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09/04/2021 | FRANCE | N°18PA03334

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 09 avril 2021, 18PA03334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental du

Val-de-Marne a refusé sa demande de remboursement des frais de prise en charge de l'enfant mineur A... C... et de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser une somme de 244 044,30 euros au titre de ces frais, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2016.

Par un jugement n° 16099

90 du 8 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a condamné le département du V...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental du

Val-de-Marne a refusé sa demande de remboursement des frais de prise en charge de l'enfant mineur A... C... et de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser une somme de 244 044,30 euros au titre de ces frais, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2016.

Par un jugement n° 1609990 du 8 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a condamné le département du Val-de-Marne à verser à l'association les frais d'entretien, d'éducation et de conduite générés par le placement de l'enfant pour les mois d'avril 2015 à juillet 2016, évalués à la tarification au titre des années 2015 et 2016 établie par le conseil d'administration pour la prise en charge dans sa cellule d'urgence médicalisée, sous déduction du montant du forfait journalier de soins fixé par l'Agence régionale de santé et des règlements déjà effectués par le département, et a rejeté la demande tendant au paiement des frais de soins et d'hébergement.

Procédure devant la Cour :

Par arrêt en date du 23 avril 2019, la Cour a, sur requête de l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes enregistrée sous le n° 18PA03334 et tendant à la réformation du jugement n° 1609990 du 8 février 2018 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a déduit des sommes allouées le montant du forfait journalier de soins et en tant qu'il a rejeté la demande de remboursement des frais d'hébergement et de soins, ordonné avant dire droit un supplément d'instruction tendant à la production par l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes du détail des frais d'entretien, d'éducation et de conduite qu'elle a engagés pour la période d'avril 2015 à juillet 2016 pour le placement de l'enfant A... C... et la production par le département du Val-de-Marne du détail, mois par mois, des sommes réglées à ce même titre au cours de la même période, dans un délai d'un mois.

Par un mémoire, enregistré le 7 mai 2019, l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes a produit des pièces complémentaires.

Par un mémoire, enregistré le 22 mai 2019, le département du Val-de-Marne a produit des pièces complémentaires.

Par un mémoire, enregistré le 23 mai 2019, l'Association Ohalei Yaacov - Le silence des justes limite ses prétentions à la somme de 226 321,15 euros.

Par ordonnance du 13 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 septembre 2019 à 12 heures.

Des pièces complémentaires présentées par l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes ont été enregistrées le 13 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me Pariente, avocat de l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes,

- et les observations de Me Doulain, avocat du département du Val-de-Marne.

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance de placement provisoire et un jugement des 13 mars et 1er septembre 2015, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Créteil a confié le mineur A... C... au service de l'aide sociale à l'enfance du département du Val-de-Marne, au titre de l'assistance éducative, en vue de son accueil à temps plein dans un lieu de vie géré par l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes, puis directement à cette association, en dispensant les parents de contribution aux frais du placement. Le département du Val-de-Marne ayant refusé de prendre en charge une partie des frais du mineur à compter du mois d'avril 2015, l'association a saisi le Tribunal administratif de Melun pour obtenir la condamnation du département à lui verser les sommes qu'elle estime lui être dues. Par un jugement du 8 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a condamné le département du Val-de-Marne à verser à l'association les frais d'entretien, d'éducation et de conduite générés par le placement de l'enfant pour la période d'avril 2015 à juillet 2016, évalués à la tarification au titre des années 2015 et 2016 établie par le conseil d'administration pour la prise en charge dans sa cellule d'urgence médicalisée, sous déduction du montant du forfait journalier de soins fixé par l'Agence régionale de santé et des règlements déjà effectués par le département, et a rejeté la demande tendant au paiement des frais de soins et d'hébergement. L'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de sa demande. Le département du Val-de-Marne a présenté des conclusions incidentes en tant que ce jugement accueille pour partie les conclusions de l'association. Par un arrêt en date du 23 avril 2019, la Cour a ordonné avant dire droit un supplément d'instruction tendant à la production par l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes du détail des frais d'entretien, d'éducation et de conduite qu'elle a engagés entre les mois d'avril 2015 et juillet 2016 pour le placement de l'enfant A... C... et la production par le département du Val-de-Marne du détail, mois par mois, des sommes réglées à ce même titre au cours de la même période.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le Tribunal administratif de Melun a jugé que l'association était fondée à demander la prise en charge par le département du Val-de-Marne des dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite afférentes au placement du mineur A... C... pour la période d'avril 2015 à juillet 2016 mais qu'elle n'était pas fondée à lui demander la prise en charge des frais de soins dispensés pour l'accueil de jour de ce mineur, lesquels sont pris en charge par l'assurance maladie. Le tribunal, auquel il appartient d'apprécier le montant des dépenses devant être mis à la charge du département en usant le cas échéant de ses pouvoirs d'instruction, a pu évaluer ce montant à la somme correspondant à la tarification établie par le conseil d'administration de l'association pour la prise en charge de l'enfant, sous déduction du forfait journalier de soins fixé par l'Agence régionale de santé que le tribunal a estimé correspondre aux frais de soins au regard des pièces dont il disposait et alors même qu'aucune des parties n'avaient invoqué cette déduction, et des règlements déjà effectués par le département. Ce faisant, le tribunal n'a ni soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public, ni statué au-delà des conclusions de la demande. Par ailleurs, en l'absence de conclusions présentées par l'association et dirigées contre l'Agence régionale de santé en première instance, le tribunal n'a ni méconnu le principe du contradictoire, ni entaché son jugement d'irrégularité en ne mettant pas en cause l'Agence régionale de santé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la prise en charge des frais de soins :

3. Aux termes de l'article 375-3 du code civil : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : (...) / 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ; / 4° A un service ou à un établissement habilité pour l'accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ; / 5° A un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé. ". Aux termes de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles : " Le département prend en charge financièrement au titre de l'aide sociale à l'enfance, à l'exception des dépenses résultant de placements dans des établissements et services publics de la protection judiciaire de la jeunesse, les dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de chaque mineur : 1° Confié par l'autorité judiciaire en application des articles 375-3, 375-5 et 433 du code civil à des personnes physiques, établissements ou services publics ou privés ; (...) ".

4. Ainsi qu'il a été dit au point 5 de l'arrêt de la Cour du 23 avril 2019, l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes relève de la catégorie des établissements sanitaires et d'éducation, ordinaires ou spécialisés au sens des dispositions combinées des articles L. 228-3 précité du code de l'action sociale et des familles et 375-3 du code civil. Par suite, alors même que l'association appelante n'aurait pas été agréée par le département du Val-de-Marne, la prise en charge des dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite exposées au titre du placement de l'enfant A... C... incombait à ce département. En revanche, ces dispositions, qui déterminent limitativement les dépenses devant être prises en charge financièrement par le département, n'implique pas que ce dernier prenne en charge l'intégralité des frais sollicités par l'association et exposés pour le placement du mineur, et notamment les frais de soins.

5. Aux termes de l'article L. 240-10 du code de l'action sociale et des familles : " Les frais d'hébergement et de soins dans les établissements ou services mentionnés au 2° du I de l'article

L. 312-1 ainsi que les frais de soins concourant à cette éducation dispensée en dehors de ces établissements, à l'exception des dépenses incombant à l'Etat en application de l'article L. 242-1, sont intégralement pris en charge par les régimes d'assurance maladie, dans la limite des tarifs servant de base au calcul des prestations. / A défaut de prise en charge par l'assurance maladie, ces frais sont couverts au titre de l'aide sociale sans qu'il soit tenu compte des ressources de la famille. ".

6. D'une part, il résulte de l'instruction que si l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes a été autorisée à créer un établissement d'accueil temporaire pour enfants handicapés, pour lequel le directeur général de l'Agence régionale de santé a fixé un forfait global de soins, elle ne dispose toutefois pas d'autorisation pour les lieux de vie pour jeunes autistes et psychotiques, dans lesquels est accueilli le mineur en vertu des décisions du juge des enfants. Par suite, la structure qui n'a pas été autorisée ne peut être regardée comme un établissement ou service mentionné au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. D'autre part, l'association fait valoir que la prise en charge des dépenses de soins incombait en tout état de cause au département du

Val-de-Marne au titre de l'aide sociale dès lors que ces frais n'ont pas été pris en charge par l'assurance maladie. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est au demeurant pas allégué, que les soins dont a bénéficié le mineur et dont l'association réclame le paiement n'étaient pas susceptibles d'être pris en charge par les régimes d'assurance maladie. L'association Ohalei Yaccov - Le silence des justes avait au demeurant sollicité à titre subsidiaire la condamnation de l'Agence Régionale de santé au versement de ces frais. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la prise en charge des frais de soins incombait au département du Val-de-Marne et non à l'assurance maladie.

En ce qui concerne le montant des dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite :

7. Pour déterminer le montant des sommes devant être mises à la charge du département du Val-de-Marne au titre du placement de l'enfant A... C... pour la période d'avril 2015 à juillet 2016, la Cour a, par arrêt du 23 avril 2019, ordonné un supplément d'instruction tendant à la production par l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes du détail des frais d'entretien, d'éducation et de conduite qu'elle a engagés et la production par le département du Val-de-Marne du détail, mois par mois, des sommes réglées à ce même titre au cours de la même période.

8. D'une part, l'association produit des extraits comptables des charges qu'elle exposées en 2015 et 2016 et évalue les dépenses exposées au titre de la période litigieuse pour le mineur à la somme de 393 608,15 euros correspondant à chaque poste de charges du compte de fonctionnement, divisé par l'activité annuelle de l'association et multiplié par le nombre de jours d'accueil de l'enfant. Toutefois, ces modalités d'évaluation qui prennent en compte l'ensemble des charges de l'association, y compris celles sans lien avec le placement de l'enfant, et qui calculent forfaitairement des dépenses afférentes en fonction du nombre de jours d'accueil, ne permettent pas de déterminer les seules dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite engagées effectivement pour le placement de l'enfant. D'autre part, ni la convention signée en 2019 entre l'association et le département de la Seine-Saint-Denis pour le cofinancement des jeunes relevant de la protection de l'enfance qui prévoit une dotation globale annuelle par place, ni les décisions de prise en charge financière concernant d'autres enfants qui mentionnent un prix globalisé à la journée ne permettent de préciser les sommes incombant au département. Par ailleurs, le département du Val-de-Marne fait valoir que le tribunal ne pouvait pour fixer le montant des dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite retenir la tarification au titre des années 2015 et 2016 établie par le conseil d'administration de l'association pour la prise en charge dans sa cellule d'urgence médicalisée pour enfants et adolescents autistes de Saint-Denis, en en retranchant le montant du forfait journalier de soins de 355,30 euros pour l'année 2015 et de 458,71 euros pour l'année 2016. Il résulte de l'instruction que le montant du forfait journalier de soins ainsi retenu par le tribunal correspond à celui de l'établissement d'accueil temporaire des handicapés, qui a été autorisé et non au lieu de vie dans lequel l'enfant a été accueilli. En ne produisant pas au dossier, en dépit d'un supplément d'instruction en ce sens, le détail des frais d'entretien, d'éducation et de conduite qu'elle a engagés entre les mois d'avril 2015 et juillet 2016 pour le placement de l'enfant A... C..., l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes n'établit pas le montant de 226 321,15 euros sollicité, après déduction des sommes déjà réglées par le département.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande. En revanche, le département du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun l'a condamné à verser à l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes une somme correspondant aux dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Val-de-Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes le versement de la somme que le département du Val-de-Marne demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Ohalei Yaacov - Le silences des justes est rejetée.

Article 2 : Le jugement n° 1609990 du 8 février 2018 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 3 : Les conclusions du département du Val-de-Marne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Ohalei Yaacov - Le silence des justes et au département du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., président de chambre,

- Mme Julliard, présidente assesseure,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2021.

Le rapporteur,

A-S MACHLe président,

M. B...Le greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé et au préfet du

Val-de-Marne en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA03334 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03334
Date de la décision : 09/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-02-02 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide sociale à l'enfance. Placement des mineurs.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : PARIENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-09;18pa03334 ?
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