La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2021 | FRANCE | N°19PA00828-19PA00838

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 mars 2021, 19PA00828-19PA00838


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la présidente du conseil régional d'Ile-de-France aurait rejeté sa demande de protection fonctionnelle en date du 28 février 2017 et de condamner la région Ile-de-France à lui verser la somme de 9 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de ce refus.

Par un jugement n° 1713611/2-1 du 21 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
r>Procédure devant la Cour :

I- Par une requête, enregistrée le 22 février 2019 sous ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la présidente du conseil régional d'Ile-de-France aurait rejeté sa demande de protection fonctionnelle en date du 28 février 2017 et de condamner la région Ile-de-France à lui verser la somme de 9 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de ce refus.

Par un jugement n° 1713611/2-1 du 21 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête, enregistrée le 22 février 2019 sous le n° 19PA00828, M. F..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre à la présidente du conseil régional d'Ile-de-France de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 9 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont il estime avoir été victime ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de la prise en charge des frais d'avocat et de procédure de la victime dans le cadre de la protection fonctionnelle ou, à défaut, de lui verser la même somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a fait l'objet, à compter de mai 2013, de la part de sa hiérarchie, d'agissements répétés ayant consisté à le placer dans des conditions de travail indignes, à le priver de toute mission sérieuse correspondant à ses compétences, à le maintenir dans une situation d'isolement professionnel et à s'abstenir de l'évaluer, qui ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail, une atteinte à sa dignité ainsi qu'une altération de sa santé physique et mentale ;

- ces agissements malveillants sont constitutifs d'un harcèlement moral et auraient dû conduire la région Ile-de-France à lui accorder la protection fonctionnelle, en application du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation au regard des 6° et 8° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- son recours gracieux du 23 juin 2017 doit être regardé comme une demande implicite de communication des motifs de la décision attaquée ;

- l'absence de réaction de sa hiérarchie au regard des agissements précités, dont elle était informée, ainsi que le refus d'octroi de la protection fonctionnelle, qui ne repose pas sur un motif d'intérêt général et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, sont fautifs et de nature à engager la responsabilité de la région Ile-de-France ;

- sa demande indemnitaire est recevable dès lors que l'existence d'une demande préalable résultait explicitement, d'une part, de l'objet indiqué dans sa lettre du 28 février 2017 ainsi que du contenu de celle-ci et, d'autre part, de l'objet indiqué dans son recours gracieux du 23 juin 2017 ;

- l'existence de cette demande préalable résulte en outre des motifs du jugement attaqué ;

- son préjudice doit être évalué à la somme de 9 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2020, la région Ile-de-France, représentée par la SELARL Parme Avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. F... de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires du requérant sont irrecevables en l'absence d'une demande indemnitaire préalablement formée devant elle ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Une note en délibéré, présentée pour la région Ile-de-France, a été enregistrée le 16 mars 2021.

II- Par une requête, enregistrée le 22 février 2019 sous le n° 19PA00838, M. F..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1713611/2-1 du Tribunal administratif de Paris du 21 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la présidente du conseil régional

d'Ile-de-France aurait rejeté sa demande de protection fonctionnelle en date du 28 février 2017 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'il aurait formé par lettre du 23 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre à la présidente du conseil régional d'Ile-de-France de procéder au réexamen de sa demande de protection fonctionnelle dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées, par communication du 27 janvier 2021, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. F... tendant à l'annulation de la prétendue décision implicite par laquelle la présidente du conseil régional d'Ile-de-France aurait rejeté sa demande de protection fonctionnelle en date du 28 février 2017.

Une lettre d'observations en réponse au moyen relevé d'office a été enregistrée le 3 février 2021 pour M. F....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée,

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me Roussel, avocat du conseil régional d'Ile-de-France.

M. F..., présent, n'a pas présenté d'observations.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ingénieur en chef de la fonction publique territoriale entré au conseil régional d'Ile-de-France en 2003, a réintégré ce dernier à compter du 10 mai 2013, à la suite d'une période de détachement, en qualité d'ingénieur construction et maintenance au sein de la sous-direction territoriale sud-est de l'unité lycées. M. F... relève appel du jugement du 21 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle la présidente du conseil régional d'Ile-de-France aurait rejeté sa demande de protection fonctionnelle en date du 28 février 2017 et, d'autre part, à la condamnation de la région Ile-de-France à lui verser la somme de 9 000 euros en réparation des préjudices résultant du manquement fautif, selon lui, de cette collectivité à son obligation de protection.

En ce qui concerne la requête n° 19PA00838 :

2. Aux termes de l'article R. 811-13 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV ". Aux termes de l'article R. 411-6 du même code, faisant partie du livre IV intitulé "L'introduction de l'instance de premier ressort " : " Lorsque la requête est signée par un mandataire, les actes de procédure sont accomplis à son égard à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-1 à R. 751-4 (...) ".

3. Dans le cas où, au cours d'une même procédure, des mémoires sont présentés au nom d'une partie par des mandataires différents, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel doit, s'il y a doute sur l'identité du mandataire ayant seul qualité pour représenter cette partie, inviter celle-ci à la lui faire connaître.

4. Il ressort des pièces du dossier que par lettre en date du 20 mars 2019, la Cour a invité M. F... à lui faire connaître, dans un délai de quinze jours, le nom du mandataire qu'il entendait désigner comme interlocuteur de la juridiction. Par lettre du 21 mars 2019, M. F... a informé la juridiction de ce qu'il désignait Me C... en qualité de mandataire unique. Dès lors, le document enregistré sous le n° 19PA00838 constitue en réalité le double de la requête présentée par M. F... et enregistrée sous le n° 19PA00828. Ce document doit être rayé du registre du greffe de la Cour et joint à la requête n° 19PA00828, sur laquelle il est statué par le présent arrêt.

En ce qui concerne la requête n° 19PA00828 :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de la recevabilité de ces conclusions :

5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable issue du décret du 2 novembre 2016 susvisé : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Aux termes de l'article

R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête ".

6. D'une part, si M. F... soutient qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la région Ile-de-France sur une demande de protection fonctionnelle qu'il lui aurait adressée par lettre en date du 28 février 2017, il ne produit aucune pièce, notamment pas d'accusé de réception d'un courrier recommandé, de nature à établir l'existence du dépôt de cette demande à la région Ile-de-France. Par suite, et alors que cette dernière a déclaré, dans une lettre du 17 août 2017 adressée à M. F..., ne pas avoir reçu la lettre précitée du 28 février 2017, aucune décision implicite de rejet ne peut être regardée comme étant née du silence gardé par la présidente du conseil régional d'Ile-de-France sur une demande de protection fonctionnelle du 28 février 2017 dont l'existence n'est pas établie. Ainsi, les conclusions de M. F... tendant à l'annulation de cette prétendue décision implicite doivent être rejetées comme irrecevables.

7. D'autre part, il ressort des termes de la lettre en date du 23 juin 2017, qualifiée de façon erronée par M. F... de " recours administratif gracieux contre le rejet tacite de ma demande du 28 février 2017 ", que ce dernier doit être regardé comme ayant formé une demande de protection fonctionnelle à la région Ile-de-France, dès lors notamment que cette dernière, par sa lettre précitée du 17 août 2017, a accusé réception du courrier de M. F... à la date du 30 juin 2017. La région Ile-de-France a néanmoins informé le requérant, par cette même lettre du 17 août 2017, du caractère incomplet de sa demande et de la nécessité de produire des pièces complémentaires afin de l'instruire. Il résulte, en outre, des écritures en défense de la région

Ile-de-France elle-même, que le syndicat Synper ayant produit, par courriel du 3 septembre 2017, les pièces nécessaires à l'instruction de la demande de protection fonctionnelle de M. F..., une décision implicite de rejet de cette demande est née le 3 novembre 2017. Par suite, les conclusions de M. F... à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle doivent être regardées comme étant en réalité dirigées contre la décision du 3 novembre 2017.

Au fond :

8. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision : " I. - A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. / (...) IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". L'article 6 quinquiès de la même loi dispose que : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...) ".

9. D'une part, ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

10. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

11. M. F... soutient que depuis son retour de détachement en mai 2013 et son affectation au sein de la sous-direction territoriale sud-est de l'unité lycées du conseil régional d'Ile-de-France, il a subi l'hostilité constante de son supérieur hiérarchique M. I. Il fait valoir notamment qu'il a été placé dans une situation d'isolement géographique, seul dans une pièce servant de débarras, et qu'à compter du début 2016, une caméra de télésurveillance a été disposée devant cette pièce. Il soutient qu'il ne disposait pas de badge pour entrer dans le bâtiment où se trouvait son bureau ni de badge d'accès à la cantine. Il fait également valoir qu'il a été privé de toute mission professionnelle en adéquation avec ses compétences pendant quatre ans et n'a d'ailleurs pas été évalué au titre des années 2013, 2014 et 2015, ce qui a fait obstacle à son avancement au grade terminal de son cadre d'emploi. M. F... soutient en outre qu'il n'avait accès ni au photocopieur mis à disposition de tous les agents ni aux voitures de service, contrairement à ses collègues, qu'il n'était pas convoqué aux réunions de travail dès lors qu'il ne figurait ni sur la liste de diffusion du courriel électronique ni, de 2013 à 2017, sur le portail intranet du conseil régional d'Ile-de-France répertoriant l'ensemble des agents de cette collectivité et, en outre, qu'il n'était ni convié au repas de fin d'année organisé par sa hiérarchie ni ne figurait sur la liste de diffusion de la principale revue d'information hebdomadaire des collectivités territoriales distribuée à l'ensemble des agents. Enfin, M. F... soutient qu'après le départ en retraite de M. I. le 1er décembre 2014, les faits de harcèlement ont persisté à son encontre de la part de son successeur M. R. .

12. Il ressort des pièces du dossier qu'au soutien des éléments de fait mentionnés au point 11, M. F... produit notamment, d'une part, des échanges de courriels, des documents internes au service, des copies d'écran et des photographies relatifs aux faits susévoqués ainsi que des courriers adressés au président ou à la vice-présidente du conseil régional d'Ile-de-France, en date des 28 juin 2013, 30 août 2013, 29 mars 2014, 30 mars 2014, 9 août 2014, 15 février 2015, 18 mars 2015 et 9 juillet 2015, visant à alerter ces autorités sur ses conditions de travail et les faits de harcèlement invoqués, d'autre part, une lettre adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris en date du 18 juin 2015, dénonçant les faits de harcèlement dont il estime avoir été victime, ainsi qu'un procès-verbal d'audition par les services de police et de dépôt de plainte en date du 14 mars 2017 dans le cadre de cette affaire et, enfin, des courriers ou courriels du syndicat Synper adressés au président ou au directeur délégué au personnel et aux ressources humaines du conseil régional d'Ile-de-France, en date des 2 août 2015, 10 septembre 2015, 16 décembre 2015 et 3 septembre 2017, faisant état des faits de harcèlement moral exercés à son encontre. En outre, M. F... fait valoir que l'ensemble des agissements malveillants et répétés exercés à son encontre entre 2013 et 2017 a eu pour conséquence une atteinte à sa dignité et une forte altération de sa santé physique et mentale. Il produit à cet égard de nombreux arrêts de travail, notamment entre le 23 septembre 2015 et le 20 octobre 2017, dont un grand nombre font état d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel à un climat ou à une situation professionnels délétères, justifiant qu'il ait été placé sous traitement anxiolytique. Par suite, l'ensemble des faits mentionnés au point 11 caractérise une dégradation des conditions de travail et de l'état de santé de M. F... de nature à faire naître une présomption de harcèlement moral exercé à son encontre par la hiérarchie du conseil régional d'Ile-de-France.

13. En défense, si le conseil régional d'Ile-de-France fait valoir que les griefs invoqués par M. F... ne concerneraient que des faits imputables à M. I. et non à son successeur et invoque des difficultés relationnelles entre le requérant et l'autorité hiérarchique, le fait que M. F... ne souhaitait pas occuper le poste vacant à la sous-direction territoriale de l'unité lycées situé à Fontenay-sous-Bois, des dysfonctionnements administratifs ainsi que le manque d'implication de M. F... qui, associé à des absences à répétition, serait, selon elle, responsable de son oisiveté forcée, elle ne produit aucune argumentation précise de nature à justifier que les agissements dont fait état M. F..., en particulier son confinement dans des locaux inappropriés et l'absence de toute mission sérieuse correspondant à ses compétences pendant une période de quatre ans seraient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement.

14. Dans ces conditions, M. F... doit être regardé comme apportant un faisceau d'indices suffisamment probants pour permettre de considérer comme au moins plausible le harcèlement moral dont il s'est dit victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Par suite, c'est à tort que la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle qu'il sollicitait.

Sur les conclusions indemnitaires :

S'agissant de la fin de non-recevoir opposée par la région Ile-de-France :

15. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du CJA n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.

16. Si M. F... soutient qu'il a, par son courrier du 28 février 2017 précité relatif à une demande de protection fonctionnelle, demandé en outre la réparation du harcèlement moral dont il s'estime victime, l'existence du dépôt de cette demande à la région Ile-de-France n'est pas établie, ainsi qu'il a été dit au point 6. De plus, à supposer même que ce courrier du 28 février 2017 ait été reçu par la région Ile-de-France, il ne contient aucune demande tendant au versement d'une indemnité en réparation d'un préjudice. En outre, la lettre précitée de M. F... du 23 juin 2017, que la région Ile-de-France a reconnu, ainsi qu'il a été dit au point 7, avoir reçue le 30 juin 2017, qui se borne à indiquer, dans son objet, qu'elle " concerne ma demande de protection fonctionnelle pour faciliter la réparation du harcèlement moral dont je suis victime ", ne saurait davantage être regardée comme formalisant une réclamation indemnitaire préalable. Si M. F... fait valoir enfin qu'il a demandé en tout état de cause au Tribunal administratif de Paris la condamnation de la région Ile-de-France à lui verser la somme de 9 000 euros en réparation de son préjudice moral, une telle demande faite devant une juridiction ne saurait suppléer l'absence d'une décision, expresse ou implicite, prise par l'administration sur une demande formée devant elle et ayant lié le contentieux avant que le juge de première instance ne statue. Par suite, la région Ile-de-France est fondée à soutenir que les conclusions indemnitaires présentées par M. F... devant le Tribunal administratif de Paris, au demeurant dirigées à tort contre l'Etat, étaient, en l'absence de demande préalable, irrecevables, ainsi que l'avaient d'ailleurs relevé à bon droit les premiers juges au point 10 du jugement attaqué.

17. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

19. En premier lieu, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait à la date du présent arrêt, l'exécution de ce dernier implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que la présidente du conseil régional d'Ile-de-France fasse droit à la demande de protection fonctionnelle de M. F... concernant les faits mentionnés au point 11 du présent arrêt. Il y a lieu d'enjoindre à cette autorité d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification de celui-ci.

Sur les frais liés au litige :

20. En premier lieu, il n'incombe pas à la Cour de prononcer une condamnation au titre de la prise en charge des frais d'avocat et de procédure de la victime dans le cadre de la protection fonctionnelle. De telles conclusions ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

21. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. F..., qui n'est pas principalement partie perdante dans la présente instance, la somme que la région Ile-de-France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la région Ile-de-France, à l'encontre de laquelle doivent être regardées comme dirigées les conclusions de M. F... présentées sur le fondement de ces dispositions, le versement, à celui-ci, de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens de la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Les productions n° 19PA00838 seront rayées du registre du greffe de la Cour pour être jointes à la requête n° 19PA00828.

Article 2 : Le jugement n° 1713611/2-1 du Tribunal administratif de Paris du 21 décembre 2018, en tant qu'il rejette les conclusions de la requête de M. F... dirigées contre la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle ainsi que cette décision, sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint à la présidente du conseil régional d'Ile-de-France, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à M. F... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La région Ile-de-France versera à M. F... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la région Ile-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et à la présidente du conseil régional d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme Portes, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.

Le rapporteur,

P. B...

La présidente,

M. D... Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

Nos 19PA00828...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00828-19PA00838
Date de la décision : 31/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : FetB ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-31;19pa00828.19pa00838 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award