Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de vingt-sept millions d'euros, augmentée des intérêts de retard, en exécution d'un accord transactionnel conclu le 28 juin 2013 avec l'Etat.
Par un jugement n° 1714422/3-1 du 18 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, des mémoires et des pièces complémentaires, enregistrés les 16 juin 2018, 24 août 2018, 17 novembre 2020, 19 janvier 2021, 22 janvier 2021 et 19 février 2021, la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1714422/3-1 du 18 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de vingt-sept millions d'euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2013, en exécution d'un accord transactionnel conclu le 28 juin 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'existence et le contenu du protocole d'accord transactionnel sont démontrés par les correspondances émanant du ministère de l'économie ;
- le protocole a été exécuté au bénéfice de M. B..., associé du cabinet C...-B..., ainsi que d'autres personnes non identifiées ;
- elle a droit au versement de la somme arrêtée à son profit dans le cadre de la transaction que l'Etat refuse d'exécuter.
Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 24 octobre 2018 et 12 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle méconnaît l'article R. 414-3 du code de justice administrative, qu'elle n'a pas été précédée d'une demande indemnitaire préalable, qu'elle ne précise pas le fondement juridique d'engagement de la responsabilité de l'Etat ;
- les moyens soulevés par la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna ne sont pas fondés.
M. C... a présenté des observations et des pièces, enregistrées les 23 juillet 2018, 10 septembre 2018, 2 décembre 2020 et 3 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me Zeller, avocat de la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna et de M. C....
Une note en délibéré, enregistrée le 16 mars 2021, présentée par Me D... pour la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna et M. C....
Considérant ce qui suit :
1. La société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna a été choisie en 1999, conjointement avec le cabinet C...-B... par le conseil du territoire de Wallis-et-Futuna dans le cadre d'un appel d'offres pour assurer la conception et la mise en oeuvre d'une desserte maritime entre les deux îles. L'abandon de ce projet a donné lieu à des procédures judiciaires intentées par M. C... et la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna. La société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de vingt-sept millions d'euros en exécution d'un accord transactionnel conclu, selon elle, le 28 juin 2013 par le ministre de l'économie et des finances avec le cabinet C...-B... et la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna en réparation du préjudice résultant pour chacun, respectivement à hauteur de treize millions d'euros et vingt-sept millions d'euros, de l'abandon du projet et en contrepartie de la renonciation à toute procédure judiciaire. La société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna relève appel du jugement du 18 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 2044 du code civil : " La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. / Ce contrat doit être rédigé par écrit. ".
3. La société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna soutient qu'en contrepartie de la renonciation à toute poursuite judiciaire concernant l'abandon du projet de desserte maritime entre les deux îles pour laquelle elle avait été initialement retenue ainsi que de sa liquidation amiable, le ministre de l'économie et des finances a proposé un protocole d'accord transactionnel lui octroyant, ainsi qu'au cabinet C...-B..., une indemnité d'un montant respectif de vingt-sept millions d'euros et treize millions d'euros, protocole élaboré par une commission composée de cinq ministres ou conseillers ministériels le 23 juin 2013 et signé le 28 juin suivant. Elle fait valoir qu'elle était représentée par un mandataire lors de cette réunion. Il résulte de l'instruction que M. C... et M. B... en leur nom propre et au nom de la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna ont adressé un courrier en date du 17 octobre 2013 au ministre de l'économie et des finances et au
ministre du budget concernant le règlement amiable d'un différend, ayant fait l'objet d'une transaction administrative dans le cadre d'une commission ministérielle, par lequel ils acceptent le protocole sur la base de la proposition de treize millions d'euros au cabinet C...-B... et de vingt-sept millions à la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna, renoncent à toute procédure en cours et à venir et proposent de se déplacer au ministère pour approuver ce protocole. Il est constant que la société appelante n'a pas directement eu connaissance du protocole d'accord transactionnel écrit, ni ne détient une copie de ce dernier que l'Etat nie avoir conclu.
4. En premier lieu, la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna fait valoir que l'existence et le contenu de cet accord transactionnel sont révélés par les correspondances échangées avec les services du ministère de l'économie et des finances. D'une part, il résulte de l'instruction que, par un courrier en date du 29 novembre 2013, le ministre de l'économie et des finances indique avoir pris note des éléments communiqués quant à l'acceptation du protocole aux montants des indemnités proposées par le ministère et quant au renoncement à toute procédure et avoir demandé aux services compétents du département ministériel de faire le point sur ce dossier en vue d'apporter une réponse dans les meilleurs délais. Ce courrier se borne, contrairement à ce que soutient l'appelante et alors même qu'il a été signé directement par le ministre, à accuser réception du courrier du 17 octobre 2013 en en reprenant les termes et à informer de la transmission aux services compétents en vue d'une réponse ultérieure et ne saurait être regardé comme une confirmation de l'existence du protocole d'accord transactionnel allégué ou d'une proposition d'un tel protocole. La circonstance que " la fiche de traitement des courriers adressés directement au ministre " comporte deux écritures, ainsi qu'en atteste l'avis de l'expert graphologue sollicité par l'appelante, est en tout état de cause sans incidence sur le contenu de ce courrier du 29 novembre 2013. D'autre part, le courriel du 30 janvier 2014 émis par le secrétariat des directeurs adjoints du cabinet, et non de conseillers ministériels ainsi que le fait valoir la société, se borne à répondre, sans autre précision et suite à une relance de M. C..., que son dossier a été transmis à la direction générale des finances publiques pour traitement et qu'un projet de réponse est en cours. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. C... a transmis au ministère de l'économie et des finances des éléments rapportés par son associé, M. B..., concernant des mouvements de fonds suspects en vue de faire échouer la transaction, en vue de la saisine de Tracfin. S'il résulte de courriels émanant du directeur des affaires juridiques du ministère et du conseiller du ministre que ces éléments ont été effectivement transmis à Tracfin, cette circonstance n'est pas davantage de nature à établir l'existence d'un protocole d'accord transactionnel au bénéfice de la société. Ni les termes employés dans les différentes correspondances, ni le choix des formules de politesse, ni les conjectures de la société sur les réponses qui auraient pu être apportées par les services du ministère si sa demande avait été sans fondement ou si le protocole d'accord avait été inexistant ne sont de nature à établir l'existence d'un protocole d'accord transactionnel. Enfin, il résulte de l'instruction, et notamment d'un procès-verbal en date du 25 janvier 2017, qu'à la suite d'une plainte de la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna, ayant au demeurant donné lieu à une ordonnance de non-lieu en date du 28 février 2019 du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, confirmée par la cour d'appel de Paris le 14 janvier 2021, la perquisition menée dans les locaux du ministère de l'économie et des finances n'a pas permis de constater d'élément laissant supposer l'existence de ce protocole transactionnel.
5. En deuxième lieu, la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna ne peut davantage se fonder ni sur des courriers du ministre de l'outre-mer des 7 décembre 2012 et 30 janvier 2013 qui font référence au litige judiciaire relatif à l'attribution du marché et ne peuvent en tout état de cause pas révéler un accord transactionnel du 28 juin 2013, ni sur un courrier qu'elle a adressé le 21 juillet 2014 au ministre de l'agriculture et reprenant ses propres allégations.
6. En troisième lieu, la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna soutient que le protocole d'accord transactionnel ainsi conclu a été exécuté au bénéfice de M. B..., l'un des associés du cabinet C...-B..., lequel a accepté la perception d'une somme de cinquante-cinq millions de dollars sur un compte " off shore ", au bénéfice de personnes non identifiées et qu'elle a, pour sa part, refusé de telles conditions de versement. Toutefois, et alors même qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité d'un versement de l'Etat au profit de M. B... en exécution du protocole d'accord transactionnel litigieux, il résulte en tout état de cause de certaines déclarations de M. B... que la perception des fonds correspondrait à une compensation dans des dossiers différents de celui afférent au projet de desserte maritime. Les déclarations de M. B... lors d'une réunion du conseil d'administration de la société du 5 janvier 2021 ne corroborent pas davantage l'existence d'un protocole transactionnel et de son exécution à son seul profit.
7. Il résulte de ce qui précède que la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna ne justifie pas de l'existence d'une transaction, que l'Etat a nié avoir conclue, ni même d'une proposition de transaction qu'elle aurait expressément acceptée, dont elle pourrait solliciter l'exécution.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, que la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation du ferry Wallis-et-Futuna et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à M. C....
Délibéré après l'audience du 26 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2021.
Le rapporteur,
A-S MACHLe président,
M. A...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA02032