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09/04/2021 | FRANCE | N°19PA03972

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 09 avril 2021, 19PA03972


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire Henri Mondor a rejeté sa demande de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire Henri Mondor à lui verser la somme de 52 800 euros en réparation des préjudices subis à raison du harcèlement moral dont elle estime avoir été victime.

Par un jugement n°

1609070 du 9 octobre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire Henri Mondor a rejeté sa demande de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire Henri Mondor à lui verser la somme de 52 800 euros en réparation des préjudices subis à raison du harcèlement moral dont elle estime avoir été victime.

Par un jugement n° 1609070 du 9 octobre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2019, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1609070 du 9 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire Henri Mondor a rejeté sa demande de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral ;

3°) de condamner l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 52 800 euros en réparation des préjudices subis à raison du harcèlement moral dont elle estime avoir été victime ;

4°) de mettre à la charge de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été victime de harcèlement moral de la part de la directrice de la communication ;

- elle peut prétendre au bénéfice de la protection fonctionnelle à raison des agissements de harcèlement moral ;

- l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle et en s'abstenant de mettre fin aux agissements de harcèlement moral ;

- elle a subi un préjudice moral qu'elle évalue à la somme de 50 000 euros ;

- elle a subi un préjudice matériel et financier qu'elle évalue à la somme de 2 800 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2020, l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance en date du 10 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 janvier 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me Neven, avocat de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., aide-soignante titulaire depuis le 25 octobre 2004 au sein du groupe hospitalier Hôpitaux universitaires Henri Mondor, rattaché à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, exerce des fonctions de responsable de l'animation des patients à l'hôpital Albert Chenevier depuis le 1er septembre 2014. Mme A... a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle le 4 février 2016 à raison du harcèlement moral dont elle s'estime victime. Sa demande a été implicitement rejetée. Par courrier en date du 26 septembre 2016, Mme A... a sollicité l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité du refus de sa demande de protection fonctionnelle et de l'inaction de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, qui a été implicitement rejetée. Mme A... relève appel du jugement du 9 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle ainsi que ses conclusions indemnitaires.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de protection fonctionnelle :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) / IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".

3. D'une part, ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Mme A... soutient être victime d'agissements de harcèlement moral ayant pour effet une dégradation de son état de santé. Si Mme A... produit des certificats médicaux de son médecin traitant, de la médecine du travail et d'un psychiatre ainsi que des arrêts de travail, qui n'ont pas été reconnus comme imputables au service, indiquant qu'elle présente un état anxio-dépressif apparu dans le contexte d'un conflit professionnel avec sa hiérarchie, ces documents, qui relatent les propos tenus par l'intéressée, ne sont pas à eux-seuls susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

5. Mme A... soutient avoir subi systématiquement les humiliations de la directrice de la communication lors des réunions de service et produit une plainte en date du 12 janvier 2016 pour des faits de harcèlement commis de septembre 2014 à octobre 2015 à raison d'agressions verbales et d'humiliations de sa hiérarchie lors des réunions. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à confirmer ses allégations, lesquelles ne sont pas corroborées par des témoignages alors qu'elle indique que les incidents ont eu lieu en présence d'autres agents. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment des auditions des agents ayant participé aux réunions, entendus dans le cadre de l'instruction de la plainte ainsi que des attestations produites par l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, que si la directrice de communication peut faire preuve de fermeté à l'égard de l'ensemble des agents et entretient des relations conflictuelles avec Mme A..., liées notamment au comportement de cette dernière, les réunions de service n'ont pas donné lieu à des propos humiliants à l'encontre de Mme A... ou à des situations dénigrantes. Il ressort en outre des pièces du dossier que la plainte a été classée sans suite.

6. Si Mme A... fait valoir que la directrice de la communication a refusé de la noter dans le cadre de son évaluation professionnelle au titre de l'année 2015, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris fait valoir sans être contestée que la directrice de communication ne dispose pas du pouvoir de notation.

7. Mme A... soutient que la directrice de communication a tenu, lors d'un appel téléphonique le 6 mai 2015, des propos véhéments et dénigrants. Cet incident qui est attesté par les témoignages produits, par le compte-rendu de l'entretien avec un représentant syndical le 27 mai 2015 et qui est expressément reconnu par la directrice de communication, est demeuré isolé. Par suite, et pour regrettable qu'il soit, cet incident ne saurait relever d'agissements répétés susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

8. Mme A... sollicite la condamnation de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'illégalité de la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle et à raison de la carence fautive de l'établissement en l'absence de mesures pour mettre fin aux agissements de harcèlement moral qu'elle a subis. En l'absence d'illégalité fautive et de carence fautive, l'appelante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris ni à obtenir la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme que l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., président de chambre,

- Mme Julliard, présidente assesseure,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2021.

Le rapporteur,

A-S MACHLe président,

M. B...Le greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA03972 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03972
Date de la décision : 09/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SELAS LEXACTUS - SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-09;19pa03972 ?
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