Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de la cotisation supplémentaire de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre, respectivement, des années 2009 à 2011, et de l'année 2011, résultant du refus du bénéfice du régime d'impatriation prévu par l'article 155 B du code général des impôts, et la décharge des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2009 à 2011.
Par un jugement n° 1615500/1-2 du 6 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a déchargé M. E... de l'intégralité des suppléments d'imposition mis à sa charge en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des intérêts de retards et pénalités correspondants et des suppléments d'impôt corrélatifs en matière de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et prélèvements sociaux, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février 2019 et le 29 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1615500/1-2 du 6 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rétablir M. E... au rôle de l'impôt sur le revenu des années 2009, 2010 et 2011, et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de l'année 2011, à concurrence des droits et pénalités dont la décharge a été ordonnée par le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une contradiction entre ses considérants et son dispositif et statué au-delà des conclusions de la demande du contribuable ;
- le service était fondé à refuser l'exonération de la prime d'impatriation en application de l'article 155 B du code général des impôts ;
- les moyens soulevés par M. E... en première instance et en appel ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2020, M. E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour, d'une part, par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 3 du jugement n° 1615500/1-2 du 6 novembre 2018 et de prononcer la décharge des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts, et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ses indemnités d'impatriation devaient être exonérées d'impôt sur le revenu en application de l'article 155 B du code général des impôts ;
- les pénalités assortissant la rectification relative à l'impatriation ne peuvent qu'être abandonnées pour les mêmes raisons ;
- à titre subsidiaire, il pouvait bénéficier de la tolérance prévue par l'instruction du 30 juillet 2009 portant la référence 5 F-13-09, n°46 ;
- le service a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne lui communiquant pas le nom des joueurs d'autres équipes retenus pour la comparaison ;
- il ne détenait pas quatre comptes bancaires à l'étranger mais un seul au cours des années en cause ;
- l'application faite par l'administration des dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts méconnaît le principe constitutionnel de proportionnalité des peines.
Par une ordonnance du 17 septembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 5 octobre 2020 à 12h.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions d'appel incident formées par M. E..., relatives aux amendes qui lui ont été infligées sur le fondement du IV de l'article 1736 du CGI, sont irrecevables dès lors qu'elles soulèvent un litige distinct des conclusions d'appel principal du ministre, portant sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2009 à 2011 et les pénalités correspondantes.
Par un mémoire, enregistré le 26 février 2021, M. E... se désiste de ses conclusions d'appel incident relatives aux amendes qui lui ont été infligées sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant M. E....
Une note en délibéré, présentée pour M. E..., a été enregistrée le 2 mars 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., footballeur international, a notamment joué, à la fin de sa carrière, au Paris-Saint-Germain (PSG) entre 2008 et 2011. A la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle, conclu par deux propositions de rectification, du 21 décembre 2012 pour l'année 2009, et du 21 août 2013 pour les années 2010 et 2011, il a notamment été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 à 2011, ainsi que de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre de 2011, et des amendes pour non déclaration de compte bancaire à l'étranger lui ont été assignées au titre des années 2009 à 2011. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel du jugement du 6 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a déchargé de l'intégralité des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 à 2011, des intérêts de retard et pénalités correspondants, ainsi que des suppléments de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et prélèvements sociaux en découlant, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais de justice, et rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort de la requête de première instance que, si M. E... demandait en conclusion la décharge de l'intégralité des suppléments d'impôts, en droit et pénalités, mis à sa charge au titre des années 2009 à 2011, il indiquait par ailleurs explicitement n'y contester que les conséquences, en suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, en droits et pénalités, de la remise en cause de l'exonération de ses indemnités d'impatriation perçues au titre des années 2009 à 2011, et les amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts, et doit être regardé comme ayant ainsi circonscrit sa demande. Il ressort toutefois du jugement attaqué que, si les premiers juges ont retenu pour seul moyen de décharge que M. E... était fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 155 B du code général des impôts relatives à l'exonération litigieuse, ils ont prononcé la décharge " de l'intégralité des suppléments d'imposition mis à sa charge en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des intérêts de retard et pénalités y afférents et des suppléments d'imposition corrélatifs " alors que des suppléments d'imposition en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge au titre de ces années pour d'autres motifs n'étaient pas contestés par le requérant, qui n'avait soulevé aucun moyen aux fins d'en obtenir la décharge. Il s'ensuit qu'en prononçant une telle décharge, le Tribunal administratif de Paris s'est mépris sur la portée des conclusions dont il était saisi. L'article 1er du jugement attaqué doit donc être annulé en tant qu'il prononce, au titre des années 2009 à 2011, une décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales, et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, excédant les seules conséquences du bénéfice des dispositions de l'article 155 B du code général des impôts sur lequel le Tribunal administratif s'est légitimement prononcé.
Sur l'appel principal :
3. Aux termes des dispositions de l'article 155 B du code général des impôts, dans leur rédaction applicable : " I.-1. Les salariés et les personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter appelés de l'étranger à occuper un emploi dans une entreprise établie en France pendant une période limitée ne sont pas soumis à l'impôt à raison des éléments de leur rémunération directement liés à cette situation ou, sur option, et pour les salariés et personnes autres que ceux appelés par une entreprise établie dans un autre Etat, à hauteur de 30 % de leur rémunération. (...) Si la part de la rémunération soumise à l'impôt sur le revenu en application du présent 1 est inférieure à la rémunération versée au titre de fonctions analogues dans l'entreprise ou, à défaut, dans des entreprises similaires établies en France, la différence est réintégrée dans les bases imposables de l'intéressé. " Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération
4. Il résulte de l'instruction que M. E... a versé une attestation établie par son club, communiquée au service le 18 février 2013, aux termes de laquelle la rémunération imposable moyenne de sept joueurs professionnels exerçant au PSG comme milieux de terrain ou défenseurs s'élevait à 1 577 311 euros, 1 553 661 euros et 1 601 888 euros au titre, respectivement, de 2009, 2010 et 2011, soit des montants inférieurs à la rémunération nette imposable de M. E... après déduction de l'indemnité d'impatriation, s'élevant à 2 317 066 euros en 2009, 2 416 831 euros en 2010 et 1 141 228 euros en 2011, sur six mois, soit 2 242 456 euros en équivalent douze mois. Si le ministre soutient que ces joueurs ne peuvent être regardés comme exerçant des fonctions analogues dès lors qu'ils ne disposent pas d'une notoriété et d'une expérience comparables à celles de M. E..., ces critères, qui ne se bornent pas à définir les fonctions analogues dans l'entreprise au sens de l'article 155 B du code général des impôts, mais ajoutent au texte légal en exigeant la prise en compte de caractéristiques propres aux individus exerçant les fonctions, ne peuvent dès lors être retenus pour exclure les rémunérations des sept joueurs de la comparaison à opérer.
5. Le ministre soutient également, d'une part, que trois des joueurs retenus dans l'attestation établie par le PSG ne peuvent être pris en compte dès lors qu'il s'agissait de défenseurs et non, comme M. E..., de milieux de terrain. Au regard des différences de nature entre les types de fonctions exercées par les joueurs de champ, et de leur influence en matière de rémunération, les joueurs occupant des postes de défenseurs ou d'attaquants ne peuvent être regardés comme exerçant des fonctions analogues à celles des joueurs exerçant comme milieux de terrain au sens des dispositions de l'article 155 B du code général des impôts. Par conséquent, la rémunération des défenseurs en cause ne peut être comparée utilement à celle de M. E.... Le ministre soutient, d'autre part, que doit être prise en compte la rémunération de M. A..., qui jouait également au PSG entre 2009 et 2011, selon lui comme milieu de terrain. Il résulte toutefois de l'instruction, comme M. E... le fait valoir, sans être au demeurant ultérieurement contesté, que M. A... occupait, au cours des années en cause au PSG, un poste d'attaquant. Sa rémunération ne pouvait, par suite, pas plus être comparée à celle de M. E.... Dans ces conditions, et alors que les milieux de terrain retenus dans l'attestation du PSG doivent être regardés en l'espèce comme exerçant des fonctions analogues à celles de M. E..., il résulte de l'instruction que la rémunération imposable de celui-ci au titre de années 2009 à 2011 était supérieure à la rémunération des joueurs pris en compte à raison de leurs fonctions analogues au PSG. Dès lors qu'il est constant que M. E... respectait par ailleurs l'ensemble des autres conditions prévues par l'article 155 B du code général des impôts, il était fondé à bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu sur ses indemnités d'impatriation.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles M. E... a été assujetti au titre, respectivement, des années 2009 à 2011, et de l'année 2011, à raison du rejet de l'exonération de l'indemnité d'impatriation.
Sur l'appel incident :
7. Dans son mémoire du 26 février 2021, en réponse au courrier par lequel il était informé de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, M. E... se désiste de ses conclusions d'appel incident tendant à la décharge des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des conclusions présentées par M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1615500/1-2 du 6 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant que la décharge prononcée excède les conséquences, en droits et pénalités, du rétablissement de M. E... dans le bénéfice des dispositions de l'article 155 B du code général des impôts au titre des années 2009 à 2011.
Article 2 : M. E... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu des années 2009, 2010 et 2011, et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de l'année 2011, dans la limite des droits et pénalités dont la décharge a été ordonnée à tort par le Tribunal administratif de Paris.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. E... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Il est donné acte du désistement des conclusions d'appel incident de M. E....
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. B... E....
Délibéré après l'audience du 2 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2021.
Le rapporteur,
A. F...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA00956 2