que de revenus de capitaux d'un montant mensuel de 130,36 euros, ces intérêts étant calculés, pour ceux de ses capitaux non productifs de revenus, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles. M. C... doit ainsi être regardé comme disposant de revenus mensuels s'élevant à 1 298,95 euros. Le coût de son hébergement atteignait le montant mensuel de 1 835,95 euros, montant auquel s'ajoutent les sommes de 41 euros au titre de la mutuelle et de 19,72 euros au titre des frais de gestion de la curatelle. Les ressources de M. C... ne lui permettaient donc pas de régler la totalité de ces frais. Si le principe de subsidiarité de l'aide sociale doit effectivement trouver application dans toute demande d'admission à l'aide sociale, il n'est ni soutenu ni établit que M. C... aurait disposé d'obligés alimentaires.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'action sociale et des familles : " Les décisions attribuant une aide sous la forme d'une prise en charge de frais d'hébergement peuvent prendre effet à compter de la date d'entrée dans l'établissement à condition que l'aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire ". Aux termes de l'article R. 131-2 du même code : " Sauf dispositions contraires, les demandes tendant à obtenir le bénéfice de l'aide sociale prévue aux titres III et IV du livre II prennent effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées. / Toutefois, pour la prise en charge des frais d'hébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social, habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ou dans un établissement de santé dispensant des soins de longue durée, la décision d'attribution de l'aide sociale peut prendre effet à compter du jour d'entrée dans l'établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour. Ce délai peut être prolongé une fois, dans la limite de deux mois, par le président du conseil départemental ou le préfet. / (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que la demande d'aide sociale à l'hébergement a été déposée au centre communal d'action sociale le 24 mars 2017, soit près de six mois après l'entrée de M. C... dans l'établissement d'hébergement, le 28 septembre 2016. Par conséquent, l'aide ne peut être accordée qu'à compter du 1er avril 2017.
8. Il s'ensuit que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement lui a été refusé à compter du 1er avril 2017 et à demander l'annulation des décisions de la commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire et du président du conseil départemental d'Indre-et-Loire.
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département d'Indre-et-Loire le versement à M. C... d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision de la commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire du 13 décembre 2017 et la décision du 27 avril 2017 du président du conseil départemental d'Indre-et-Loire sont annulées.
Article 2 : M. C... est admis au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er avril 2017 et est renvoyé devant le président du conseil départemental d'Indre-et-Loire pour liquidation de ses droits.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union départementale des associations familiales d'Indre-et-Loire, en qualité de curateur de M. D... C..., à l'office notarial Jolit et au président du conseil départemental d'Indre-et-Loire.
Copie en sera adressée à l'EHPAD Notre Dame des Eaux à la Membrolle-sur-Choisille, en Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président de la formation de jugement,
- Mme E..., magistrat honoraire,
- Mme Collet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2021.
Le président de la formation de jugement,
I. LUBEN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00430