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29/04/2021 | FRANCE | N°19PA03867

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 29 avril 2021, 19PA03867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 27 août 2019 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert vers les autorités lituaniennes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1920447/8 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2019, M. C..., représenté par

Me D..., demande à la Cour :

1°) d'

annuler le jugement n° 1920447/8 du 22 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 27 août 2019 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert vers les autorités lituaniennes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1920447/8 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2019, M. C..., représenté par

Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1920447/8 du 22 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 du préfet de police décidant son transfert aux autorités lituaniennes ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile pour la durée de ce réexamen dans les deux cas dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retour ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me D... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de renonciation à l'aide juridictionnelle par son conseil ou de rejet définitif de la demande d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le premier juge n'a pas répondu aux moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- le premier juge n'a pas suffisamment répondu aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur de droit ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors qu'il n'a pas reçu les brochures en temps utile ;

- il méconnaît les dispositions des articles 5 et 35 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors qu'il n'est pas établi que l'entretien a été mené par un agent qualifié ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a jamais demandé l'asile en Lituanie ;

- il méconnaît les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 ainsi que les dispositions des articles 13 et 18 du même règlement dès lors qu'il aurait dû faire l'objet d'un transfert vers l'Allemagne, premier pays dans lequel il a sollicité l'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que les autorités lituaniennes n'ont pas été saisies dans les délais ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle dès lors que n'ayant jamais sollicité l'asile en Lituanie, il ne pouvait faire l'objet d'une procédure de reprise en charge par les autorités de ce pays.

Par un courrier en date du 29 mai 2020, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer, l'arrêté étant devenu caduc à l'expiration du délai de six mois prévu pour la remise aux autorités lituaniennes.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête et fait valoir que l'arrêté contesté n'est pas caduc, la remise de M. C... aux autorités lituaniennes ayant été effectuée le 8 janvier 2020, soit avant l'expiration du délai de six mois.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 30 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tadjike né le 27 novembre 1991, a sollicité le 18 avril 2019 son admission au séjour au titre de l'asile auprès des services de la préfecture de police. M. C... relève appel du jugement du 22 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités lituaniennes en tant que responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 30 décembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce que M. C... soit admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la régularité du jugement

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Il ressort des termes du jugement attaqué que le premier juge n'a pas répondu au moyen soulevé devant lui par M. C..., qui n'était pas inopérant à l'encontre de l'arrêté contesté, tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur de fait en mentionnant le dépôt d'une demande d'asile en Lituanie alors qu'il n'a jamais déposé de demande d'asile dans ce pays.

5. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen d'irrégularité du jugement soulevé par le requérant, il y a lieu d'annuler l'article 2 du jugement rejetant la demande de M. C... et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de première instance M. C....

Sur la légalité de l'arrêté du 22 octobre 2019 :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-00581 du 1er juillet 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du 4 juillet 2019, le préfet de police a donné à Mme E... A..., attachée principale d'administration de l'Etat au sein du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police et signataire de l'arrêté contesté, délégation à effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative ".

8. Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

9. En outre, selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'Etat, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013. Cet avis expose en outre qu'est suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. L'avis précise à titre d'exemple que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

10. L'arrêté de transfert en litige vise notamment le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il indique que M. C..., de nationalité tadjike, a demandé l'asile en France le 18 avril 2019, que la comparaison de ses empreintes digitales au moyen du système " Eurodac " a révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Allemagne le 17 septembre 2017, expose que les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à sa situation et que les autorités allemandes, saisies d'une demande de reprise en charge, ont décliné leur responsabilité au motif que la Lituanie avait déjà accepté la prise en charge de l'intéressé sur le fondement de l'article 12-2 du règlement (UE) n° 604/2013. Il précise que les autorités lituaniennes, qui doivent être regardées comme responsables de sa demande d'asile, ont été saisies le 18 juin 2019 d'une demande de prise en charge de l'intéressé en application de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 et ont fait connaître leur accord le 19 juillet 2019 sur le fondement de l'article 18-1-b de ce règlement. Ainsi, au regard des précisions apportées par l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil, rappelées au point 9, l'arrêté expose, de façon suffisamment précise, les considérations de droit et de fait qui ont conduit le préfet de police à estimer en définitive que la Lituanie est responsable de l'examen de la demande d'asile de M. C... sur le fondement des dispositions de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013, et sa motivation a été suffisante pour permettre à l'intéressé de contester utilement, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté, le bien-fondé de la détermination de l'Etat désigné et celui du critère retenus par le préfet de police. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait insuffisamment motivé doit être écarté comme manquant en fait.

11. Au surplus, l'arrêté en litige indique qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. C..., il ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et enfin, qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée ne satisferait pas à l'exigence de motivation posée aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des termes de l'arrêté contesté, que le préfet de police a procédé à un examen complet de la situation de M. C... avant de prendre cette décision.

13. En quatrième lieu, il ressort des motifs de l'arrêté, rappelés au point 10, que le préfet de police s'est fondé, notamment, sur la circonstance que la Lituanie, qui avait accepté la prise en charge de M. C... sur le fondement de l'article 12-2 du règlement (UE) n° 604/2013, en application duquel l'Etat membre ayant délivré au demandeur d'asile un visa en cours de validité est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, a fait connaître son accord pour le reprendre en charge sur le fondement de l'article 18-1-b de ce règlement. Ainsi, et contrairement à ce que soutient M. C... qui, d'ailleurs, ne conteste pas que la Lituanie lui a délivré un visa, le préfet ne s'est pas fondé sur la circonstance qu'il aurait demandé l'asile dans ce pays. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur de fait n'est pas fondé et ne peut qu'être écarté.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...). ".

15. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du

26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

16. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre contre signature, le 17 avril 2019 le guide du demandeur d'asile ainsi qu'un document intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et le 18 avril 2019, jour de son entretien individuel, un document intitulé " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B). Il ressort également des pièces du dossier que ces documents, qui comportent l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, lui ont été délivrés en langue russe, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

17. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1./4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. /5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. " Aux termes de l'article 35 du même règlement : " 1. Chaque État membre notifie sans délai à la Commission les autorités chargées en particulier de l'exécution des obligations découlant du présent règlement et toute modification concernant ces autorités. Les États membres veillent à ce qu'elles disposent des ressources nécessaires pour l'accomplissement de leur mission et, notamment, pour répondre dans les délais prévus aux demandes d'informations, ainsi qu'aux requêtes aux fins de prise en charge et de reprise en charge des demandeurs. (...) / 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement. ".

18. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié d'un tel entretien le 18 avril 2019 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue russe, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, ainsi qu'il a déjà été dit, que M. C... a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. Par ailleurs, M. C... ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. En outre, si le résumé de l'entretien individuel, dont l'intéressé a eu connaissance comme l'atteste l'apposition de sa signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de M. C... a été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors qu'elle n'a pas privé M. C... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles et, en l'espèce, n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions des articles 5 et 35 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

19. En sixième lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, intégré dans le chapitre II de ce règlement intitulé " Principes généraux et garanties " : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Aux termes de l'article 12 du même règlement : " (...) 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, (...) ". Aux termes de l'article 13 de ce règlement : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) no 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 18 du même règlement, intégré dans le chapitre V du règlement, intitulé " Obligations de l'Etat membre responsable " : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) ".

20. Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt n° C-582/217 et C-583/17 du 2 avril 2019, au point 52, que les b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 ne trouvent à s'appliquer que si l'Etat membre dans lequel une demande a été antérieurement introduite a achevé la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile en admettant sa responsabilité pour examiner cette demande et en a débuté l'examen, au point 58, que la procédure de reprise en charge est régie par des dispositions présentant des différences substantielles avec celles gouvernant la procédure de prise en charge et, aux points 65 à 72, que malgré le libellé " Obligations de l'Etat membre responsable " du chapitre V, l'interprétation selon laquelle une requête aux fins de reprise en charge ne pourrait être formulée que si l'Etat membre requis peut être désigné comme l'Etat responsable en application des critères de responsabilité énoncés au chapitre III du règlement est contredite par l'économie générale de ce règlement.

21. De même, il ressort de cette jurisprudence que les critères du chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont susceptibles de fonder une décision de transfert que s'il s'agit d'un transfert en vue d'une première prise en charge, et non en vue d'une reprise en charge. Il en ressort également que les dispositions de l'article 18-1, b) à d) de ce règlement doivent être regardées comme figurant au nombre des critères énumérés dans le règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement. Par suite, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile auprès d'un ou de plusieurs Etats membres, avant d'entrer sur le territoire d'un autre Etat membre pour y solliciter de nouveau l'asile dans des conditions permettant à cet Etat de demander sa reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b), c) ou d) du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, sa situation ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement, qui concernent le cas dans lequel aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement.

22. Il ressort des pièces du dossier que les recherches effectuées par les services du ministère de l'intérieur dans le fichier " Eurodac " à partir des relevés décadactylaires de M. C... comme le compte-rendu de l'entretien individuel de l'intéressé, ont permis d'établir qu'il avait précédemment sollicité l'asile en Allemagne. Saisies d'une requête aux fins de reprise en charge de l'intéressé, les autorités allemandes ont décliné leur responsabilité au motif que la Lituanie s'était reconnue responsable de l'examen de la demande d'asile de M. C... sur le fondement des dispositions précitées de l'article 12-2 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que l'intéressé s'est vu délivrer un visa par les autorités de ce pays, cette acceptation mettant ainsi fin au processus de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile prévu par ce règlement. Ces autorités ont, ainsi, explicitement accepté, le 19 juillet 2019, de reprendre en charge M. C... sur le fondement de l'article 18-1 b) de ce règlement.

23. Par suite, en vertu de la règle énoncée au point 21, la situation de M. C... ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en application desquelles, lorsqu'aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen de cette demande. Dans ces conditions, et dès lors que la Lituanie s'était reconnue responsable de la demande d'asile de M. C... en application des dispositions de l'article 12-2 du règlement (UE) n° 604/2013 et avait accepté de le reprendre en charge en application de l'article 18-1 b) de ce règlement, c'est sans commettre d'erreur de fait, ni d'erreur de droit que le préfet de police pouvait décider du transfert de M. C... aux autorités lituaniennes. Et la circonstance que les autorités françaises aient demandé aux autorités lituaniennes la prise en charge de M. C... sur le fondement des dispositions de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors qu'il est fondé sur la décision d'acceptation de reprise en charge des autorités lituaniennes prise en application des dispositions de l'article 18-1-b du même règlement. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de l'erreur de droit dans la détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile de M. C... doit être écarté.

24. En septième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) no 603/2013. / Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l'État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale au sens de l'article 20, paragraphe 2. ".

25. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'accusé de réception de saisine émis par le point d'accès national de l'Etat requis dans le cadre du " réseau Dublinet " ainsi que des termes de l'accord explicite des autorités lituaniennes du 19 juillet 2019, que le préfet de police a saisi le 18 juin 2019 la Lituanie sur la base de la réponse explicite de l'Allemagne du 2 mai 2019, élément de preuve au sens des dispositions précitées de l'article 23 du règlement n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet de police de justifier avoir procédé aux diligences requises par les dispositions précitées, doit ainsi être écarté.

26. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, en décidant le transfert de M. C... aux autorités lituaniennes, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 27 août 2019 du préfet de police décidant son transfert aux autorités lituaniennes. Sa demande présentée au tribunal administratif de Paris doit donc être rejetée, ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'annulation de cet arrêté et, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. C... tendant à être admis provisoirement à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1920447/8 du 22 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2019 du préfet de police, au prononcé d'une injonction et tendant au bénéfice des frais liés à l'instance ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2021.

La présidente de la 8ème chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 19PA03867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03867
Date de la décision : 29/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DE SA - PALLIX

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-29;19pa03867 ?
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