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13/04/2021 | FRANCE | N°19PA00767

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 13 avril 2021, 19PA00767


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 à 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1611564/1-2 du 16 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions en décharge à concurrence d'un dégrèvement en cours d'instance de 42 173 euros et a

rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 à 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1611564/1-2 du 16 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions en décharge à concurrence d'un dégrèvement en cours d'instance de 42 173 euros et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 février 2019, 27 novembre 2019, 4 décembre 2020, 15 janvier 2021 et 1er février 2021, Mme D..., représentée par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1611564/1-2 du 16 octobre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- elle ne remplissait aucun des critères prévus par l'article 4 B du code général des impôts pour déterminer la domiciliation fiscale en France et vivait en Italie ;

- les demandes d'assistance administrative internationale effectuées à compter du 1er mai 2010 auprès des autorités monégasques étaient irrégulières dès lors qu'elles étaient adressées nommément à un titulaire du poste de directeur des services fiscaux monégasques dont les fonctions arrivaient à terme le 30 avril 2010 ;

- l'auteur des réponses des 6 mai et 17 mai 2010 des autorités monégasques à la demande d'assistance administrative française n'était pas compétent, ce qui entache d'irrégularité ces réponses et la demande du 7 juin 2010, née de la seule réponse du 17 mai ;

- la prolongation de la durée de l'examen contradictoire relatif à 2008 motivée par les demandes d'assistance administrative internationale est irrégulière ;

- les demandes d'assistance adressées aux autorités monégasques ont été artificiellement décomposées pour prolonger la durée de l'examen contradictoire relatif à 2008, caractérisant un détournement de procédure ;

- la proposition de rectification du 23 décembre 2010 a été irrégulièrement notifiée à une personne qui n'était pas habilitée pour la recevoir, et n'a pas interrompu la prescription du droit de reprise relatif à 2007 ;

- les rémunérations versées par des sociétés monégasques ont été imposées à tort par l'administration dans la catégorie des traitements et salaires ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était dès lors compétente pour se prononcer sur le montant de ces rémunérations ;

- la pénalité pour manquement délibéré appliquée aux traitements et salaires et revenus de capitaux mobiliers n'est pas motivée, en méconnaissance des articles L. 80 D du livre des procédures fiscales et 6§3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas fondée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 novembre 2019, 13 mai 2020, 12 janvier 2021 et 28 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant Mme D....

Une note en délibéré, présentée pour Mme D..., a été enregistrée le 2 avril 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, conclu par des propositions de rectification du 21 décembre 2009, au titre de 2006, et du 21 décembre 2010, au titre de 2007 et 2008, à l'issue duquel elle a été assujettie à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2006 à 2008. Mme D... fait appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris, qui a constaté un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, relatif à la totalité des impositions mises à sa charge au titre de 2006, a rejeté le surplus de sa demande de décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'ont pas visé le moyen tiré du détournement de procédure soulevé par Mme D... dans ses écritures, y ont répondu seulement partiellement, en retenant que la demande d'assistance administrative du 7 juin 2010 était fondée sur la recherche d'informations dont elle ne disposait pas, contrairement à ce que la requérante soutenait, et que le détournement de procédure n'était en l'espèce pas établi, sans répondre à la seconde branche du moyen, tirée de ce que le service a ainsi artificiellement demandé à une autorité étrangère d'apporter des renseignements qu'il aurait pu obtenir de la contribuable dans le cadre de la procédure contradictoire, avec les garanties offertes, notamment, par les dispositions des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales. Par suite, le jugement est insuffisamment motivé et Mme D... est fondée à soutenir qu'il doit être annulé, en tant qu'il lui est défavorable. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de se prononcer par la voie de l'évocation.

Sur la domiciliation fiscale de Mme D... :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

4. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) ". Pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer d'un contribuable célibataire, sans charge de famille, s'entend du lieu où il habite normalement et a le centre de sa vie personnelle, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.

5. L'administration a considéré que Mme D... avait en France son domicile fiscal en 2007 et 2008 dès lors, notamment, qu'elle y avait son foyer, caractérisé par ses lieux d'habitation dans les Alpes-Maritimes. D'une part, il résulte de l'instruction qu'entre 2006 et 2008, Mme D... avait la disposition d'un appartement de 193 m² au 27 boulevard de la Turbie, à Beausoleil (06), figurant à l'actif de la SCI Ariane P, dont elle détenait elle-même 60 % du capital. Le ministre produit notamment une attestation émise par France Telecom le 16 décembre 2009 selon laquelle une ligne de téléphone fixe a été ouverte pour cet appartement au nom de Mme D..., pour laquelle il produit des relevés téléphoniques réguliers pour la période concernée qui attestent d'une consommation réelle, dont l'origine n'est pas justifiée par la requérante. Cet appartement était par ailleurs situé à moins d'un kilomètre de Monaco, où Mme D... occupait des fonctions d'administrateur et détenait des parts au sein de plusieurs sociétés. La requérante avait également la disposition de la villa Capri, située au Cap d'Ail (06), figurant à l'actif de la SCI Kap, dont elle détenait 74 % des parts jusqu'au 22 février 2006, date à laquelle elle en a cédé une partie à son mari, dont elle était séparée de corps, pour ne plus conserver que 50 % des parts. Elle avait en outre la disposition d'un appartement de 70 m² au 4 rue Victor Cauvin, à Villefranche-sur-Mer (06), acquis le 24 août 2006 par la SCI Helen, dont elle détenait des parts depuis le 13 mars 2007, et où résidait sa mère. La requérante, qui dit avoir résidé en Italie en 2007 et 2008, fait valoir que la villa au Cap d'Ail était occupée depuis 2006 par son mari et la compagne de celui-ci, sans toutefois l'établir par aucune pièce. Elle fait également valoir que l'appartement situé à Beausoleil n'était pas habitable durant la période concernée, dès lors qu'il faisait l'objet de travaux consécutifs à des conflits de copropriété. Il ne ressort pas, toutefois, du contrat de vente établi le 16 août 2006 lors de l'acquisition de cet appartement par la SCI Ariane P qu'il n'était pas habitable. Il ressort en outre du jugement rendu le 17 juin 2010 par le Tribunal de grande instance de Nice que le syndicat de copropriétaires à l'origine du conflit de copropriété dans les années 1970 avait été débouté de sa demande. La requérante ne produit aucun élément de nature à établir que l'appartement en cause, dont elle avait la disposition, où la ligne téléphonique ouverte à son nom était utilisée de manière régulière, n'aurait pas été habitable. Dans ces conditions, Mme D... doit être regardée comme ayant eu en France un foyer au sens de l'article 4 B du code général des impôts. Elle était, dès lors, en principe, passible au titre des années 2006 à 2008 de l'impôt sur le revenu en France à raison de l'ensemble de ses revenus, à moins qu'elle n'établisse son droit à se prévaloir de sa qualité de résidente italienne, au sens des stipulations de la convention fiscale franco-italiennes susvisée.

En ce qui concerne l'application de la convention franco-italienne :

6. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 4 de la convention franco-italienne du 5 octobre 1989 : " Au sens de la présente Convention, l'expression résident d'un État désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet État que pour les revenus y ayant leur source. "

7. Pour établir qu'elle était, au cours de la période concernée, résidente italienne, Mme D... soutient avoir alors résidé à Vintimille, où son fils a habité durant plusieurs années. Il ressort toutefois d'une réponse des autorités italiennes du 21 juin 2010 que, si Mme D... était locataire d'un appartement de 60 m² situé à Vintimille entre 2006 et 2008, et elle était inscrite au registre des résidents de la commune, elle ne détenait pas de biens ni de participations dans des sociétés italiennes, et elle n'avait souscrit pour ces années aucune déclaration de revenus en Italie. La requérante n'allègue pas être assujettie à l'impôt en Italie à raison de sa résidence à Vintimille. Par conséquent, en 2007 et 2008, Mme D... n'était pas résidente italienne au sens de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989, dans le champ de laquelle elle n'entrait donc pas. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle serait fiscalement domiciliée en Italie et qu'elle ne serait pas imposable en France.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. (...) Elle est également prorogée des trente jours prévus à l'article L. 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration ou pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger. " Il résulte de ces dispositions que les délais qu'elles prévoient, impartis au contribuable pour compléter sa réponse à une demande d'éclaircissements ou de justifications, à sa demande ou à la suite d'une mise en demeure de l'administration, et nécessaires à l'administration pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger, ou obtenir les relevés de comptes non produits par le contribuable dans le délai imparti, se cumulent en principe, eu égard aux objets différents qu'ils poursuivent, pour le décompte de la durée de prorogation de la période de contrôle d'un an prévue par les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales. Il en va toutefois différemment lorsque plusieurs de ces délais courent de manière concomitante, le délai d'un an prévu par ces dispositions n'étant alors prorogé qu'à concurrence du nombre de jours pendant lesquels ces délais ne se recouvrent pas.

9. Il résulte de l'instruction que, s'agissant de 2008, seule année contestée sur ce point par la requérante, l'examen de la situation fiscale personnelle de Mme D..., commencé le 20 juillet 2009, date de réception de l'avis de vérification, doit être regardé, pour l'appréciation de la durée maximale prévue par les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, comme s'étant achevé le 21 décembre 2010, date d'envoi de la proposition de rectification. Si ce contrôle a ainsi duré 155 jours de plus que la période d'un an prévue en principe pour un tel examen par ces dispositions, sa durée a été prorogée, en application des dispositions précitées de l'article L. 12, des délais nécessaires à l'administration pour recevoir les renseignements sollicités par les demandes datées des 25 février, 15 avril et 7 juin 2010 envoyées aux autorités monégasques, liées entre elles, portant sur les revenus de source étrangère perçus par Mme D... au titre de l'année 2008. Il résulte de l'instruction que les réponses monégasques à ces demandes de l'administration relatives à l'année 2008 lui sont ultimement parvenues, respectivement, le 17 mai 2010, à supposer que ne puisse être retenue une dernière réponse, relative, seulement, aux années 2006 et 2007 également objet de la première demande, le 4 juin 2010 et le 10 septembre 2010. Les délais nécessaires à l'administration pour obtenir les réponses couraient par conséquent, en principe, de la mise en oeuvre de la première demande d'assistance aux autorités monégasques, datée du 25 février 2010, à la réception de la réponse à la deuxième demande, le 4 juin suivant, puis de la mise en oeuvre de la troisième demande, datée du 7 juin 2010, à sa réponse, reçue le 10 septembre 2010.

10. La requérante soutient que ces délais pour obtenir une réponse des autorités monégasques ne peuvent être retenus à compter de la date des trois demandes, respectivement reçues les 8 mars, 20 avril et 15 juin 2010, soit onze, cinq et huit jours après, dès lors que l'administration ne justifie pas de leur date effective d'envoi, et que, compte tenu des délais normaux d'acheminement du courrier, les dates d'envois devraient être antérieures de seulement deux jours à la date de réception, hors dimanche et jours fériés. D'une part, la requérante ne verse aucun élément lui permettant de soutenir utilement que les délais d'acheminement habituels entre Paris, où la direction nationale des vérifications de situations fiscales a son siège, et Monaco ne pouvaient expliquer les écarts entre les dates des demandes, à supposer qu'elles soient les mêmes que les dates d'envoi, et celles de leur réception, alors au demeurant qu'il résulte de l'instruction que les réponses des autorités monégasques ont été reçues entre trois et treize jours après la date qui y figure. D'autre part, et en tout état de cause, le moyen est sans incidence sur la conformité de la durée de l'examen de situation fiscale personnelle de Mme D... aux dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales dès lors que, en prenant en compte les dates d'envoi des demandes en cause supposées par la requérante, les délais nécessaires auraient couru du vendredi 5 mars au 4 juin 2010, soit 91 jours, et du vendredi 11 juin au 10 septembre 2010, soit 91 jours également, et auraient donc autorisé une prorogation de cette durée de 182 jours. Par suite, le moyen n'est pas fondé.

11. La requérante fait également valoir que le destinataire des demandes d'assistance administrative internationale, M. E... B..., chef des services fiscaux de classe normale, détaché auprès du gouvernement de la principauté de Monaco en vue d'y exercer les fonctions de directeur des services fiscaux du 1er mai 2007 au 30 avril 2010, n'exerçait plus ses fonctions après cette date, à compter de laquelle il devait être regardé comme un fonctionnaire français recevant une demande de l'administration française. D'une part, si Mme D... soutient que la prolongation du contrôle résultant de la demande d'assistance postérieure à cette date, lui étant nommément adressée, était par suite irrégulière, il est constant que les autorités monégasques ont reçu les trois demandes d'assistance en cause, auxquelles elles ont apporté des réponses, l'identité de la personne considérée par l'administration fiscale française comme occupant le poste de chef des services fiscaux de Monaco étant dès lors sans incidence sur la régularité de la demande. D'autre part, si la requérante soutient, pour le même motif, que des réponses monégasques de mai 2010 doivent être écartées comme ayant été rédigées par un auteur incompétent, ainsi que la demande complémentaire du 7 juin 2010 se fondant sur ces réponses, il n'appartient pas au juge administratif français de statuer sur la compétence de l'auteur de la réponse à une demande d'assistance administrative internationale, le moyen étant par suite inopérant.

12. Mme D... soutient enfin que les demandes d'assistance administrative aux autorités monégasques sont le fruit d'un détournement de procédure ayant pour but d'allonger artificiellement la durée légale de l'examen de sa situation fiscale personnelle. Elle fait valoir que le service n'avait aucune autre raison de dissocier les demandes identiques du 8 janvier 2010, portant sur les années 2006 et 2007, et du 25 février suivant, portant sur 2008. Toutefois la circonstance, inexacte au regard des termes des deux demandes, qui visent notamment des sociétés différentes, est en tout état de cause sans incidence dès lors que la période courant de la demande du 8 janvier 2010 à la réponse obtenue n'a pas eu pour effet de proroger la durée de l'examen fiscal personnel de Mme D..., en tant qu'il concernait l'année 2008, et n'est pas, dès lors, susceptible de révéler une autre finalité que l'obtention des renseignements demandés. Si la requérante soutenait également que la demande du 7 juin 2010 était artificielle, notamment parce qu'elle avait le même objet, pour 2008, que la demande de janvier 2010 relative à 2006 et 2007, l'administration fait valoir, par référence aux termes de la demande du 7 juin, et sans être ultérieurement contestée, que cette dernière demande a été suscitée par une réponse du 17 mai 2010 par laquelle les autorités monégasques lui avaient communiqué des relevés de comptes bancaires, afin de leur demander des précisions sur des écritures y figurant. Si, enfin, la requérante soutient que le service a ainsi demandé à une autorité étrangère d'apporter des renseignements qu'il aurait pu obtenir de la contribuable dans le cadre de la procédure contradictoire, il résulte de l'instruction que Mme D... n'avait pas produit ses relevés de comptes détenus à Monaco, que les autorités monégasques ont ainsi permis à l'administration d'obtenir des banques des éléments tels que des copies de chèques, et que ces éléments ont été portés à la connaissance de la contribuable par courrier du 27 octobre 2010 reçu le 2 novembre suivant dans le cadre du débat contradictoire. Mme D... n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis un détournement de procédure en formulant plusieurs demandes d'assistance administrative auprès de Monaco.

13. Il résulte de ce qui précède que l'administration a pu proroger de 155 jours le délai d'un an prévu en principe pour l'examen de situation fiscale personnelle de Mme D... du fait des délais nécessaires pour obtenir des réponses des autorités monégasques sans méconnaître les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications."

15. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 9 décembre 2009 ayant pour objet " mandat de représentation - élection de domicile ", Mme D... a donné pouvoir à M. A... F..., expert-comptable, pour " [la] représenter, ensemble ou séparément, dans les opérations d'examen contradictoire de [sa] situation fiscale, diligentées par la direction nationale des vérifications (...) et fai[t] élection de domicile à leur siège ". D'une part, contrairement à ce que soutient la requérante en relevant que cette lettre s'achevait seulement par " bon pour pouvoir ", ce mandat emportait ainsi expressément élection de domicile auprès du mandataire. D'autre part, et contrairement à ce qui est soutenu pour la première fois en appel, dans le troisième mémoire en réplique produit par la requérante, il ne ressort pas de l'attestation datée du 30 novembre 2020, rédigée par l'associé de M. A... F..., que Mme D... aurait alors procédé à cette élection de domicile contre sa volonté, sous la contrainte de la vérificatrice, mais seulement que celle-ci a demandé que l'élection de domicile de Mme D... chez son expert-comptable soit mentionnée dans le document portant mandat. Si les termes du courrier du 9 décembre 2009 ne peuvent être regardés comme exprimant la volonté de Mme D... d'habiliter son cabinet d'expert-comptable à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition, contrairement à ce que fait valoir l'administration, et si l'élection de domicile était par conséquent limitée, comme le mandat de représentation, à l'examen de la situation fiscale personnelle de Mme D..., la notification de la proposition de rectification qui concluait ce contrôle devait être dès lors regardée comme comprise dans l'élection de domicile. Par suite, l'administration était fondée à notifier au cabinet d'expert-comptable chez lequel Mme D... avait élu domicile pour l'examen de sa situation fiscale personnelle au titre de 2007 et 2008 la proposition de rectification du 21 décembre 2010, qui a dès lors régulièrement interrompu la prescription du droit de reprise de l'administration pour l'année 2007.

Sur le bien-fondé des impositions :

16. Aux termes de l'article 80 ter du code général des impôts : " a Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu. b Ces dispositions sont applicables : / 1° Dans les sociétés anonymes : (...) à tout administrateur ou membre du conseil de surveillance chargé de fonctions spéciales ; (...) ".

17. Mme D... soutient que les sommes que lui ont versées les sociétés anonymes de droit monégasque APM, SAM Dria et Lizhel au titre des années 2007 et 2008, s'élevant à respectivement 300 000 euros, 80 000 euros et 550 000 euros, l'ont été pour des missions distinctes de ses fonctions d'administratrice de ces sociétés et qu'elles ne pouvaient dès lors être imposées dans la catégorie des traitements et salaires. Il ressort toutefois des trois attestations de ces sociétés, datées des 16 septembre et 20 septembre 2010, produites par la requérante, qu'elle a perçu une indemnité d'administratrice globale annuelle pour chacune de ces sociétés, qui rémunéraient ses fonctions au sein du conseil d'administration et diverses missions dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles ne seraient pas liées à ses fonctions d'administratrice. Dès lors, l'administration était fondée à imposer les sommes en cause sur le fondement des dispositions précitées de l'article 80 ter du code général des impôts dans la catégorie des traitements et salaires, et non dans la catégorie revendiquée des bénéfices non commerciaux. Par voie de conséquence, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée d'une garantie dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne pouvait être saisie de sommes imposées comme traitements et salaires, n'entrant pas dans le champ de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales.

Sur les pénalités :

18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...). "

19. Il ressort de la proposition de rectification du 21 décembre 2010 que le service a infligé les pénalités pour manquement délibéré en relevant que Mme D... ne pouvait ignorer qu'elle était résidente de France et que ses obligations fiscales portaient sur l'ensemble de ses revenus mondiaux, et en retenant qu'elle ne pouvait méconnaître que les indemnités perçues en sa qualité d'administratrice provenant de trois sociétés monégasques étaient imposables aussi bien dans la catégorie de revenus de capitaux mobiliers que des traitements et salaires et que l'omission de déclaration portait sur la partie la plus importante de ses revenus. Par suite, d'une part, les pénalités applicables aux rectifications en matière de traitements et salaires et de revenus de capitaux mobiliers sont suffisamment motivées, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ou les stipulations de l'article 6 paragraphe 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, ces pénalités étaient ainsi fondées, la circonstance invoquée par la requérante qu'elle pouvait légitimement se croire imposable en Italie, notamment à la suite d'un contrôle subi dans ce pays au titre d'années antérieures, ne pouvant au demeurant qu'être écartée alors qu'il ressort de la réponse des autorités fiscales italiennes du 21 juin 2010 que Mme D... n'a pas déposé de déclaration de revenus en Italie au titre de 2007 et 2008.

20. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander à la Cour de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions litigieuses. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, aux fins de condamnation de l'Etat aux dépens, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1611564/1-2 du 16 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le Tribunal administratif de Paris, dans la limite des conséquences de l'article 1er du présent arrêt, et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. H..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.

Le rapporteur,

A. H...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00767
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Examen de la situation fiscale personnelle (ex VASFE).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SCP ARCIL MARSAUDON ET FISCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-13;19pa00767 ?
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