Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Garden et Partners a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2008 à 2012, des rappels de taxe sur valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1616625/1-2 du 16 mars 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 mai 2018, 14 mars 2019, 10 mars 2020 et 20 mai 2020, la société Garden et Partners SA, représentée par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1616625/1-2 du 16 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions, en droits et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 220 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la circonstance qu'elle a toujours respecté ses obligations administratives et déclaratives auprès des autorités belges et françaises faisait obstacle à la prorogation automatique du délai de reprise de l'administration, pour 2008 et 2009 ;
- son siège de direction effective étant implanté en Belgique, et son activité exercée au lieu d'implantation de ses clients, elle n'a pas en France d'établissement stable ;
- à titre subsidiaire, la base imposable du prétendu établissement stable a été illégalement et arbitrairement augmentée et conduit à une double imposition ;
- les principes en matière de prix de transfert auraient dû être appliqués dès lors que l'établissement stable doit être traité comme une entreprise distincte et séparée en vertu de l'article 5 de la convention conclue entre la France et la Belgique ;
- les charges de la société belge auraient dû être reprises complètement ;
- le vérificateur aurait dû tenir compte de l'impôt sur les sociétés payé en Belgique en application de la convention franco-belge pour éviter une double imposition ;
- l'Etat n'a subi aucun préjudice en matière de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que la taxe qu'elle n'a pas facturée n'a symétriquement pas été déduite par ses clients ;
- le principe de territorialité s'oppose à la mise à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'elle est de droit belge et n'a pas d'établissement stable en France, et à défaut le principe d'auto-liquidation doit s'appliquer ;
- lui réclamer la taxe sur la valeur ajoutée méconnaît les principes communautaires de libre échange et de libre circulation ;
- l'administration ne pouvait exiger la taxe sur la valeur ajoutée en France, alors qu'elle était acquittée en Belgique, sans entraîner une double imposition en application de la convention franco-belge ;
- l'absence d'application de la méthode des prix de transfert rend irrégulier le calcul en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
- l'utilisation abusive de la loi et des règles communautaires par le service porte atteinte aux principes essentiels protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la pénalité de 80 % pour activité occulte ne pouvait lui être appliquée si elle a commis l'erreur de se croire imposable en Belgique.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 juillet 2018 et 10 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 26 mai 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2020 à 12 h.
Un mémoire, présenté pour la société Garden et Partners SA, a été enregistré le 26 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- la convention franco-belge du 10 mars 1964 modifiée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la société requérante.
Considérant ce qui suit :
1. La SA Garden et Partners, de droit belge, dont le capital est détenu de manière égale, à travers leurs sociétés respectives Fiction Ltd et SNC Van Partners, par M. E... et M. Van Tran, et dont le siège est à Bruxelles, a pour objet la réalisation de toutes opérations ou activités se rapportant directement ou indirectement à la création, au développement, à la commercialisation, à l'exploitation, à la promotion et au transfert de marques, licences, brevets et tous autres droits intellectuels. A la suite d'une opération de visite et saisie à l'adresse de sa filiale française, la SAS Air Paris, rue Saint-Honoré à Paris, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'administration, considérant que la société belge avait en France un établissement stable, a engagé la vérification de comptabilité de celui-ci, conclue par une proposition de rectification du 16 janvier 2015, selon la procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, l'a assujettie à des cotisations d'impôt sur les société au titre des exercices clos de 2008 à 2012, lui a assigné des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant aux années 2008 à 2012, et lui a infligé des pénalités pour activité occulte. La société Garden et Partners fait appel du jugement du 16 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur le principe de l'imposition en France :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
2. Aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". En vertu de l'article 4 de la convention franco-belge du 10 mars 1964 tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus : " 1. Les bénéfices industriels et commerciaux ne sont imposables que dans l'Etat contractant où se trouve situé l'établissement stable dont ils proviennent (...) 3. Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. (...) 4. Constituent notamment des établissements stables : / a) Un siège de direction ".
3. D'une part, il résulte de l'instruction que la société Garden et Partners SA avait, depuis 2008, à Bruxelles, recours aux service d'une société de domiciliation lui offrant le bénéfice d'une adresse, où elle a fixé son siège, d'un service de réception du courrier, d'une ligne téléphonique et de fax communes, et un bureau de passage partagé, pour une somme de 365 euros par mois, et qu'elle n'y disposait d'aucun moyen humain ni matériel autre que ceux qu'offrait la société de domiciliation. Si la requérante fait valoir qu'elle disposait en outre de véhicules immatriculés en Belgique, ainsi qu'il est constant, et de deux comptes ouverts auprès d'un établissement bancaire belge, aucune charge en comptabilité ne témoigne de l'utilisation des véhicules en Belgique et sa domiciliation bancaire, ainsi que le recours aux services d'un cabinet comptable, est sans rapport avec une éventuelle activité en Belgique.
4. D'autre part, il ressort des constats opérés par les agents de la direction nationale des enquêtes fiscales lors de l'opération de visite et saisie, le 23 mai 2013, que se trouvaient sur les serveurs informatiques de la société française Air Paris, filiale de la société Garden et Partners SA, de nombreux documents propres à sa société mère de droit belge, tels que des dossiers relatifs à ses assemblées générales et conseils d'administration annuels, ses comptes annuels, ses dépenses de caisse, le suivi des impayés, le tableau de trésorerie, du papier à en-tête, ou des ordres de virements. La société ne conteste pas utilement ces constats en se bornant à faire valoir que les documents trouvés sur son propre serveur informatique constituaient la sauvegarde de documents accessibles depuis un serveur dématérialisé dont l'accès serait soumis à autorisation de la société mère et à produire une attestation du directeur administratif et financier d'Air Paris selon lequel, le jour du contrôle, non précisé, sur demande de l'administration fiscale, il aurait contacté la société mère belge, sans mentionner d'interlocuteur dans cette société ne comportant pas de personnel, pour obtenir l'autorisation d'accéder au serveur dématérialisé afin de présenter les informations demandées. Il ressort également des constats effectués lors de l'opération de visite et saisie qu'ont été trouvés dans les locaux de la société Air Paris des relevés bancaires de la société belge, des factures de ses fournisseurs, des factures clients, un contrat de 2012 avec un client, ainsi que les contrats de prestations de services entre la société Fiction Ltd, son actionnaire et prestataire, et la société belge. Il est par ailleurs constant que la société Air Paris facture à sa société mère, pour 1 200 euros mensuels, une " quote-part infrastructure ", enregistrée dans la comptabilité belge sous le compte " Infrastructure Paris ", mais aussi des frais d'assurance, de coursier et de fournitures de bureau. L'administration fait enfin valoir, sans être contestée, que M. E..., qui dispose d'un bureau dans les locaux de la société française, est le seul des deux associés à exercer son pouvoir sur le compte bancaire de la société de droit belge et qu'il envoie à partir du numéro de télécopieur d'Air Paris de nombreuses télécopies de demandes de virement avec en tête de la société Garden et Partners et signées " Fiction Ltd M. C... E... Administrateur Délégué ". Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la direction juridique, administrative, comptable et financière de la société de droit belge était effectuée depuis sa filiale Air Paris. Dans ces conditions, et au regard des conditions de fonctionnement de la société Garden et Partners SA, qui se borne à recevoir la contrepartie de prestations qui sont intégralement sous-traitées à ses dirigeants et actionnaires ou à sa filiale française, les locaux parisiens de la société Air Paris pouvaient être regardés comme son siège de direction au sens de l'article 4 de la convention franco-belge du 10 mars 1964.
5. Il s'ensuit que la société Garden et Partners SA avait en France, entre 2008 et 2012, une installation fixe d'affaires caractérisant un établissement stable, et que l'administration était dès lors fondée à l'assujettir à l'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices dégagés par cet établissement stable sur le fondement combiné de l'article 209 du code général des impôts et de l'article 4 de la convention franco-belge du 10 mars 1964.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
6. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Selon l'article 259 du même code dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 2009 : " le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle " et dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2010 : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ".
7. Il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, un établissement stable est caractérisé par la disposition personnelle et permanente d'une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à l'activité de l'assujetti, et, d'autre part, que, depuis le 1er janvier 2010, la taxe sur la valeur ajoutée est en toute hypothèse due en France si le preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée y a le siège de son activité économique ou bénéficie de la prestation dans un établissement stable qui y est situé.
8. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la société Garden et Partners SA doit être regardée comme ayant disposé, au cours de la période d'imposition en litige, d'un établissement stable en France. C'est par suite à bon droit que l'administration fiscale a considéré, au titre des années 2008 et 2009, que le lieu de ses prestations était en France en application des dispositions applicables de l'article 259 du code général des impôts. Il en va de même, en vertu des mêmes dispositions, au titre de la période correspondant aux années 2010 à 2012, à raison de ses prestations dont le preneur avait en France le siège de son activité. La société Garden et Partners était dès lors redevable de la taxe sur la valeur ajoutée pour la période en cause sur ses opérations imposables à raison des prestations dont le preneur était établi en France.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le droit de reprise :
9. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". Aux termes de l'article L. 176 du même livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible (...) lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. " Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États
10. L'administration, constatant que la société Garden et Partners SA n'avait pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire pour son établissement stable en France, et n'avait pas fait connaître l'activité de celui-ci à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, et ayant dès lors regardé la société comme ayant exercé une activité occulte, a étendu son droit de reprise, dans la proposition de rectification du 16 janvier 2015, jusqu'à l'exercice clos en 2008, en matière d'impôt sur les sociétés, et la période commençant le 1er janvier 2008, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur le fondement des dispositions précitées des articles, respectivement, L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales. La société requérante fait valoir qu'elle a déclaré et payé ses impôts en Belgique, et doit être regardée comme soutenant que c'est seulement par erreur qu'elle n'a pas déclaré son activité et ses impôts en France. Par les pièces qu'elle produit, la société requérante ne justifie pas avoir déposé des déclarations auprès de l'administration fiscale belge en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée au titre des exercices et périodes en cause, ni avoir été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, ni, si elle devait être regardée comme ayant été assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre de trois des exercices en cause par la production de copies de documents informatiques, à quel taux et sur quel base imposable elle l'aurait été. En tout état de cause, ainsi qu'il a été jugé au point 4 du présent arrêt, la société ne disposait pas à Bruxelles des moyens matériels et humains pour assurer son exploitation et sa direction juridique, administrative, comptable et financière était exercée en France dans les locaux de sa filiale Air Paris, qui prenait pour nom commercial celui de la société mère belge. Elle n'apporte dès lors pas la preuve qu'elle a commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives. L'administration était par suite fondée à mettre en oeuvre les dispositions précitées des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales pour étendre son droit de reprise au motif que la société Garden et Partners SA avait exercé en France, au cours des années en cause, une activité occulte.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
11. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer le résultat imposable de la société au titre des exercices en cause, le service a retenu le chiffre d'affaires enregistré par la société dans sa comptabilité belge, et une partie des charges, dont il a exclu celles qui n'étaient pas appuyées de justificatifs, les frais de représentation de M. E..., les charges non décaissées, les frais d'infrastructure belge et la fiscalité forfaitaire belge, et enfin les honoraires de sa filiale Air Hong Kong.
12. Si la requérante soutient, en premier lieu, qu'elle réalise exclusivement une activité de conseil en stratégie de marque et que les activités complémentaires de marketing et de publicité réalisées par des sous-traitants ne pouvaient être imposées entre ses mains sans conduire à une double imposition, il est constant qu'une part importante de son chiffre d'affaires est constituée de ces activités complémentaires dont les prestations sous-traitées correspondantes ont été déduites par elle en charges. Le moyen doit donc être écarté.
13. La société soutient, en deuxième lieu, que les charges de la société belge auraient dû être intégralement reprises par le vérificateur dès lors que sa comptabilité est réputée sincère et régulière. Cette circonstance est néanmoins, en tout état de cause, sans incidence sur le droit, pour l'administration, à l'occasion d'une vérification de comptabilité de son établissement stable en France, de refuser, au regard des règles applicables, la déduction de charges dont la requérante ne défend, au demeurant, le caractère déductible par aucun élément.
14. La société requérante soutient, en troisième lieu, que l'administration aurait dû mettre en oeuvre les principes applicables en matière de prix de transfert, en vertu de l'article 5 de la convention franco-belge du 10 mars 1964. Toutefois, ces stipulations ne peuvent en l'espèce trouver à s'appliquer dès lors que la société belge et son établissement stable en France ne peuvent qu'être regardées comme une seule entreprise. Le moyen doit, par suite, être écarté comme inopérant.
15. La société soutient, enfin, que l'administration aurait dû, en application de la convention franco-belge, tenir compte de l'impôt sur les sociétés payé par elle en Belgique pour éviter une double imposition. Toutefois, aucune stipulation de la convention ne prévoit l'imputation de l'impôt sur les bénéfices payé à tort dans un Etat contractant sur l'impôt de même nature à payer dans l'autre pays où un contribuable était seulement imposable en application de la convention. Le moyen doit donc être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
16. Il résulte des dispositions de l'article 269 du code général des impôts que le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services est constitué par leur exécution et que la taxe devient exigible lors de l'encaissement du prix.
17. Pour déterminer la base soumise à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes en cause, le service a retenus les encaissements reçus des clients français dans la comptabilité de la société belge, à l'exception de l'année 2012 où, la comptabilité belge n'individualisant pas les comptes clients, ainsi qu'il n'est pas contesté, il a déterminé les montants encaissés par différence entre les soldes constatés en début d'exercice et les ventes réalisées.
18. La société Garden et Partners SA soutient, en premier lieu, que l'Etat n'a subi aucun préjudice en matière de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que la taxe qu'elle n'a pas facturée n'a symétriquement pas été déduite par ses clients, et que les rappels correspondants ne pouvaient dès lors être mis à sa charge. Toutefois, la circonstance qu'une société n'ait éventuellement pas déclaré en déduction la taxe correspondant à des dépenses qu'elle a acquittées, et ne permette pas, ainsi, que soit assuré à son profit le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, est sans incidence sur le droit de l'administration d'exiger du redevable le versement de la taxe qu'il a collectée.
19. Si la société requérante soutient, en deuxième lieu, que le principe de territorialité s'oppose à la mise à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'elle a son siège en Belgique et n'a pas d'établissement stable en France, il a été jugé au point 8 que les prestations qu'elle avait réalisées au profit de preneurs établis en France devaient y être soumises à la taxe. Si elle soutient également qu'à défaut, le principe d'auto-liquidation doit s'appliquer, et que l'administration méconnaît ainsi les principes communautaires de libre échange et de libre circulation, elle n'assortit pas ces moyens des précisions permettant d'en apprécier la pertinence et le bien-fondé.
20. Si la requérante soutient, en troisième lieu, que l'absence d'application de la méthode de prix de transfert rend irrégulier le calcul en matière de taxe sur la valeur ajoutée, le moyen doit être écarté pour les mêmes motifs qu'au point 14 du présent arrêt.
21. La société soutient, en quatrième lieu, que l'administration ne pouvait exiger d'elle la taxe sur la valeur ajoutée en France, alors qu'elle était acquittée en Belgique, sans entraîner une double imposition en application de la convention franco-belge. Toutefois, d'une part, la convention franco-belge ne comprend pas de stipulation relative à la taxe sur la valeur ajoutée, qui relève du droit de l'Union européenne, d'autre part la société ne justifie pas avoir versé de taxe sur la valeur ajoutée en Belgique, où, au demeurant, aucun de ses clients n'était établi. Le moyen doit donc être écarté.
22. Si la société soutient enfin, à l'égard de l'ensemble des impositions litigieuses, que l'utilisation abusive de la loi et des règles communautaires par le service porte atteinte aux principes essentiels protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son moyen est dénué des précisions permettant d'en apprécier la pertinence et le bien-fondé.
Sur les pénalités :
23. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts :
" 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (..) ; c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.
24. Ainsi qu'il a été jugé au point 10 du présent arrêt, la société Garden et Partners SA, qui n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire pour son établissement stable en France, et n'a pas fait connaître l'activité de celui-ci à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, n'établit pas avoir commis, comme elle le prétend, une erreur justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives. L'administration était dès lors fondée à lui infliger la majoration de 80 % pour activité occulte prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts.
25. Il résulte de tout ce qui précède que la société Garden et Partners SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions litigieuses. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Garden et Partners SA est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Garden et Partners SA et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de Contrôle Fiscal Ile-De-France.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2021.
Le rapporteur,
A. D...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01641