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16/04/2021 | FRANCE | N°20PA00420

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 16 avril 2021, 20PA00420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prendre les mesures impliquées par l'exécution du jugement n° 1614009/5-2 du 11 janvier 2018 annulant la décision du 20 juillet 2016 portant réemploi à l'issue de son congé de maternité et la décision du 8 août portant non renouvellement de son contrat de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, et ainsi d'enjoindre au ministre de

la culture, afin d'assurer l'exécution de ce jugement, de prononcer sa réin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prendre les mesures impliquées par l'exécution du jugement n° 1614009/5-2 du 11 janvier 2018 annulant la décision du 20 juillet 2016 portant réemploi à l'issue de son congé de maternité et la décision du 8 août portant non renouvellement de son contrat de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, et ainsi d'enjoindre au ministre de la culture, afin d'assurer l'exécution de ce jugement, de prononcer sa réintégration à compter du 1er janvier 2017 et de procéder à la reconstitution de sa carrière, ou de son recrutement, et de ses droits sociaux ainsi qu'à son reclassement au 3ème échelon du grade d'attaché d'administration de l'Etat et de prononcer le maintien d'au moins 70% de sa rémunération mensuelle brute antérieure ou, à titre subsidiaire, de prononcer le renouvellement de son contrat avec réaffectation sur le poste sur lequel elle était affectée après son retour de congé parental, et par conséquent, d'enjoindre au ministre de la culture de lui proposer la conclusion d'un contrat à durée indéterminée à compter du

13 septembre 2016, en application de l'article 6 de la loi n° 84-16 du 16 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et en toute hypothèse de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1823808/5-3 du 4 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 février 2020 et 18 décembre 2020,

Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 4 décembre 2019 ;

2°) d'enjoindre au ministre de la culture de prononcer sa réintégration à compter du 1er janvier 2017 et de procéder à la reconstitution de sa carrière, ou de son recrutement, et de ses droits sociaux ainsi qu'à son reclassement au 3ème échelon du grade d'attaché d'administration de l'Etat et de prononcer le maintien d'au moins 70% de sa rémunération mensuelle brute antérieure ;

3°) d'enjoindre au ministre de la culture de prononcer le renouvellement de son contrat avec réaffectation sur le poste sur lequel elle était affectée après son retour de congé parental, et par conséquent, d'enjoindre au ministre de la culture de lui proposer la conclusion d'un contrat à durée indéterminée à compter du 13 septembre 2016, en application de l'article 6 de la loi n°

84-16 du 16 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

4°) en toute hypothèse de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit en ce que, pour rejeter sa demande d'exécution, il s'est fondé sur l'absence de prescription de mesures d'exécution dans le jugement initial alors qu'en application de la jurisprudence, il pouvait néanmoins en prescrire lui-même et qu'en tout état de cause ces mesures étaient prévues par le jugement initial qui avait seulement omis de les reprendre dans son dispositif ;

- l'exécution du jugement initial impliquait qu'il soit enjoint au ministre de la réintégrer et de conclure avec elle un contrat à durée indéterminée ;

- le renouvellement de son contrat pour une durée de trois mois, jusqu'au

31 décembre 2016 ne constitue pas un réexamen de sa situation puisqu'elle n'avait d'autre objet que de permettre de régulariser la durée de son préavis et lui indiquait d'ores et déjà qu'il n'y aurait pas de renouvellement ultérieur ;

- la circonstance qu'elle a été réintégrée au ministère après son admission au concours pour l'accès au corps interministériel d'attaché d'administration de l'Etat ne permet pas de considérer que le jugement a été exécuté dès lors que cette réintégration ne résulte pas d'une prise en compte de ce jugement et qu'en tout état de cause elle a été intégrée à un niveau de rémunération et un indice inférieurs à ce qu'ils auraient dû être après réintégration.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 août 2020, le ministre de la culture demande à la Cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Recrutée le 13 septembre 2010, sur le fondement de l'article 4.2 de la loi du

11 janvier 1984, au ministère de la culture et de la communication en qualité d'agent contractuel de catégorie A, Mme C... a vu son contrat renouvelé pour trois ans à compter du

13 septembre 2013 jusqu'au 12 septembre 2016. Par décision du ministre de la culture du

17 décembre 2015 faisant suite à sa demande, elle a bénéficié, dans le prolongement d'un congé maternité, d'un congé parental qui a débuté le 5 février 2016 et devait s'achever le 4 août 2016. Toutefois, elle a, le 23 mai 2016, sollicité la fin anticipée de son congé parental et la reprise de son travail le 13 juin 2016 mais par décision du 20 juillet 2016, le ministre de la culture a prononcé son réemploi de congé parental à compter du 5 août 2016 et lui a signifié qu'elle était affectée " en instance au sein de la direction générale des médias et des industries culturelles ". Par lettre recommandée du 8 août 2016, elle a ensuite été informée du non renouvellement de son contrat qui arrivait à échéance le 12 septembre 2016. Elle a alors formé, le 18 août 2016, un recours gracieux à l'encontre de cette décision, puis elle a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande, enregistrée sous le n°1614009, tendant à l'annulation de la décision du

20 juillet 2016 relative à son réemploi et de la décision du 8 août 2016 de non renouvellement de son contrat. Par jugement du 11 janvier 2018, le tribunal a annulé ces deux décisions pour illégalité interne. Avant l'intervention de ce jugement, le ministre de la culture a prononcé le renouvellement de son contrat pour la période du 13 septembre 2016 au 31 décembre 2016 et, par courrier du 18 octobre 2016, l'a informée que son contrat ne serait toutefois pas renouvelé au-delà de cette date du 31 décembre 2016. Elle a alors formé une seconde demande devant le tribunal, enregistrée sous le n°1818713, tendant à l'annulation de cette décision, mais rejetée par le tribunal pour tardiveté par jugement du 13 janvier 2021. Avant cela, elle avait saisi également le tribunal administratif de Paris d'une demande, enregistrée sous le n°1823808, tendant à l'exécution du jugement n°1614009 par lequel le tribunal avait annulé la décision du

20 juillet 2016 relative à son réemploi et la décision du 8 août 2016 de non renouvellement de son contrat, et avait, dans ses motifs, fait droit aux conclusion à fins d'injonction de

Mme C..., mais n'avait pas prononcé l'injonction en cause dans son dispositif. De ce fait le tribunal a rejeté cette demande d'exécution par jugement du 4 décembre 2019 dont Mme C... interjette appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. /La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L.911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé./La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ". Enfin l'article L.911-4 dispose que : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. /Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".

3. Il résulte de ces dispositions que, en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Il lui appartient aussi, le cas échéant, d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision .

4. Dès lors que, ainsi qu'il vient d'être dit, il appartient au juge, saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de définir lui-même, le cas échéant, les mesures qu'implique l'exécution d'un jugement qui ne les avait pas lui-même définies, Mme C... est fondée à soutenir que le tribunal s'est à tort fondé, pour rejeter sa demande, sur la seule circonstance que le jugement n°1614009 du 11 janvier 2018 ne prescrivait pas de mesures pour son exécution, et notamment pas d'injonction. Il appartient dès lors à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande de Mme C....

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'il appartient au juge, saisi sur le fondement de l'article L.911-4 du code de justice administrative, de préciser, le cas échant, la portée des mesures d'exécution prononcées par le jugement dont l'exécution est demandée, si ces mesures sont entachées d'une ambigüité. Or, en l'espèce, il ressort des termes mêmes du jugement n°1614009 du 11 janvier 2018, dont Mme C... a demandé l'exécution, que le tribunal a, dans les motifs de ce jugement, expressément fait droit à ses conclusions à fins d'injonction en retenant que cette décision de justice impliquait qu'il soit enjoint au ministre de la culture et de la communication de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, mais s'est abstenu de prononcer cette injonction dans son dispositif, créant ainsi une ambiguïté, qu'il appartient au juge de dissiper en prononçant toutes mesures appropriées. Ces mesures ne pouvant toutefois être contraires à ce qui a été jugé par le jugement en cause, ne pourraient consister au plus qu'en une injonction de réexamen de la situation de Mme C.... Or, il ressort du courrier en date du 12 juillet 2018 adressé à celle-ci par la sous-directrice des métiers et des carrières, qu'il a déjà été procédé à ce réexamen à la suite du jugement, mais que, du fait du caractère définitif de la décision du 19 octobre 2016 ne renouvelant son contrat que jusqu'au 31décembre 2016, décision qui n'a pas été contestée en temps utile, il n'était pas envisagé de procéder à sa réintégration. Ainsi, compte tenu de ce réexamen, il n'y a pas lieu d'ordonner de nouvelles mesures d'exécution du jugement du 11 janvier 2018, qui doit être regardé comme ayant été entièrement exécuté.

6. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que postérieurement à l'intervention de ce jugement, Mme C... a été intégrée dans les services du ministère de la culture après son admission au concours pour l'accès au corps interministériel d'attaché d'administration de l'Etat. De plus, elle n'est pas fondée à faire valoir que sa demande à fins d'exécution du jugement du 18 janvier 2018 conserverait néanmoins son objet puisque l'exécution de cette décision de justice impliquerait une reconstitution de sa carrière qui lui permettrait de bénéficier, après l'admission à ce concours, d'un indice et d'un échelon supérieurs, résultant d'une ancienneté supplémentaire de un an, deux mois et quinze jours, dès lors que l'absence de prise en compte de cette ancienneté, lors de son intégration, résulte de l'intervention de la décision du 18 octobre 2016 de ne pas renouveler son contrat au-delà du

31 décembre 2016. Or, cette décision, ainsi qu'il a été dit, est devenue définitive faute d'avoir été contestée en temps utile. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'exécution du jugement du 11 janvier 2018, annulant notamment la décision du 8 août 2016, impliquerait, à la date du présent arrêt, la reconstitution de sa carrière, pas plus qu'aucune autre mesure d'exécution, compte tenu des éléments intervenus depuis lors.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut dès lors qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 avril 2021.

Le rapporteur,

M-I. D...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00420
Date de la décision : 16/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-16;20pa00420 ?
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