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02/04/2021 | FRANCE | N°19PA02400

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 02 avril 2021, 19PA02400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2018 par laquelle le ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé contre les fiches individuelles d'évaluation 2015 et 2016 modifiées, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1818592/5-1 du 23 mai 2019, le magistrat désigné par le Prési

dent du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 17 octobre 2018 p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2018 par laquelle le ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé contre les fiches individuelles d'évaluation 2015 et 2016 modifiées, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1818592/5-1 du 23 mai 2019, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 17 octobre 2018 par laquelle le ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par M. E... contre ses fiches individuelles d'évaluation 2015 et 2016 modifiées, a enjoint au ministre de lui attribuer une nouvelle notation annuelle pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, dans les trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de L'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2019, le ministre des armées demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de M. E... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute de notification aux parties des avis d'audience ;

- c'est à tort que le premier juge a accueilli le moyen tiré du vice de procédure devant la commission de recours des militaires car M. E... avait bien reçu les observations de l'administration ;

- les autres moyens présentés par M. E... devant le Tribunal administratif de Paris, examinés par la Cour par la voie de l'évocation, sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2021, M. E..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour de constater l'inexécution du jugement attaqué et de prononcer, en conséquence, une astreinte de 150 euros par jour jusqu'à l'exécution du jugement ; il demande, enfin, qu'une somme de

3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre des armées sont infondés ;

- le jugement litigieux n'étant toujours pas exécuté, il est fondé de demander à la Cour d'en constater l'inexécution et de prononcer, en conséquence, une astreinte de 150 euros par jour jusqu'à l'exécution du jugement.

Par une ordonnance du 3 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

24 février 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code de la défense,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... pour M. E....

Une note en délibéré, enregistrée le 29 mars 2021, a été présentée pour M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ingénieur en chef de l'armement affecté, depuis le 1er septembre 2012, en qualité d'autorité signataire de marchés au service centralisé des achats de la direction des opérations au sein de la direction générale de l'armement (DGA) du ministère de la défense a saisi, le 19 avril 2018, la commission des recours des militaires d'un recours administratif préalable dirigé contre ses fiches individuelles d'évaluation au titre des années 2015 et 2016. Par une décision en date du 17 octobre 2018, le ministre des armées a rejeté explicitement son recours. M. E... a alors demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler cette décision et d'enjoindre au ministre des armées de procéder à de nouvelles évaluations au titre de ces deux années. Par un jugement du 23 mai 2019, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 17 octobre 2018 du ministre des armées, lui a enjoint d'attribuer une nouvelle notation annuelle à M. E... pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, dans les trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de L'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le ministre des armées relève appel de ce jugement alors que

M. E... présente des conclusions incidentes tendant à ce que la Cour constate l'inexécution de ce même jugement et prononce, en conséquence, une astreinte de 150 euros par jour jusqu'à l'exécution du jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le ministre des armées n'avait pas reçu l'avis d'audience relatif à cette affaire en méconnaissance des dispositions des articles R. 711-2 et R. 711-2-1 du code de justice administrative. Le ministre des armées est donc fondé à soutenir que, pour ce motif, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de

M. E... devant le Tribunal administratif de Paris et sur ses conclusions d'appel.

Sur la procedure devant la commission des recours des militaires:

4. Aux termes de l'article R. 4125-8 du code de la défense : " La procédure d'instruction des recours est écrite. La commission ne peut statuer qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites. Si elle l'estime nécessaire, la commission peut convoquer l'intéressé. Lors de son audition, ce dernier peut se faire assister d'un militaire de son choix en position d'activité, à l'exclusion de toute autre personne. Les membres de la commission ainsi que les rapporteurs procèdent à toute mesure utile à l'examen des recours. ". Il résulte de ces dispositions que l'auteur d'un recours préalable obligatoire doit se voir communiquer les observations produites par l'administration devant la commission des recours des militaires afin d'être à même d'y répliquer.

5. Pour annuler les fiches d'évaluation contestées le premier juge s'est fondé sur la circonstance que l'administration n'ayant pas répondu à la mise en demeure de produire un mémoire en défense qui lui avait été adressée, elle devait être regardé comme ayant acquiescé aux faits allégués. Il en a déduit que la procédure devant la commission des recours des militaires était irrégulière faute pour M. E... d'avoir été mis en mesure de répliquer aux observations de l'administration dès lors qu'elles ne lui ont pas été communiquées. Or, le ministre des armées produit, à l'appui de la présente requête d'appel, le courrier du 2 juillet 2018 par lequel la commission lui a bien communiqué les éléments de réponse de son service gestionnaire et l'invitant à présenter ses observations dans un délai de dix jours. M. E... n'est donc pas fondé à soutenir que la procédure devant la commission des recours des militaires était entachée d'un vice de procédure substantiel.

Sur les fiches d'évaluation 2015 et 2016 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 4135-1 du code de la défense : " La notation est une évaluation par l'autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l'immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé ". Aux termes de l'article R. 4135-6 du même code : " Les notes et appréciations sont communiquées au militaire lors d'un entretien avec le premier notateur ou le notateur unique (...). Le militaire peut porter ses observations sur le formulaire de notation dans un délai de huit jours francs à compter de cet entretien. / Le militaire prend connaissance de l'ensemble de la notation lorsqu'elle a été arrêtée par l'autorité notant en dernier ressort, au plus tard : / 1° Avant le début des travaux de notation de l'année suivante (...) ; / 2° Avant le début des travaux de la commission d'avancement de son grade pour l'année à venir, si le militaire concourt pour un avancement au choix. / Chaque communication de notation est attestée par la signature de l'intéressé sur le formulaire portant sa notation, dont une copie lui est systématiquement remise ; ce formulaire est classé au dossier de l'intéressé ". Il résulte de ces dispositions que le formulaire de notation qui est communiqué au militaire et sur lequel il peut porter ses observations doit notamment comporter une évaluation par l'autorité hiérarchique de son aptitude à tenir ultérieurement des emplois plus élevés que celui qu'il occupe.

7. Il ressort des pièces du dossier que les deux fiches d'évaluation litigieuses ont respecté l'ensemble des formes prévues par les dispositions citées au point 6 du code de la défense. En particulier, s'agissant du potentiel de carrière, ces fiches comportent une évaluation circonstanciée de l'autorité hiérarchique de l'aptitude de l'intéressé à occuper des emplois de niveau supérieur. Ce moyen doit donc être écarté.

8. En second lieu, il ressort des termes des fiches individuelles d'évaluation 2015 et 2016 que si les compétences techniques et juridiques de M. E... sont reconnues par sa hiérarchie, celle-ci relève également qu'il doit développer ses compétences dans le domaine du management d'équipe, des ressources humaines et de la communication pour pouvoir prétendre à un poste de direction au sein de la direction générale de l'armement. Si M. E... conteste cet élément de cette évaluation, il se borne à des allégations générales et n'établit donc pas que ces fiches d'évaluation seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation de sa valeur professionnelle . Ce moyen doit donc également être écarté et les conclusions à fin d'annulation des fiches individuelles d'évaluation 2015 et 2016 rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. E... doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'appel incident présentées par M. E... :

10. Si M. E... demande à la Cour de constater l'inexécution du jugement attaqué et de prononcer, en conséquence, une astreinte de 150 euros par jour jusqu'à l'exécution de ce jugement, ce dernier est annulé par le présent arrêt, comme il a été dit au point 2 . Dès lors, en tout état de cause, ses conclusions sont dépourvues d'objet et doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées par M. E... et tendant à l'application de l'article L . 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme quelconque à M. E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1818592/5-1 en date du 23 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de M. E... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel incident ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. C... E....

Délibéré après l'audience du 19 mars 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2021.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02400 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02400
Date de la décision : 02/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : D4 AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-02;19pa02400 ?
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