Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il est légalement admissible et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de 24 mois.
Par un jugement n° 2014608/2-3, en date du 12 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2020, M. D..., représenté par Me Kante, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 11 septembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit en France depuis 2011 et y a tissé des liens amicaux et professionnels et elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de circonstances exceptionnelles ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne comporte aucune motivation propre ;
- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet des Hauts-de-Seine ne s'est pas expressément prononcé sur l'ensemble des conditions requises ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2020, le préfet des
Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M.D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant sri-lankais, né le 9 juin 1991, est entré en France en mai 2011 selon ses déclarations. Il a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de 24 mois. Il relève appel du jugement en date du 12 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, l'arrêté énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il indique, notamment, que M. D... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et est actuellement dépourvu de titre de séjour en cours de validité, que sa demande de titre de séjour a été rejetée par le préfet de Seine-Saint-Denis le 27 mars 2018, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de ce que l'arrêté est insuffisamment motivé ne peut ainsi qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en tout état de cause être écarté comme inopérant à l'encontre de la décision litigieuse portant obligation de quitter le territoire français.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
5. Si M. D... soutient qu'il est porté une atteinte excessive à son droit à mener une vie privée et familiale du fait de sa présence depuis 2011 sur le territoire français, les pièces justificatives qu'il verse au dossier ne permettent pas d'établir qu'il aurait tissé en France des liens amicaux d'une intensité telle que le préfet des Hauts-de-Seine aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale alors que, par ailleurs, il est célibataire, sans charge de famille en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au
Sri-Lanka, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 20 ans. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit en conséquence être écarté.
6. En quatrième lieu, les circonstances que M. D... vive en France depuis 2011, qu'il fasse preuve d'une volonté d'intégration, notamment sur le plan professionnel, ayant exercé durant quatre ans une activité salariée, ne suffisent pas à établir qu'en l'obligeant à quitter la France, le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
7. Si le requérant soutient pour la première fois dans sa requête d'appel qu'il encourt des risques prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne justifie pas de risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine. Ce moyen doit donc être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
8. En premier lieu, Mme A..., signataire de la décision attaquée bénéficiait, afin notamment de signer les décision interdisant le retour sur le territoire français, d'une délégation du préfet des Hauts de Seine en vertu d'un arrêté n° 2020-117 du 31 août 2020 publié le même jour au recueil des actes administratifs. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit donc être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
10. Il ressort des termes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter sans délai le territoire français une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie. Il résulte en outre des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité administrative prend en compte les circonstances humanitaires qu'un étranger peut faire valoir et qui peuvent justifier qu'elle ne prononce pas d'interdiction de retour à son encontre. Enfin, elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace, en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
11. En l'espèce, la décision attaquée vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le III de l'article L. 511-1 dont il fait application. Cet arrêté, qui fait obligation au requérant de quitter sans délai le territoire français, décrit sa situation personnelle et familiale avant d'en déduire que la mesure ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et ne méconnait pas l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique sa date alléguée d'arrivée en France et énonce que l'intéressé a déjà fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 27 mars 2018 à laquelle il ne s'est pas conformé. Enfin dès lors que le préfet ne retenait pas l'existence d'une menace à l'ordre public, il n'était pas tenu de l'indiquer. Dans ces conditions, la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de 24 mois est suffisamment motivée et ne méconnaît pas les dispositions du III de l'article L. 511-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles énoncées aux points 5 et 6 du présent arrêt, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2021.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA03331 2