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20/04/2021 | FRANCE | N°19PA01800

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 20 avril 2021, 19PA01800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Tahiti Luxury Resort a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder la décharge de la sanction fiscale d'un montant de 1 349 460 000 francs CFP à laquelle elle a été assujettie.

Par un jugement n° 1800438 du 25 avril 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a prononcé la réduction de la " sanction fiscale " mise à la charge de la société Tahiti Luxury Resort en tant qu'elle portait sur un montant supérieur à 100 % du crédit d'impôt do

nt elle avait bénéficié, mis à la charge de la Polynésie Française la somme de 200 000 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Tahiti Luxury Resort a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder la décharge de la sanction fiscale d'un montant de 1 349 460 000 francs CFP à laquelle elle a été assujettie.

Par un jugement n° 1800438 du 25 avril 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a prononcé la réduction de la " sanction fiscale " mise à la charge de la société Tahiti Luxury Resort en tant qu'elle portait sur un montant supérieur à 100 % du crédit d'impôt dont elle avait bénéficié, mis à la charge de la Polynésie Française la somme de 200 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 mai et 4 octobre 2019, la SA Tahiti Luxury Resort, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du

25 avril 2019 en ce qu'il rejette le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de la somme restant en litige ;

3°) subsidiairement d'ordonner la transmission au Conseil d'Etat de la question de la légalité de la loi du pays 2009-7 du 1er avril 2009 portant refonte des dispositifs d'incitation fiscale à l'investissement en Polynésie française et modification du code des impôts et ce, notamment au regard de l'article 151-II de la loi organique 2004-192 du 27 février 2004 et de la sanction à 150 % et d'ordonner la transmission au Conseil d'Etat de la question de la légalité de la loi du pays n° 2014-35 du 17 décembre 2014 portant modification du code des impôts et ce, notamment au regard de l'article 151-II de la loi organique 2004-192 du 27 février 2004 et de la sanction à 100 % ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet ayant bénéficié d'un agrément était régi par la loi de pays n° 2005-01 APF du 7 février 2005, qui ne prévoyait aucune sanction fiscale, et non par la loi de pays n° 2014-35 du 17 décembre 2014 ;

- les entreprises n'ayant reçu aucun crédit d'impôt sur le fondement de l'article LP 916-3 du code des impôts qui n'était pas en vigueur, aucune sanction n'est due en application de l'article LP 919-31 ;

- on ne saurait appliquer rétroactivement les dispositions de l'article LP 919-31 ;

- l'administration ne lui a jamais accordé de crédit d'impôt ;

- l'article LP 919-31 aboutit à un enrichissement sans cause de la Polynésie française ;

- elle se trouve obligée de rembourser deux fois les sommes reçues ;

- les lois n° 2009-7 et 2014-35 ont un caractère économique et social ;

- le Conseil économique social et culturel n'a pas été saisi de ces lois en méconnaissance des dispositions de la loi organique du 27 février 2004 ; le Conseil d'Etat doit être saisi en application de l'article 179 de cette loi ;

- la loi n° 2009-7 est illégale en tant qu'elle fixe la sanction à 150 % ;

- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur ce point ;

- l'article LP 919-31 méconnaît les dispositions de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- il méconnaît le principe de non rétroactivité ;

- la demande d'agrément de 2005 est le fait générateur qui détermine le texte applicable ;

- la Polynésie française a fait état de divers textes entachés de rétroactivité ;

- les faits justifiant le retrait d'agrément ne lui sont pas imputables ;

- le redressement d'impôt sur les sociétés n'a pas donné lieu à un débat contradictoire et a été accompagné d'une pénalité monstrueuse ;

- la sanction fiscale ne pouvait être redressée selon la procédure prévue à l'article 421-1 ;

- elle a été privée de la possibilité de saisir la commission des impôts ;

- aucun texte ne prévoit que la sanction puisse être recouvrée par voie de rôle ;

- l'article 511-7 prévoit en cas de sanction l'émission d'un titre exécutoire ;

- on ne peut assortir un impôt nul d'une sanction ;

- la somme recouvrée ne peut être assimilée à une sanction liée à l'impôt sur les sociétés ;

- l'administration ne pouvait viser l'article 511-13-1 qui ne concerne que les sociétés métropolitaines ;

- la prescription de droit commun est applicable et non la prescription fiscale de cinq ans ;

- le fait générateur est intervenu deux ans et non 42 mois après l'octroi du permis de construire.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 août et 17 octobre 2019, le gouvernement de la Polynésie française, représenté par Mes Gilles Jourdainne et Vasanthi Daviles-Estines, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation partielle du jugement n° 1800438 rendu par le Tribunal administratif de la Polynésie française le 25 avril 2019 et à la remise à la charge de la société requérante des sommes dont la décharge lui a été accordée. Il conclut également à ce que soit mis à la charge de la société requérante le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et que, l'article 919-31 du code des impôts de la Polynésie Française tiré de la loi du 1er avril 2009 étant applicable, la sanction est égale à 150 %.

Par une ordonnance du 7 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° 174 PR du 12 avril 2007, la SARL Tahiti Luxury Resort a bénéficié d'un agrément au titre du crédit d'impôt pour investissement prévu par les dispositions des articles 911-1 et suivants du code des impôts de la Polynésie française, pour la construction à Punaauia d'une résidence hôtelière de tourisme classée cinq étoiles de 61 unités. A la suite de l'abandon d'un autre projet concernant un complexe touristique à Tahaa, le président de la Polynésie française a autorisé le 10 mars 2010 la réaffectation des financements de ce projet au profit de l'investissement porté par la requérante. La société a déposé une demande d'avenant modificatif au permis de construire portant le nombre d'unités hôtelières à 148, demande qui a été acceptée le 1er septembre 2011. Par un arrêté n° 1420 CM du 21 septembre 2012, le président de la Polynésie française a modifié l'agrément afin que celui-ci prenne en compte les 148 unités et mentionne le permis de construire modificatif de 2011. Dans un courrier du 2 mai 2017, la direction des impôts et des contributions publiques a informé la société Tahiti Luxury Resort qu'une procédure de retrait total de l'agrément était envisagée, au motif que le certificat de conformité n'avait pas été produit dans le délai imparti par le code des impôts de la Polynésie française. Le retrait de l'agrément a été prononcé par un arrêté n° 1479 CM du 25 août 2017. Postérieurement, le gouvernement de la Polynésie française a tiré les conséquences fiscales du retrait d'agrément et a remis en cause, tant chez les investisseurs que chez le promoteur, les crédits d'impôt et les financements accordés pour la réalisation du projet désormais abandonné. La société Tahiti Luxury Resort, porteuse du projet de résidence hôtelière de tourisme classée cinq étoiles de 148 unités à Punaauia et bénéficiaire des financements, a contesté la " sanction fiscale " qui lui a été notifiée et qui a été mise en recouvrement par rôle émis le 10 avril 2018 par la Polynésie française pour un montant de 1 354 860 000 francs CFP, ramené en cours d'instance à la somme de 1 349 460 000 francs CFP. Le Tribunal administratif de la Polynésie française a accordé la réduction de cette " sanction fiscale " en tant qu'elle portait sur un montant supérieur à 100 % du crédit d'impôt dont la société avait bénéficié, mis à la charge de la Polynésie Française la somme de 200 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande de la société. La société Tahiti Luxury Resort relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande. Pour sa part le gouvernement de la Polynésie française, par la voie de l'appel incident, conteste ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.

2. L'arrêté n° 1420 CM du 21 septembre 2012, ainsi que cela ressort clairement de ses termes, a entendu modifier l'agrément initial accordé par l'arrêté du 12 avril 2007, et fait référence à un permis de construire modificatif, faisant lui-même référence à une demande d'avenant modificatif. Aucune disposition du code des impôts de la Polynésie française ne fait obligation au bénéficiaire d'un agrément fiscal, de solliciter, en cas de changement, fût-il significatif, apporté au projet initial d'investissement, un nouvel agrément plutôt que de déposer une simple demande d'agrément complémentaire ou modificatif. En effet, en vertu de l'article 951-6 du code des impôts de la Polynésie française, " les modifications de toute nature du projet agréé nécessitent, selon le cas, un agrément complémentaire ou rectificatif qui obéit aux mêmes conditions de recevabilité et d'instruction que la demande initiale. ". D'ailleurs, l'article LP 913-7 dudit code, dans sa version issue de la loi du pays n° 2009-7 du 1er avril 2009 n'exige pas davantage la délivrance d'un nouvel agrément en cas de modification substantielle du projet et se borne à exclure que, dans un tel cas, une dispense de consultation de la commission consultative des agréments fiscaux puisse être accordée. En conséquence, l'octroi de cet agrément rectificatif était subordonné, comme l'agrément accordé en 2007, aux conditions définies par le code des impôts en vigueur antérieurement à l'intervention de la loi du pays du 1er avril 2009.

3. La somme en litige a été mise en recouvrement sur le fondement de l'article LP. 919-31 du code des impôts de la Polynésie française dans sa version issue de la " loi du pays " du n° 2009-7 du 1er avril 2009 aux termes duquel : " Le retrait de l'agrément est prononcé en cas d'inexécution par l'entreprise qui réalise le programme d'investissement, des engagements souscrits par cette dernière en vue d'obtenir l'agrément ou en cas de non-respect des conditions auxquelles l'octroi de cet agrément a été subordonné. Ce retrait entraîne la remise en cause des crédits d'impôt attachés à l'agrément et l'exigibilité des impositions non acquittées du fait de cet agrément, assorties de l'intérêt de retard prévu aux articles LP. 511-1 et LP. 511-4 du présent code. /La remise en cause des crédits d'impôt consécutivement au retrait est effectuée conjointement dans les comptes de l'entreprise et des investisseurs à hauteur respectivement de la part de crédit d'impôt dont chacun a bénéficié en application du deuxième alinéa de l'article LP. 916-13. La remise en cause dans les comptes de l'entreprise se traduit par l'application d'une sanction fiscale égale à 150 % de la part du crédit d'impôt dont elle a bénéficié en application du deuxième alinéa de l'article LP. 916-13. ". Les premiers juges ont maintenu à la charge de la société Tahiti Luxury Resort une partie de la somme en litige en se fondant sur l'article précité dans sa version issue de la loi n° 2014-35 du 17 décembre 2014, qui fixe une sanction fiscale égale à 100 % du crédit d'impôt en cause. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les agréments accordés à la société requérante, qui n'a d'ailleurs bénéficié d'aucun crédit d'impôt sur le fondement de l'article LP. 916-13 du code des impôts, relevaient du régime antérieur à l'entrée en vigueur tant de la loi n° 2009-7 du 1er avril 2009 que de la loi

n° 2014-35 du 17 décembre 2014. La société Tahiti Luxury Resort ne saurait par suite faire l'objet de la sanction prévue par ces textes. Contrairement à ce que soutient le gouvernement de la Polynésie française les dispositions transitoires de la loi n° 2009-7 du 1er avril 2009, en tant qu'elles concernent les agréments déjà accordés, ne prévoient pas la mise en oeuvre de la sanction en cause. Les règles applicables en matière de modification du délai de reprise sont sans incidence sur l'issue du litige.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens ni sur la conclusion subsidiaire de la société requérante, que la société Tahiti Luxury Resort est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française n'a pas intégralement fait droit à sa demande, et à obtenir la décharge totale de la " sanction fiscale " mise à sa charge sur le fondement de l'article LP. 919-31 du code des impôts de la Polynésie française. Pour les mêmes motifs, l'appel incident du gouvernement de la Polynésie française, qui tend au rétablissement de ladite sanction au taux de 150 % initialement appliqué, ne peut qu'être écarté. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Tahiti Luxury Resort, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le gouvernement de la Polynésie française demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du gouvernement de la Polynésie française la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La société Tahiti Luxury Resort est déchargée de la sanction mise à sa charge sur le fondement de l'article LP. 919-31 du code des impôts de la Polynésie française.

Article 2 : Les conclusions du gouvernement de la Polynésie française sont rejetées.

Article 3 : Le jugement n° 1800438 du 25 avril 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le gouvernement de la Polynésie française versera à la société Tahiti Luxury Resort la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tahiti Luxury Resort et au gouvernement de la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la république en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 19PA01800


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01800
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SEP USANG CERAN-JERUSALEMY ; GROUPAVOCATS ; SEP USANG CERAN-JERUSALEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-20;19pa01800 ?
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