Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 août 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1923612/6-3 du 23 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 24 août et le 9 septembre 2020, M. E..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler cet arrêté ;
4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", assorti d'une autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- la décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie résider depuis plus de dix ans en France et que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard des motifs exceptionnels dont il justifie ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale dès lors qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Un mémoire a été enregistré pour M. E... le 23 février 2021.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les observations de Me F..., en présence de M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E..., ressortissant sénégalais né le 20 février 1976 à Bembou (Sénégal), entré en France le 23 décembre 2008 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 août 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du 23 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 26 novembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis M. E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. M. E..., qui justifie résider en France de manière continue depuis l'année 2009, est le père d'une fille née en France le 23 décembre 2014 à Paris 19ème, issue de sa relation avec Mme A... G..., ressortissante sénégalaise titulaire d'une carte de résident à la date de la décision attaquée. M. E... fait valoir, sans être contredit, qu'il s'occupe pleinement de sa fille dont il assure quasiment seul l'entretien. Il produit à cet égard de nombreuses factures et tickets de caisse, datés de 2018 et 2019, indiquant qu'il a acheté du matériel et des vêtements pour l'enfant ainsi qu'une attestation de l'école maternelle où est scolarisée sa fille, datée du 4 juin 2019, dont il ressort que les parents accompagnent l'enfant à l'école et suivent activement sa scolarité. M. E... justifie également de la présence en France de trois frères ou demi-frères dont un est de nationalité française et les autres en situation régulière sur le territoire français. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué doit être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cet arrêté a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, l'exécution du présent arrêt implique que soit délivré à M. E... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de police de délivrer le titre de séjour sollicité par l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
9. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. E... au titre des frais d'instance non compris dans les dépens, sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. E....
Article 2 : Le jugement n° 1923612/6-3 du Tribunal administratif de Paris du 23 juillet 2020 et l'arrêté du préfet de police du 21 août 2019 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. E... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me F..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- M. D..., premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2021.
Le rapporteur,
P. D...Le président,
M. B...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02413