Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la province Sud à lui payer la somme de 6 510 603 francs CFP en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'illégalité de la délibération du 7 avril 2010 de l'assemblée de la province Sud. Par un jugement n° 1900258 du 13 février 2020, le Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 avril 2020 et le 9 mars 2021,
M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 février 2020 du Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie ;
2°) de condamner la province Sud à lui payer la somme de 9 471 654 francs CFP en réparation de son préjudice ;
3°) de condamner la province Sud à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- il a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a causé l'illégalité de la décision du 7 avril 2019 du bureau de la province Sud autorisant la société NMC à passer sur ses terres, qui lui a causé une gêne très importante, ainsi qu'une perte de chance de négocier avec cette dernière un tarif bien plus avantageux que celui retenu par la Cour d'appel ; c'est à tort que le juge judiciaire a retenu le tarif de 3,5 francs CFP la tonne kilométrique qui n'est applicable que dans le cadre de l'application des dispositions de l'article Lp 141-7 du code minier et pendant la période couverte par l'autorité administrative d'exploiter le terrain d'un tiers ; il justifie par la production d'un protocole d'accord conclu le 20 mai 2009 que la société SMSP avait accepté un tarif de 8,48 francs CFP la tonne kilométrique ; au titre de la période du 7 avril 2010 au 19 décembre 2013, son préjudice s'élève à la somme de 9 471 654 francs CFP sur la base de 8,4 francs CFP la tonne kilométrique ;
Par un mémoire en défense enregistré le 11 janvier 2021, la province Sud représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. C... à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les moyens de cette requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code minier de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me Pineau, avocat de l'assemblée de la province Sud.
Considérant ce qui suit :
1. La société Nickel Mining Company (NMC), filiale de la société minière du sud pacifique (SMSP), exploite en Nouvelle-Calédonie la mine de nickel dite " Pinpin ". Le site d'exploitation de la mine est séparé du site de chargement des minéraliers situé en baie de Porwy à Poya par plusieurs propriétés privées que traverse une piste de roulage, dont celles de M. B... C..., propriétaire depuis le 5 juillet 1990 des lots n° 32 et 33 du lieu-dit Moinda et depuis le 4 juin 2000 du lot n° 3 de Moinda. La société d'exploitation de la mine a conclu avec chacun des propriétaires des parcelles traversées, une convention de passage prévoyant une rémunération en fonction du tonnage évacué, tenant compte du nombre de kilomètres parcourus par les engins de transport minier sur leurs propriétés respectives. Toutefois, postérieurement à un litige né entre M. C... et la SMSP, la Cour d'appel de Nouméa a, par un arrêt du 20 avril 2009, confirmé le jugement du tribunal mixte de commerce de Nouméa du 19 décembre 2007 constatant que le contrat entre M. C... et la SMSP avait pris fin le 16 février 2005. Après avis favorable du comité consultatif des mines du 6 avril 2010, le bureau de l'assemblée de la province Sud a par une délibération du 7 avril 2010, accordé l'autorisation d'occuper des sols dépendant de plusieurs propriétés dont celles de M. C... sollicitée par la société NMC, pour les besoins de son activité minière. Par un arrêt du 23 septembre 2013, la Cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de M. C..., annulé un jugement du 10 février 2011 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ainsi que la délibération du 7 avril 2010, au motif qu'elle avait été prise en méconnaissance de l'exigence posée au 2° de l'article Lp. 141-7 du code minier, le juge judiciaire ne s'étant pas préalablement prononcé sur le montant de l'indemnité compensant l'occupation autorisée par la délibération litigieuse. Par décision du 17 avril 2015, le Conseil d'Etat a confirmé cette annulation. M. C... a, par courrier du 10 décembre 2018, présenté une demande préalable d'indemnisation à la province Sud qui a été rejetée par courrier du 27 mars 2019. Il relève appel du jugement du 13 février 2020 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie rejetant sa demande tendant à la condamnation de la province Sud à lui verser la somme de 6 510 603 francs CFP au titre de l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi pour la période du 7 avril 2010 au 19 décembre 2013, du fait de l'illégalité de la délibération du 7 avril 2010 autorisant la société Nickel Mining Corporation à occuper les terrains nécessaires à son activité minière sur le centre d'exploitation de Poya.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
2. M. C... demande que la province Sud soit condamnée à lui verser la somme de 9 471 654 francs CFP au titre du préjudice résultant de l'illégalité fautive de la délibération du 7 avril 2010, définitivement reconnue par la justice administrative.
3. Aux termes de l'article Lp. 141-7 du code minier de la Nouvelle-Calédonie : " A défaut d'accord amiable entre les propriétaires du sol et le titulaire d'un permis de recherches ou d'une concession minière, l'autorisation d'occupation du sol n'est accordée : (...) 2° qu'après paiement, le cas échéant, aux propriétaires ou titulaires de droits fonciers coutumiers, ou, en cas de refus, après consignation dans les caisses d'un comptable public des indemnités suivantes : - lorsque les travaux exécutés, sous le couvert de l'autorisation d'occupation du sol sollicitée, n'excèdent pas une année et sont de nature à permettre une remise en culture du sol où ils auront eu lieu, l'indemnité à verser est égale au double du produit net du terrain endommagé. Toutefois, si après l'exécution des travaux, les terrains occupés se révèlent impropres à la culture, les propriétaires peuvent exiger du titulaire de l'autorisation d'occupation du sol, l'acquisition du sol. La partie de la surface trop endommagée ou dégradée doit être achetée en totalité si le propriétaire l'exige. Le terrain à acquérir ainsi est estimé au double de la valeur qu'il avait avant l'occupation du sol ; - lorsque l'occupation envisagée est de nature à priver le propriétaire de la jouissance du sol pendant plus d'une année, ou lorsque les travaux sont de nature à rendre, après leur exécution, les terrains occupés impropres à la culture, les propriétaires peuvent exiger du titulaire du titre minier, l'acquisition du sol. Le terrain à acquérir ainsi est estimé au double de la valeur qu'il a avant l'occupation du sol. L'indemnité ou le prix de rachat visé ci-dessus est fixé par accord entre les parties ou, à défaut, par le juge compétent, à la requête de la partie la plus diligente. (...) ".
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la Cour d'appel de Nouméa a, dans son arrêt du 9 octobre 2014, constaté que l'évaluation retenue par le premier juge de l'indemnité due à M. C... à 2,5 francs CFP par tonne kilométrique sur la base d'un rapport d'expertise remis le 25 février 2011 ne concernait pour l'expert que l'indemnisation d'une partie du préjudice subi par le propriétaire du sol du fait de l'utilisation d'une partie de ses terres comme voie de roulage et non la totalité de ce préjudice. La Cour a par suite décidé de porter à 3,5 francs CFP par tonne kilométrique l'indemnité due par la société NMC à M. C... pour tenir compte " des nuisances apportées aux terres environnantes par l'utilisation de la voie de roulage que l'expert détaille et qui ont un impact direct et certain sur les modalités d'exploitation du domaine agricole, (...) directement proportionnelles au nombre de passages et de nuages de poussière ". Il en résulte que le prix de 3,5 francs CFP par tonne kilométrique fixé par la Cour tient compte d'une part, de l'indemnité correspondant à l'utilisation d'une partie des terres de M. C... par la société NMC, d'autre part, de l'indemnité couvrant les contraintes, nuisances et dommages accessoires à l'utilisation par les camions de la voie de roulage, notamment la perte d'exploitation résultant de l'obligation de réduire le troupeau d'une cinquantaine de têtes et le frein à la croissance de la végétation dans le rayon de la piste concernée, évoqués par l'expert.
5. En second lieu, M. C... demande que soit indemnisée sa perte de chance de négocier un tarif plus avantageux que celui retenu par la Cour d'appel de Nouméa et fait valoir qu'il justifie, par la production d'un protocole d'accord conclu le 20 mai 2009, que la société SMSP avait accepté une indemnisation au tarif de 8,48 francs CFP par tonne kilométrique. Il résulte toutefois de ce protocole, qui fait apparaître un prix forfaitaire de 650 000 francs CFP pour dix jours d'utilisation de la voie de roulage, du 21 au 31 mai 2009, a été conclu à la suite de la notification de l'arrêt de la Cour d'appel de Nouméa du 20 avril 2009 confirmant le jugement du tribunal mixte de commerce de Nouméa constatant que le contrat entre M. C... et la SMSP avait pris fin le 16 février 2005, en contrepartie de la renonciation par M. C... à se prévaloir de l'astreinte judiciaire durant le délai du chargement. Il ne résulte d'aucune pièce du dossier que la société NMC aurait été disposée à conclure une autre convention à de telles conditions tarifaires, alors qu'elle a adressé dès le 4 août 2009 à la province Sud une autorisation d'occupation des terrains de M. C... et que l'avis du comité consultatif des mines du 6 avril 2010 constatait que les tentatives de discussions engagées depuis plusieurs mois entre les parties concernées n'avaient pas permis d'aboutir à une solution amiable et qu'elles se trouvaient dans une impasse. Par suite, la perte de chance alléguée ne peut être considérée comme établie.
6. M. C... ne peut en conséquence se prévaloir d'aucun préjudice dont il n'aurait pas été déjà indemnisé et, en tout état de cause sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le lien de causalité, réclamer la somme de 9 471 654 francs CFP au titre du préjudice résultant de l'illégalité fautive de la délibération du 7 avril 2010.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa requête.
Sur les frais de l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la province Sud, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à payer à
M. C... la somme que ce dernier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 500 euros à verser à la province Sud sur ce même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.
Article 2 : M. B... C... versera à la province Sud une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Monsieur B... C... et à la province Sud de Nouvelle-Calédonie.
Copie en sera adressée à la société Nickel Mining Corporation et au Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- Mme E..., présidente assesseure,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2021.
La rapporteure,
M. E...Le président,
M. A...
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA01161 2