La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2021 | FRANCE | N°20PA03415

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 mars 2021, 20PA03415


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités belges en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2014975/8 du 13 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bén

éfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2014975/8 du 13 oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités belges en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2014975/8 du 13 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2014975/8 du 13 octobre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

3°) d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités belges en vue de l'examen de sa demande d'asile ;

4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, pendant cet examen, une attestation de demande d'asile ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors qu'il a été édicté après l'expiration du délai de six mois prévu par ce même article, la fuite n'étant pas caractérisée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, né le 20 mars 2000, a présenté le 22 juillet 2020 au guichet unique des demandeurs d'asile à Paris une demande de protection internationale. Par arrêté du 3 septembre 2020, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités belges en vue de l'examen de sa demande d'asile. M. B... relève appel du jugement du 13 octobre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence [...], l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 61 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédure non juridictionnelles : " (...) / L'admission provisoire est accordée par le président du bureau ou de la section ou le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué. "

3. M. B..., déjà représenté par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle compétent et n'a pas joint à son appel une telle demande. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". L'article 2 de ce règlement précise : " Aux fins du présent règlement, on entend par (...) n) " risque de fuite ", dans un cas individuel, l'existence de raisons, fondées sur des critères objectifs définis par la loi, de craindre la fuite d'un demandeur, un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui fait l'objet d'une procédure de transfert. ".

5. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen (...) ". Aux termes de l'article L. 742-5 du même code : " (...) La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ".

6. Il résulte des dispositions citées au point 4 que la notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.

7. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 26 novembre 2019, le préfet du Val-d'Oise a décidé le transfert de M. B... aux autorités belges pour l'examen de sa demande de protection internationale. Le délai de six mois prévu par les dispositions précitées a été interrompu par l'introduction, par M. B..., d'un recours ayant un effet suspensif contre cet arrêté. Un nouveau délai de six mois a recommencé à courir à compter du 27 décembre 2019, date à laquelle le préfet du Val-d'Oise doit être regardé comme ayant reçu notification du jugement du 27 décembre 2019 du Tribunal administratif de Limoges statuant sur le recours formé par M. B.... Les autorités belges ont été informées le 21 janvier 2020 de la prolongation du délai de transfert à dix-huit mois, soit jusqu'au 27 juin 2021, à raison de la fuite de M. B... conformément à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet de police, qui se borne à produire un document indiquant que l'intéressé a déclaré, lors de la notification de la mesure de transfert du préfet du Val-d'Oise, s'opposer à cette mesure de transfert ainsi que l'information faite aux autorités belges sur la prolongation du délai de transfert, n'allègue ni n'établit que M. B... se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à l'exécution de la mesure de transfert du 26 novembre 2019 le concernant. Par suite, M. B... est fondé à soutenir qu'il ne pouvait être regardé comme en fuite au sens de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013, faisant obstacle à ce que le délai dans lequel le transfert devait être opéré soit porté à dix-huit mois. En application de l'article 29 paragraphe 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, la France est devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B... à compter du 27 mai 2020. Le préfet de police ne pouvait dès lors, sans méconnaître les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, édicter à son encontre un nouvel arrêté de transfert aux autorités belges en vue de l'examen de sa demande d'asile le 3 septembre 2020.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

10. Il résulte de ce qui précède que les autorités françaises sont responsables de l'examen de la demande d'asile de M. B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'enregistrement de cette demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale.

Sur les frais liés au litige :

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. B... n'est pas admis provisoirement à l'aide juridictionnelle et n'a pas présenté de demande d'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : M. B... n'est pas admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement n° 2014975/8 du 13 octobre 2020 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 3 septembre 2020 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder à l'enregistrement de la demande d'asile de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 février 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2021.

Le rapporteur,

A-S. MACHLe président,

M. A...

Le greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

No 20PA03415


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03415
Date de la décision : 17/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : GONIDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-17;20pa03415 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award