Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 octobre 2019 par laquelle le consul de France en Grèce a sursis à statuer sur la demande de délivrance de titres d'identité français pour ses enfants mineurs.
Par un jugement n° 1927500/6-2 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure contentieuse devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 septembre 2020 et un mémoire en réplique enregistré le 4 décembre 2020, M. C..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1927500/6-2 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 24 octobre 2019 du Consul de France en Grèce ;
3°) d'enjoindre au Consul de France en Grèce de délivrer les titres sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui enjoindre de statuer à nouveau sur la demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le juge des référés du tribunal de première instance d'Athènes, par des décisions du 7 novembre 2014 et 15 mai 2019, l'a nécessairement autorisé à se voir délivrer les titres sollicités, dès lors qu'il l'autorise à se rendre à l'étranger avec ses enfants ;
- il peut se prévaloir de ces jugements contre l'opposition de son ex-épouse ;
- il appartient à son ex-épouse, en cas d'opposition de sa part, de saisir le juge pour obtenir la réformation des décisions juridictionnelles qui ont reconnu son droit d'obtenir les titres sollicités ;
- la décision a été prise sans qu'ait été mise en oeuvre une procédure contradictoire ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2020, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité ;
- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant français, s'est marié avec Mme E..., ressortissante grecque, en 2007. Le 19 août 2019, M. C... a sollicité auprès de la section consulaire de l'ambassade de France en Grèce, le renouvellement des passeports français de ses enfants B... et Philippe, nés le 14 janvier 2009, ainsi que la délivrance de cartes d'identité. Après que Mme E... ait, par un courrier du 7 octobre 2019, exprimé son opposition à la délivrance de titres d'identité et de voyage pour ses deux enfants mineurs, le consul de France en Grèce a, par un courrier du 24 octobre 2019, informé M. C... de sa décision de surseoir à la délivrance des titres demandés. M. C... fait appel du jugement du 21 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". La décision attaquée statuant sur la demande de délivrance de titres d'identité français pour les enfants mineurs de M. C... n'avait pas, en vertu des dispositions précitées, à faire l'objet d'une procédure contradictoire. Par suite le moyen tiré de ce que la décision attaquée n'a pas été précédée d'une telle procédure doit, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, être écarté.
3. Aux termes de l'article 8 du décret du 30 décembre 2005 relatif aux passeports : " La demande de passeport faite au nom d'un mineur est présentée par une personne exerçant l'autorité parentale (...) ". Selon l'article 372 du code civil, l'autorité parentale est exercée en commun par le père et la mère. Aux termes de l'article 372-2 du même code : " A l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant ". En application de ces dispositions, chacun des parents peut légalement faire une demande de passeport pour son enfant mineur, sans qu'il soit besoin d'établir qu'il dispose de l'accord exprès de l'autre parent, dès lors qu'il justifie exercer, conjointement ou exclusivement, l'autorité parentale sur cet enfant et qu'aucun élément ne permet à l'administration de mettre en doute l'accord réputé acquis de l'autre parent.
4. En l'espèce, il est constant que Mme E... s'est opposée à la délivrance des titres demandés mais M. C... fait valoir qu'une décision de justice l'a autorisé à obtenir la délivrance des titres sollicités.
5. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision de la juridiction des référés du tribunal de première instance d'Athènes du 6 novembre 2014, M. C... s'est vu reconnaître un " droit de communication " de ses enfants lui permettant " de se rendre à l'étranger avec eux pendant les vacances de fêtes et d'été ". Il ressort en outre de la décision de la même juridiction en date du 15 mai 2019 que, malgré une décision n° 862/2017 attribuant la garde des enfants à la mère, les modalités de " communication " restent définies par le jugement en référé du 6 novembre 2014. Enfin, la demande de Mme E... tendant à ce qu'il soit imposé à M. C... de lui rendre les passeports français de ses enfants et tous leurs documents de voyage a été rejetée par la juridiction des référés au motif qu'il ne s'agissait pas d'une mesure provisoire.
6. Si ces décisions de justice reconnaissent le droit de M. C... de se rendre à l'étranger avec ses enfants et de détenir des titres d'identité ou de voyage pour ses enfants, elles ne l'autorisent pas à demander la délivrance ou le renouvellement de ces titres sans l'accord de Mme E.... Par suite, l'administration pouvait surseoir à la délivrance des titres demandés dans l'attente d'une décision complémentaire du juge.
7. Aux de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si M. C... soutient que du fait de l'absence de renouvellement des passeports de ses enfants, ces derniers seront privés de lien avec la France et la partie de leur famille qui y demeure, la décision attaquée ne les prive pas de la possibilité de voyager avec des passeports grecs, non plus qu'elle ne fait obstacle à ce que leur famille vivant en France ne les visite en Grèce. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaît leur droit à mener une vie familiale normale doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 24 octobre 2019 par laquelle le consul de France en Grèce a sursis à statuer sur la demande de délivrance de titres d'identité français pour ses enfants mineurs. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne pourront qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2021.
Le président,
J. LAPOUZADE
La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02737 2