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17/03/2021 | FRANCE | N°19PA03099

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 mars 2021, 19PA03099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Metropolis a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 7 juin 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a adressé un avertissement à la discothèque " Metropolis - Le Loft ".

Par une ordonnance n° 1906504 du 19 août 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 octobre 2019 et 18 mars 2020, la société Metropolis, représentée par Me B..., demande

la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1906504 du 19 août 2019 par lequel le Tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Metropolis a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 7 juin 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a adressé un avertissement à la discothèque " Metropolis - Le Loft ".

Par une ordonnance n° 1906504 du 19 août 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 octobre 2019 et 18 mars 2020, la société Metropolis, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1906504 du 19 août 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire au Tribunal administratif de Melun ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 7 juin 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a adressé un avertissement à la discothèque " Metropolis - Le Loft " ;

4°) à titre subsidiaire, de mettre à la charge du préfet du Val-de-Marne le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avertissement est au nombre des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir eu égard à sa nature et à ses effets ;

- la décision méconnaît le principe du contradictoire dès lors qu'elle est fondée sur des éléments dont elle n'a pas eu connaissance ;

- les faits reprochés d'une alcoolisation excessive au sein de l'établissement et son imputabilité aux incidents ne sont pas établis ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'autorité de police à l'origine de la décision est partiale.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 février 2020 et 19 mai 2020, le préfet du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Metropolis ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 juillet 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., avocat de la société Metropolis.

Considérant ce qui suit :

1. La société Metropolis, exploitant une discothèque " Metropolis - Le Loft " sise rue du Pont des Halles à Rungis-Pondorly, a été informée par courrier du 15 avril 2019 de l'intention du préfet du Val-de-Marne de prendre un arrêté de fermeture du débit de boissons et l'a invitée à présenter des observations. Par courrier du 7 juin 2019, le préfet du Val-de-Marne lui a adressé un avertissement pour une alcoolisation excessive au sein de l'établissement ayant entraîné des violences volontaires et insultes ainsi que des rixes entre plusieurs individus. La société Metropolis relève appel de l'ordonnance du 19 août 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, comme manifestement irrecevable au motif que l'avertissement n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. / (...) / 5. Les mesures prises en application du présent article sont soumises aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration. (...) ".

3. L'avertissement prévu par cette disposition a pour objet, d'une part, d'informer l'exploitant d'un débit de boissons ou d'un restaurant qu'il a commis des infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements et, d'autre part, de l'inviter à produire des observations. Il constitue un préalable obligatoire au prononcé d'une mesure de fermeture de l'établissement prise sur le fondement des dispositions citées au point 2. Lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou d'une défaillance à laquelle il lui est aisé de remédier, l'avertissement se substitue alors à la mesure de fermeture. Dès lors, compte tenu des effets qu'il comporte sur la situation de l'exploitant et, notamment, des conséquences qu'il est susceptible d'entraîner pour ce dernier en cas de nouvelle infraction, l'avertissement présente alors le caractère d'une mesure faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Dès lors, la société Metropolis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le Tribunal administratif de Melun a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Par suite, l'ordonnance attaquée du 19 août 2019 est annulée.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Metropolis devant le Tribunal administratif de Melun.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. L'avertissement contesté a été prononcé à raison des faits de violences volontaires et insultes, de faits de rixes entre plusieurs individus qui sont dus à une alcoolisation excessive au sein de l'établissement. La société Metropolis conteste que les faits ainsi reprochés aient été commis par des clients de l'établissement et à raison d'une alcoolisation excessive qui lui serait imputable, et ce alors qu'un commerce ambulant installé à proximité génère des troubles à l'ordre public à raison d'une population souvent alcoolisée. Si le rapport du commissaire divisionnaire du

21 décembre 2018 fait état de l'intervention des services de police pour des rixes, violences volontaires ou comportements inappropriés dus à une consommation excessive d'alcool et mentionne l'ampleur des problèmes liés à l'alcoolisation de la clientèle de l'établissement, ce rapport et les mains courantes produites décrivent des faits commis entre août 2018 et décembre 2018 à la sortie de l'établissement ou à ses abords immédiats sans mentionner l'état d'alcoolémie des personnes impliquées et sans préciser la qualité de clients de l'établissement. Si la main courante du 8 décembre 2018 mentionne une personne sortant de la discothèque en ivresse publique et manifeste à 9 heures 45, la société Metropolis fait valoir sans être contestée que cette personne ne peut être regardée comme une cliente de l'établissement qui ferme à 6 heures. Si la main courante du 5 août 2018 mentionne des violences et insultes par un individu alcoolisé à la sortie de l'établissement, ce seul élément ne suffit pas à établir la réalité des faits reprochés de violences volontaires, insultes et rixes entre plusieurs individus imputables à une alcoolisation excessive au sein de l'établissement et à justifier une mesure d'avertissement.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Metropolis est fondée à demander l'annulation de la décision du

7 juin 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a adressé un avertissement à la discothèque " Metropolis - Le Loft ".

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Metropolis au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1906504 du 19 août 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la société Metropolis est annulée.

Article 2 : La décision du 7 juin 2019 du préfet du Val-de-Marne est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à la société Metropolis une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Metropolis et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 26 février 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2021.

Le rapporteur,

A-S MACHLe président,

M. A...Le greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA03099

N° 19PA03099 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03099
Date de la décision : 17/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-01-05-02-01 Actes législatifs et administratifs. Différentes catégories d'actes. Actes administratifs - notion. Actes à caractère de décision. Actes présentant ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : VARAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-17;19pa03099 ?
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