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09/04/2021 | FRANCE | N°20PA02240

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 09 avril 2021, 20PA02240


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'enjoindre à la Banque de France de prendre en compte le trimestre manquant pour le calcul de sa pension et de condamner la Banque de France à lui verser à titre principal la somme de 410 000 euros, à titre subsidiaire, la somme de 175 000 euros, à titre très subsidiaire la somme de 65 000 euros, en réparation du préjudice financier causé par le refus partiel de prolonger son activité au-delà de l'âge légal de départ à la retraite, et à tit

re infiniment subsidiaire, la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'enjoindre à la Banque de France de prendre en compte le trimestre manquant pour le calcul de sa pension et de condamner la Banque de France à lui verser à titre principal la somme de 410 000 euros, à titre subsidiaire, la somme de 175 000 euros, à titre très subsidiaire la somme de 65 000 euros, en réparation du préjudice financier causé par le refus partiel de prolonger son activité au-delà de l'âge légal de départ à la retraite, et à titre infiniment subsidiaire, la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice financier causé par l'erreur de calcul des trimestres cotisés, sommes assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter du 20 juillet 2018 et à chaque échéance annuelle. Par un jugement n° 1820536 du 18 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2020 et des mémoires récapitulatifs enregistrés le 14 décembre 2020 et le 10 mars 2021, M. E... représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) à titre principal, de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 410 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec capitalisation des intérêts à compter du 20 juillet 2018 et à chaque échéance annuelle ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 175 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec capitalisation des intérêts à compter du 20 juillet 2018 et à chaque échéance annuelle ;

4°) à titre très subsidiaire, de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec capitalisation des intérêts à compter du 20 juillet 2018 et à chaque échéance annuelle ;

5°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec capitalisation des intérêts à compter du 20 juillet 2018 et à chaque échéance annuelle ;

6°) de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

Il soutient que :

- la Banque de France a commis une erreur dans le calcul du nombre de trimestres validés pour établir le montant de sa pension de retraite ; l'article 15 du décret n°2007-262 du 27 février 2007 modifié prévoit que le calcul des trimestres se fait par année civile ; l'année 1978 a été amputée d'un trimestre dès lors que, selon l'article 31 du décret, la fraction du trimestre égale ou supérieure à 45 jours devait être comptée pour un trimestre ; le nombre de trimestres qui doit lui être attribué est de 121 et non 120 ; il demande une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de cette erreur de calcul ;

- la Banque de France a méconnu le principe " à travail égal, conditions égales " en créant des discriminations entre les agents du corps des inspecteurs généraux sans raisons objectives et légitimes ;

- son préjudice est constitué d'une part, par la perte de revenus entre ses 65 ans et 3 mois et ses 70 ans et, d'autre part, à la décote correspondant à une retraite qui n'est pas à taux plein et s'élève à une somme totale de 410 000 euros ;

- le tribunal ne s'est pas livré à un examen suffisant et sérieux du dossier ; il a violé le principe du procès équitable en acceptant la simple affirmation de la Banque de France selon laquelle le manque d'affectifs au sein de la délégation où M. E... était affecté ne concernait pas les inspecteurs généraux et en exigeant qu'il produise des éléments pouvant contredire cette affirmation ;

- l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France est entaché d'illégalité en ce qu'il méconnaît l'article 5 du décret n° 53-711 du 9 août 1953 ; le décret n° 68-299 du 29 mars 1968 étant postérieure à la date du 31 octobre 1953 visée par cet article, il ne lui est pas applicable.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 novembre 2020 et le 22 février 2021, la Banque de France représentée par la SCP Delvolvé-Trichet, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. E... à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les moyens de cette requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées le 19 mars 2021, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions subsidiaires tendant à l'indemnisation de l'erreur de calcul sur le nombre de trimestres acquis par M. E..., en l'absence de demande à ce titre dans sa demande préalable du 13 juillet 2018.

Un mémoire a été enregistré le 23 mars 2021 pour M. E....

Un mémoire a été enregistré le 24 mars 2021 pour La Banque de France.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le statut du personnel de la Banque de France ;

- le décret n° 53-711 du 9 août 1953 ;

- le décret n° 68-299 du 29 mars 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me B..., avocat de M. E...,

- et les observations de Me Delvolvé, avocat de la Banque de France.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ancien inspecteur général de la Banque de France, a sollicité en 2016 une prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge de 65 ans qu'il allait atteindre à compter du 1er février 2017 pour une durée de 10 trimestres. Après un premier refus, la Banque de France a fait partiellement droit à sa demande en prolongeant son activité jusqu'au 30 avril 2017 et il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er mai 2017. Après avoir présenté une demande indemnitaire préalable d'un montant de 385 000 euros par courrier du 13 juillet 2018, il a demandé au Tribunal administratif de Paris à titre principal, d'une part, d'enjoindre à la Banque de France de lui accorder un trimestre supplémentaire pour le calcul de ses droits à pension, d'autre part, de la condamner à lui verser la somme de 410 000 euros en réparation des préjudices résultant selon lui du rejet de sa demande de maintien en activité. Il relève appel du jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions relatives à l'indemnisation du refus de prolongation de l'activité de M. E... au-delà de la limite d'âge de 65 ans :

2. D'une part, aux termes de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France susvisé : " Les agents titulaires ont la faculté d'obtenir la liquidation de leur pension de retraite dès qu'il remplissent les conditions fixées à cet effet par le règlement de la caisse de réserve des employés. Sous réserve des dérogations prévues aux articles 242, 242-1, ils doivent prendre leur retraite dès qu'ils ont atteint l'âge prévu dans le tableau ci-dessous. Aux termes de l'article 242-1 de ce statut : " Les agents titulaires dans la durée des services admissibles en liquidation est inférieure à celle définie au I de l'article 31 du règlement du régime des retraites des agents titulaires peuvent, lorsqu'ils atteignent la limite d'âge qui leur est applicable, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 5 du décret du 9 août 1953 susvisé relatif au régime des retraites des personnels de l'Etat et des services publics.: " A compter du 1er septembre 1953, les personnels appartenant aux entreprises et organismes visés au titre II de la loi du 17 août 1948 et tributaires de régimes particuliers ou spéciaux qui occupent des emplois dont la nature n'est pas susceptible d'entraîner une usure prématurée de l'organisme ou n'est pas subordonnée à des qualités physiques déterminées, et qui remplissent les conditions exigées pour l'ouverture du droit à pension d'ancienneté, ne pourront solliciter leur mise à la retraite avant l'âge auquel les agents de l'Etat peuvent prétendre à pension d'ancienneté, ni être mis d'office à la retraite avant d'avoir atteint la limite d'âge applicable aux fonctionnaires civils de l'Etat, sauf s'ils sont invalides ou font montre d'insuffisance professionnelle. Des mesures d'adaptation seront prises avant le 31 octobre 1953 par des règlements d'administration publique contresignés par le ministre intéressé et le ministre chargé du Budget. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la Banque de France : " I. - La limite d'âge du personnel titulaire de la Banque de France est fixée, pour les agents nés à compter du 1er juillet 1959, à soixante-sept ans. / II. - La limite d'âge du personnel titulaire de cette institution pour les agents nés antérieurement au 1er juillet 1959 est fixée, en fonction du grade ou de l'emploi et par génération, entre soixante ans minimum et soixante-sept ans maximum, par décision du conseil général de la Banque de France approuvée par le ministre chargé de l'économie. ".

4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. E..., les dispositions de l'article 241 précité du statut du personnel de la Banque de France ne sont nullement contradictoires avec celles de l'article 5 du décret du 9 août 1953 relatives à l'impossibilité de mise à la retraite d'office des fonctionnaires civils de l'Etat qui n'ont pas atteint la limite d'âge. En tout état de cause, il n'est pas fondé à se prévaloir à l'appui de ses conclusions de ces dernières dispositions, dès lors qu'un refus de maintien en activité ne constitue pas une mise à la retraite d'office.

5. En deuxième lieu, si M. E... soutient que le décret du 29 mars 1968 qui est postérieur à la date du 31 octobre 1953 visée par l'article 5 du décret du 9 août 1953 ne lui est pas applicable, le délai ainsi fixé par l'article 5 du décret du 9 août 1953 n'était pas prescrit à peine de nullité.

6. En troisième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article 242-1 du statut du personnel de la Banque de France que le maintien en activité au-delà de la limite d'âge ne constitue pas un droit pour les agents qui le sollicitent. Son octroi est laissé à l'appréciation de l'autorité administrative qui détermine sa position en fonction de l'intérêt du service, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir qui exerce sur ce point un contrôle limité à l'erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de l'instruction que la Banque de France a fait partiellement droit à la demande de M. E... jusqu'à la fin de la mission de contrôle bancaire qu'il dirigeait, soit jusqu'au 30 avril 2017, mais a rejeté sa demande de maintien en activité au-delà de cette date pour un motif tiré de l'intérêt du service. Si M. E... soutient que le tribunal a violé le principe du procès équitable en acceptant la simple affirmation de la Banque de France selon laquelle le manque d'effectifs au sein de la délégation où il était affecté ne concernait pas les inspecteurs généraux et en exigeant qu'il produise des éléments pouvant contredire cette affirmation, le tribunal n'a pas inversé la charge de la preuve ni violé le principe du procès équitable en exigeant que le requérant apporte un commencement de preuve à l'appui de ses allégations.

7. En quatrième lieu, M. E... soutient que la Banque de France a méconnu le principe " à travail égal, conditions égales " en créant des discriminations entre les agents du corps des inspecteurs généraux sans raisons objectives et légitimes, dès lors que les agents contractuels de ce corps sont soumis au code du travail et peuvent solliciter leur maintien en activité jusqu'à 70 ans. Toutefois le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes et il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le refus de maintien en activité opposé à M. E... n'étant entaché d'aucune illégalité fautive, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions subsidiaires relatives à l'indemnisation de l'erreur de calcul sur le nombre de trimestres :

9. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. "

10. Si M. E... soutient que la Banque de France a commis une erreur dans le calcul du nombre de trimestres validés pour établir le montant de sa pension de retraite et demande qu'elle soit condamnée à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de cette erreur de calcul, il résulte de l'instruction que ce chef de préjudice ne figure pas dans sa demande préalable du 13 juillet 2018 qui n'évoque que le préjudice lié au refus du maintien en activité de l'intéressé. Ces conclusions sont par suite irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la Banque de France, qui n'est pas la partie perdante, verse à M. E... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier la somme que demande la Banque de France sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Banque de France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à la Banque de France.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme D..., présidente assesseure,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2021.

La rapporteure,

M. D...Le président,

M. A... Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

N° 20PA02240 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02240
Date de la décision : 09/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

13-025 Capitaux, monnaie, banques. Banque de France.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SCP DELVOLVE-TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-09;20pa02240 ?
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