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31/03/2021 | FRANCE | N°19PA01284

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 31 mars 2021, 19PA01284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits et pénalités, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, d'autre part, de l'amende mise à sa charge au titre des années 2012 et 2013 en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts.

Par un jugement nos 1715643, 1715644/1-3 du 13 février

2019, le Tribunal administratif de Paris a joint les deux requêtes, réduit les cotis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits et pénalités, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, d'autre part, de l'amende mise à sa charge au titre des années 2012 et 2013 en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts.

Par un jugement nos 1715643, 1715644/1-3 du 13 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a joint les deux requêtes, réduit les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre de 2012, à concurrence d'une réduction à 522 394 euros de la base imposable avant application du coefficient prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts, déchargé M. B..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2013, et rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 avril 2019, 5 août 2019, 13 décembre 2019, 23 décembre 2019 et 3 mars 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1715643, 1715644/1-3 du 13 février 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige, en droits et pénalités, et de l'amende mise à sa charge au titre des années 2012 et 2013 en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts ;

3°) d'ordonner à l'administration de produire les originaux des pièces détenues par l'autorité judiciaire dont elle a versé des copies au cours de la procédure d'imposition ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le Tribunal a soulevé un moyen d'ordre public relatif à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales qu'il n'a pas repris dans son jugement et auquel il n'a pas répondu ;

- le Tribunal a omis de répondre aux moyens tirés de ce que l'administration n'apporte aucune preuve concrète permettant de le relier à la société Dib Solutions et de l'imposer sur le fondement de l'article 123 bis du code général des impôts, et de ce qu'il a produit une expertise selon laquelle il n'a pas signé le seul document servant de preuve à l'administration ;

- le Tribunal n'a pas suffisamment motivé en fait son jugement ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs en retenant que le contrôle ne portait que sur 2012 et 2013 tout en confirmant l'application du délai spécial de reprise à 2011 ;

- il ne revenait pas au Tribunal de corriger l'erreur de l'administration en imposant au titre de 2012 les bénéfices de 2012 initialement retenus au titre de 2013 ;

- le moyen soulevé en première instance tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'est pas mentionné dans les motifs du jugement ;

- la présentation par le vérificateur, pour la première fois, 7 jours avant la proposition de rectification, du chef de redressement finalement retenu viole la garantie du dialogue oral et contradictoire et est contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le service a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne lui communiquant que partiellement les documents demandés ;

- l'administration a fait une application erronée du 3 de l'article 123 bis du code général des impôts en imposant en 2012 et 2013 des bénéfices dégagés respectivement en 2011 et 2012 ;

- l'année 2011 a fait l'objet d'un contrôle alors qu'elle n'était pas visée par l'avis d'ESFP et que le droit de reprise au titre de cette année était prescrit, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal en commettant une erreur de droit ;

- la preuve de ce qu'il est le bénéficiaire économique de la société Dib Solutions n'est pas apportée, dès lors notamment que la signature apposée au bas d'un document, invoquée par l'administration au soutien de son argumentation, n'est pas la sienne ainsi qu'il résulte d'un rapport d'expertise du 23 janvier 2018 qu'il produit ;

- la proposition de rectification n'est dès lors pas suffisamment motivée ;

- le faisceau d'indices retenu ne laisse aucune place à la présomption d'innocence en méconnaissance de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- un autre contribuable a été imposé au titre de 2012 à raison de trois des factures, d'un montant total de 39 000 euros, ayant constitué le revenu imposable litigieux au titre de 2012, caractérisant une double imposition, et alors que les sommes constituaient une charge et non un revenu ;

- la majoration pour manoeuvres frauduleuses n'est pas fondée ;

- l'amende appliquée au titre de 2012 et 2013 en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts n'est pas fondée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 juin 2019, 11 décembre 2019 et 2 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant M. B....

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 17 mars 2021.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle, conclu par une proposition de rectification du 18 décembre 2015, M. B... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012 et 2013, ainsi qu'à des majorations correspondantes pour manoeuvres frauduleuses, et des amendes lui ont été infligées au titre des mêmes années sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts. M. B... fait appel du jugement du 13 février 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris, qui a réduit les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre de 2012 à concurrence d'une réduction à 522 394 euros de la base imposable, et déchargé M. B..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2013, a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort du dossier de première instance que les premiers juges n'ont ni soulevé d'office un moyen d'ordre public, ni informé les parties qu'ils étaient susceptibles de le faire. La circonstance que le greffe du Tribunal ait, le 19 novembre 2018, communiqué aux parties leurs derniers mémoires respectifs par une lettre portant pour intitulé " communication réponse à un moyen d'ordre public " est à cet égard sans incidence. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges n'ont, à tort, pas répondu au moyen d'ordre public qu'ils ont soulevé est, en tout état de cause, inopérant, le juge administratif n'étant au demeurant pas tenu de répondre à un moyen qu'il a annoncé aux parties être susceptible de soulever.

3. En deuxième lieu, M. B... soutient que le Tribunal a omis de statuer sur ses moyens tirés de ce que l'administration n'apporte aucune preuve concrète permettant de le relier à la société Dib Solutions Ltd et de l'imposer sur le fondement de l'article 123 bis du code général des impôts, et de ce qu'il a produit un rapport d'expertise selon lequel il n'aurait pas signé les pièces invoquées par l'administration. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments du requérant, ont répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts, en se prononçant notamment sur sa critique de l'authenticité des pièces retenues par l'administration. Le moyen doit dès lors, en tout état de cause, être écarté dans ses deux branches.

4. En troisième lieu, si M. B... soutient que le moyen qu'il a soulevé en première instance, tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, n'est pas mentionné dans les motifs du jugement, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont écarté ce moyen en répondant notamment que l'administration lui avait adressé, sur sa demande, avant la mise en recouvrement des impositions en litige, copie de l'ensemble des documents mentionnés dans la proposition de rectification. Le moyen tiré de l'omission à statuer doit donc être écarté.

5. En quatrième lieu, si le requérant soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, un tel moyen porte sur le bien-fondé du jugement et non sur sa régularité.

6. Il ressort, enfin, du jugement attaqué que les premiers juges ont considéré que l'administration avait à tort déterminé la base imposable de M. B... à partir des bénéfices réalisés l'année précédente par la société Dib Solutions Ltd, alors qu'ils ne pouvaient être réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de cette société en vertu du 3 de l'article 123 bis du code général des impôts, dès lors que celle-ci est gérée par un trust qui n'a pas d'exercice comptable, et que ne pouvaient être retenus, dès lors, que les bénéfices réalisés par la société au cours de la même année. Le Tribunal a, par suite, notamment réduit la base imposable litigieuse de M. B... au titre de 2012 aux bénéfices réalisés par la société Dib Solutions Ltd en 2012, qui avaient été retenus par le service, dans la proposition de rectification du 18 décembre 2015, pour fonder l'imposition au titre de l'année 2013. Si le requérant soutient qu'il n'entrait pas dans l'office du Tribunal de procéder à cette correction au bénéfice de l'administration, et qu'il aurait dû en conséquence être déchargé de la totalité des impositions litigieuses, d'une part, les premiers juges se sont ainsi bornés à mettre en oeuvre les dispositions du 3 de l'article 123 bis du code général relatives aux modalités de calcul de l'imposition, dont la base légale et les motifs demeuraient ceux qu'avaient retenus le service dans la proposition de rectification, et d'autre part, en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que l'administration en avait fait la demande, à titre subsidiaire, dans son mémoire enregistré le 19 février 2018, communiqué au requérant, qui n'a ainsi été privé d'aucune garantie. Le moyen doit, dès lors, être écarté.

Sur le bien fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

7. En premier lieu, M. B... n'apportant, en appel, aucun élément de fait ou de droit nouveau au soutien du moyen tiré de ce que le service aurait méconnu la garantie du débat oral et contradictoire, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 3 à 6 du jugement attaqué, alors, en outre, que le délai séparant le dernier entretien de la proposition de rectification était de 15 et non 7 jours. Le moyen tiré par les mêmes motifs de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également, pour les mêmes motifs adoptés, être en tout état de cause écarté.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 18 décembre 2015 indique les années concernées, 2012 et 2013, les dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts dont il est fait application et les motifs pour lesquels le service a considéré que M. B... était le bénéficiaire de la totalité des droits de la société Dib Solutions Ltd établie aux Iles Vierges britanniques, motifs tirés des éléments issus du droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire, et ne se résumant pas, contrairement à ce que le requérant soutient, à sa signature apposée sur un document. La proposition de rectification doit dès lors être regardée comme suffisamment motivée, et le moyen doit être écarté.

9. En troisième lieu, enfin, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. "

10. Il ressort de la proposition de rectification du 18 novembre 2015 que l'administration a informé M. B... de la teneur et l'origine des renseignements et documents obtenus de l'administration judiciaire sur lesquelles elle s'est fondée pour établir l'imposition litigieuse. Dans ses observations du 24 février 2016, M. B..., a demandé " la communication de l'ensemble des pièces mentionnées " dans la proposition de rectification sur lesquelles le service se fondait pour la rectification, " ainsi que de toute autre information ou document " dont le service aurait eu connaissance dans le cadre du droit de communication et qui aurait contribué à fonder les rectifications. Par sa réponse aux observations du contribuable, datée du 26 juin 2016, le service a communiqué l'ensemble des pièces mentionnées dans la proposition de rectification. Si le requérant soutient que l'administration ne lui a pas communiqué des pièces auxquelles elle s'est référée postérieurement à la proposition de rectification, notamment des documents relatifs à des comptes bancaires, des relevés de carte bancaire sur lesquels apparaissent des dépenses personnelles ainsi que trois factures, M. B... ne peut être regardé comme en ayant sollicité la communication par la demande générale formulée antérieurement au 26 juin 2016 et visant sans aucune précision " toute autre information ou document ". Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

11. En premier lieu, si le requérant soutient encore en appel, d'une part, que l'année 2011 était prescrite en vertu des dispositions applicables de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales et que les bénéfices réalisés par Dib Solutions Ltd cette année-là ne pouvaient en tout état de cause fonder l'imposition, d'autre part, que l'administration a fait une application erronée du 3 de l'article 123 bis du code général des impôts en imposant en 2012 et 2013 des bénéfices dégagés respectivement en 2011 et 2012, il est constant que les impositions restant en litige, au titre de 2012, ont pour seule origine les bénéfices réalisés par la société en cause en 2012. Les moyens doivent donc être écartés comme inopérants.

12. En deuxième lieu, si le requérant soutient que le faisceau d'indices retenu par le service pour établir l'imposition méconnaît les dispositions de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel " tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ", le moyen n'est, en tout état de cause, pas utilement soulevé à l'appui de la contestation du bien-fondé de l'imposition dès lors que ces dispositions ne s'appliquent qu'en matière répressive, et doit être écarté comme inopérant.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 123 bis du code général des impôts : " 1. Lorsqu'une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique-personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable-établie ou constituée hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette entité juridique sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants.(...). 3. Les bénéfices ou les revenus positifs mentionnés au 1 sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de l'entité juridique établie ou constituée hors de France ou, en l'absence d'exercice clos au cours d'une année, le 31 décembre. Ils sont déterminés selon les règles fixées par le présent code comme si l'entité juridique était imposable à l'impôt sur les sociétés en France (...). " Aux termes de l'article 238 A du même code : " les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. "

14. Il résulte de l'instruction qu'à la suite du droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire les 10 et 28 avril 2014, le service, se fondant sur les copies de pièces transmises par cette autorité et communiquées au contribuable, dont l'authenticité n'est pas utilement contestée, a constaté que la société Dib Solutions Ltd, établie à Tortola, aux Iles Vierges britanniques, a été créée le 23 juin 2010, par l'entremise de la société Mossack Fonseca, qui a confié sa direction à la société Laurence Pountney Ltd, que le même jour a été effectuée, au profit de la société Laurence Pountney Ltd, une déclaration de trust où M. D... B..., né le 22 septembre 1984, apparaît comme le propriétaire à 100 % des titres de Dib Solutions Ltd, que des procurations générales ont été établies le 23 juin 2010, le 27 juin 2011 et le 14 juin 2012, par Dib Solutions Ltd, par l'entremise de Mossack Fonseca, au profit de M. B..., afin de lui conférer des pouvoirs d'administration, notamment à fin de créer un compte bancaire, et qu'enfin M. B... détient depuis le 29 juin 2010, via la société Dib Solutions Ltd, un compte bancaire n° LV25 RTMB 0000614806876 à la banque Rietumu Banka en Lettonie, sur lequel apparaissent notamment d'important crédits en 2011 et 2012, et à l'ouverture duquel ont été enregistrées la signature de M. B... et une copie de son passeport. L'administration en a conclu que M. B..., dont il est constant qu'il était domicilié en France, détenait 100 % des titres de la société Dib Solutions Ltd établie aux Iles Vierges britanniques où elle était soumise à un régime fiscal privilégié.

15. Pour contester ce faisceau d'indices, le requérant, qui allègue sans commencement de preuve avoir fait l'objet d'une machination, se borne à contester l'authenticité de sa signature enregistrée à l'ouverture du compte bancaire letton, et des documents issus de la procédure judiciaire impliquant des tiers attestant de celle-ci. D'une part, il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise graphologique du 23 janvier 2018 produit par le requérant, que si, d'après son auteur, " les signatures apposées sur ce document émanant de la Banque Rietumu Banka en date du 29 juin 2010 n'ont pas été tracées par la main de M. D... B... ", c'est par comparaison avec seulement quatre documents antérieurs portant sa signature, qui lui ont été soumis par M. B..., et " avec les réserves habituelles ". Au demeurant, le requérant n'allègue pas avoir déposé de plainte pour faux visant ces signatures, ni d'ailleurs pour usurpation d'identité, à raison de la copie de son passeport ainsi qu'à l'égard de l'ensemble des occurrences de son nom dans les pièces communiquées par l'autorité judiciaire, notamment la déclaration de trust où il apparaît comme détenteur de la totalité des parts de Dib Solutions Ltd, et ne justifie pas des motifs pour lesquels il n'a pas déposé de telles plaintes. D'autre part, s'il ressort d'un document relatif au spécimen de signature de M. B... que Me C..., avocat à Paris, a certifié que la signature avait été apposée par M. B..., qui lui avait présenté son passeport à cette occasion, et si le requérant produit une attestation du 24 juillet 2019 de Me David C..., avocat à Paris, certifiant qu'il ne connaît ni n'a jamais rencontré M. D... B... et qu'il n'a jamais certifié ses documents d'identité, d'une part cet avocat n'allègue pas plus avoir déposé plainte pour faux et usurpation d'identité et de titre, d'autre part, et en tout état de cause, ces circonstances, relatives au seul attestant, sont sans incidence sur l'existence de la signature de M. B..., et a fortiori de l'ensemble des occurrences de l'identité de M. B..., dans les documents communiqués par l'autorité judiciaire. Le requérant produit également une attestation du 20 décembre 2019 du conseiller aux affaires déontologiques du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, qui a relevé un certain nombre d'incohérences lui permettant de " douter très fortement " de l'authenticité d'un document du 29 juin 2010 par lequel le bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour de Paris certifie à son tour la signature de Me C..., et un courrier du 2 mars 2020 d'un magistrat du ministère public près la cour d'appel de Paris, selon lequel l'apostille du 29 juin 2010, signée par l'avocat général, attestant quant à elle la signature du bâtonnier, présente un numéro suspect au regard de la numérotation suivie au cours d'années ultérieures, et ne met pas en oeuvre les précautions particulières visant à relier une apostille établie sur page blanche au document certifié. S'il ressort de ces diverses pièces que l'authenticité des documents visant à certifier la signature de M. B... à l'occasion de l'ouverture du compte auprès de la banque Rietumu en Lettonie peut être mise en doute, cette circonstance est à elle seule sans incidence sur le caractère probant de l'ensemble des pièces, dont la teneur n'est pas contestée utilement, désignant de manière convergente M. B... dans la création, la direction et le bénéfice de la société Dib Solutions Ltd.

16. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que M. B... est à l'origine de la création de la société Dib Solutions Ltd établie aux Iles Vierges britanniques, qu'il en était l'unique bénéficiaire économique, et avait la disposition exclusive du compte bancaire ouvert à la banque lettone Rietumu. L'administration était dès lors fondée à imposer entre ses mains les bénéfices apparaissant sur ce compte comme des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l'article 123 bis précité du code général des impôts.

17. En dernier lieu, les revenus de capitaux mobiliers imposés entre les mains de M. B... au titre de l'année 2012 sont constitués des bénéfices réalisés en 2012 par la société Dib Solutions Ltd, s'élevant, d'après les crédits et débits figurant sur les relevés bancaires, à 522 394 euros. Le requérant se borne à contester la prise en compte, comme produit au sein de ce montant, de la somme totale de 39 000 euros, qui correspondrait à trois factures, en soutenant, d'une part, que ces sommes constituaient en réalité des charges, et d'autre part, qu'elles ont déjà été imposées entre les mains de M. A..., qui n'a pas contesté les impôts mis à sa charge à ce titre, et feraient ainsi l'objet d'une double imposition. Toutefois, il résulte de l'instruction que les sommes en cause ont été créditées sur le compte bancaire de la société Dib Solutions Ltd en 2012. Par ailleurs, M. B... n'a pas été imposé deux fois à raison de ces sommes, la circonstance invoquée, au demeurant non établie, qu'un tiers aurait été imposé à raison des mêmes montants ne caractérisant pas une double imposition. C'est par suite à bon droit que M. B... a été imposé au titre de 2012 à raison de la somme de 522 394 euros, avant application du coefficient de 1,25 prévu par le 7 de l'article 158 du code général des impôts.

Sur les pénalités :

18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...). ".

19. Il ressort de ce qui a été jugé au point 16 du présent arrêt que M. B... a créé en 2010 une société établie dans un Etat à régime fiscal privilégié dont il était le bénéficiaire unique à travers un trust, que cette société disposait d'un compte bancaire dans une banque lettone sur lequel ont été créditées des sommes constituant un bénéfice de 522 394 euros en 2012, et que l'administration n'en a eu connaissance que par l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire. M. B... a ainsi mis en oeuvre un procédé visant à égarer l'administration dans son pouvoir de contrôle caractérisant des manoeuvres frauduleuses, que l'administration était dès lors fondée à sanctionner par l'application de la pénalité de 80 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

20. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts : " Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret (...) ". Aux termes de l'article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : " (...) IV. Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A (...) sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte ou avance non déclaré. "

21. Il ressort de ce qui a été jugé au point 16 du présent arrêt que M. B... avait la disposition d'un compte ouvert à l'étranger dans la banque lettone Rietumu qu'il a utilisé en 2011 et 2012 et n'a pas déclaré en même temps que ses revenus perçus au titre de ces années. L'administration était dès lors fondée à lui infliger une amende de 1 500 euros au titre de 2012 et 2013.

22. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin, en tout état de cause, d'ordonner à l'administration de produire les originaux des pièces détenues par la seule autorité judiciaire dont les copies lui ont été communiquées, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 16 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, président,

- M. F..., premier conseiller,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.

Le rapporteur,

A. F...Le président,

P. HAMON

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01284
Date de la décision : 31/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Questions communes. Personnes imposables.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SELARL H AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-31;19pa01284 ?
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