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20/04/2021 | FRANCE | N°20PA04153,20PA04177

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 20 avril 2021, 20PA04153,20PA04177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale.

Par un jugement n° 2017984 du 20 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police en date du 16 octobr

e 2020, lui a enjoint de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile en proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale.

Par un jugement n° 2017984 du 20 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police en date du 16 octobre 2020, lui a enjoint de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de deux semaines à compter de la notification de ce jugement, et mis à la charge de l'État le versement au conseil de Mme B... de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 22 décembre 2020, sous le n° 20PA04153, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2017984 du 20 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Le préfet de police soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2021, Mme B..., représentée par Me C..., doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer sur la requête du préfet de police ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête d'appel présentée par le préfet de police ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel du préfet de police est dépourvue de fondement, dès lors qu'il lui a délivré un récépissé constatant la reconnaissance de la protection internationale le 3 mars 2021 ;

- à titre subsidiaire, l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les dispositions des articles 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

II. Par une requête enregistrée le 23 décembre 2020, sous le n° 20PA04177, le préfet de police demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2017984 du 20 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris.

Le préfet de police soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-5 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2021, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer sur la requête du préfet de police ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter la demande de sursis à exécution du jugement n° 2017984 du 20 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris présentée par le préfet de police ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel du préfet de police est dépourvue de fondement, dès lors qu'il lui a délivré un récépissé constatant la reconnaissance de la protection internationale le 3 mars 2021 ;

- à titre subsidiaire, l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les dispositions des articles 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris en date du 16 mars 2021, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante afghane née le 5 novembre 1995 selon ses déclarations, est entrée irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 3 septembre 2020. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressée a présenté une demande d'asile auprès des autorités suédoises le 6 décembre 2015. Le préfet de police a adressé à ces autorités une demande de reprise en charge de l'intéressée le 7 septembre 2020, que les autorités suédoises ont acceptée le 18 septembre 2020 sur le fondement du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet de police a alors décidé, par un arrêté du 16 octobre 2020, de remettre Mme B... aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police fait appel du jugement du 20 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 octobre 2020, lui a enjoint de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de deux semaines à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'État le versement au conseil de Mme B... de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par une requête distincte, le préfet de police demande en outre à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le préfet de police étant formés contre le même jugement du 20 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, présentant à juger des questions similaires et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur les conclusions de l'intimée aux fins d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Mme B... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 16 mars 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris, intervenue au cours de la présente instance d'appel, ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde provisoirement le bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

4. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation et d'injonction, prend une mesure d'exécution qui n'est motivée que par l'intention de se conformer à ce jugement, cette mesure d'exécution ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement.

5. Pour assurer l'exécution du jugement du 20 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, le préfet de police a délivré à Mme B... un récépissé constatant la reconnaissance d'une protection internationale le 3 mars 2021. Dès lors, cette mesure d'exécution ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par Mme B... ne peut être accueillie.

Sur la requête n° 20PA04153 :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. Pour considérer que l'arrêté portant transfert de Mme B... aux autorités suédoises méconnaît les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondée sur la circonstance que la demande d'asile de Mme B... a été définitivement rejetée par la Suède, qu'elle a fait l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire suédois et que, dans ces conditions, il ne peut pas être présumé que l'intéressée ne sera pas éloignée à destination de l'Afghanistan en cas de transfert vers la Suède, où elle serait exposée à un risque de traitements inhumains et dégradants.

8. Toutefois, l'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet de renvoyer Mme B... dans son pays d'origine, mais uniquement de prononcer son transfert aux autorités suédoises. En tout état de cause, la Suède, État membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugié, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si Mme B... fait valoir que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par les autorités suédoises et qu'en conséquence elle risque d'être renvoyée dans son pays d'origine en cas de transfert en Suède, pays qu'elle a fui afin d'échapper à un mariage forcé, et qu'elle souffre de douleurs pelviennes qui nécessitent une prise en charge médicale, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités suédoises, qui ont explicitement accepté la reprise en charge de l'intéressée le 18 septembre 2020, n'évalueront pas, avant de procéder à son éventuel éloignement, les risques auxquels elle serait soumise en cas de retour en Afghanistan. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que sa demande d'asile ne sera pas traitée en Suède dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Ainsi, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 octobre 2020 au motif qu'il aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant la Cour et le Tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par Mme B... :

10. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00799 du 1er octobre 2020, régulièrement publié au recueil n° 75-2020-328 des actes administratifs spécial de la préfecture de police du même jour, le préfet de police a donné délégation à Mme F... D..., attachée principale d'administration de l'État, signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles auraient été présentes ou non empêchées, parmi lesquelles figure la police des étrangers. Partant, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté en litige doit être écarté comme manquant en fait.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Et aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre État membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet État, doit être regardé comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'État en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

13. En l'espèce, l'arrêté en litige comporte les mentions des textes applicables, notamment la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté en litige mentionne également les éléments de fait pertinents relatifs à la situation de Mme B.... Il précise qu'elle est entrée irrégulièrement sur le territoire français et qu'elle a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 3 septembre 2020. Il mentionne que la consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressée a demandé l'asile auprès des autorités suédoises le 6 décembre 2015. Il précisé également que le préfet de police a adressé à ces autorités une demande de reprise en charge de Mme B... le 7 septembre 2020, qu'elles ont acceptée le 18 septembre 2020 sur le fondement du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces éléments permettent à l'intéressée de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de police pour déterminer que la Suède était responsable de l'examen de sa demande d'asile. L'arrêté en litige indique également qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de Mme B..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Enfin, il relève que l'intéressée ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France et qu'elle n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté comme manquant en fait.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ". Il résulte de l'annexe X au règlement (CE) du 2 septembre 2003 que ladite brochure comprend une partie A intitulée " Informations sur le règlement de Dublin pour les demandeurs d'une protection internationale en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 " et une partie B intitulée " Procédure de Dublin - Informations pour les demandeurs d'une protection internationale dans le cadre d'une procédure de Dublin en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ".

15. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre par les services préfectoraux, contre signature, le 3 septembre 2020, le guide du demandeur d'asile ainsi que trois brochures d'information : " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ", dite " brochure A ", " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", dite " brochure B ", et " Les empreintes digitales et Eurodac ". Ces documents ont été remis à l'intéressée en langue dari, qu'elle a déclaré comprendre. Au surplus, le résumé de l'entretien individuel de Mme B..., qui a eu lieu le 3 septembre 2020 et a été signé par l'intéressée, précise que les informations sur les règlements communautaires lui ont été remises. Il s'ensuit que Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

16. En quatrième lieu, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit qu'un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile doit être remis aux intéressés au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour leur permettre de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par l'article 29 paragraphe 1 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Dès lors, la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une décision par laquelle le préfet transfère un demandeur d'asile aux autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté comme inopérant.

17. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La procédure de transfert vers l'État responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'État considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ". Le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".

18. La Suède État membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugié, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales et à celles de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette présomption ne peut être renversée que s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Or, les allégations de Mme B... selon lesquelles il existerait des défaillances systémiques dans la procédure d'examen des demandes d'asile en Suède ne sont assorties d'aucun élément permettant d'en établir le bien-fondé.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 octobre 2020 décidant la remise de Mme B... aux autorités suédoises, lui a enjoint de délivrer à cette dernière une attestation de demande d'asile en procédure normale et a mis à la charge de l'État le versement au conseil de Mme B... la somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur la requête n° 20PA04177 :

21. La Cour se prononçant par le présent arrêt sur la requête n° 20PA04153 du préfet de police tendant à l'annulation du jugement du 20 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête n° 20PA04177 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au conseil de Mme B... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA04177 du préfet de police.

Article 3 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2017984 du 20 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 4 : La demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 avril 2021.

Le rapporteur,

I. E...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 20PA04153-20PA04177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04153,20PA04177
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : KWEMO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-20;20pa04153.20pa04177 ?
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