Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... F... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant :
1°) à l'annulation de la concession d'aménagement par laquelle la commune de Marolles-en-Brie a concédé l'aménagement du secteur dit du " Cœur de Village " à la société Expansiel Promotion ;
2°) à l'annulation par voie de conséquence de la " procédure de passation " et le contrat de cession des parcelles de l'îlot Ouest (cadastrées AN n° 46 et AN n° 242) conclu entre le Syndicat Mixte d'Action Foncière du département du Val-de-Marne et le groupe Expansiel promotion-Groupe Valophis, dont la promesse de vente a été signée le 3 novembre 2015 ;
3°) à l'annulation par voie de conséquence de la " procédure de passation " et le contrat de cession des parcelles de l'îlot Est (cadastrées AN n° 49, AN n° 60, AN n° 410 et AN n° 411) conclu entre le Syndicat Mixte d'Action Foncière du département du Val-de-Marne et le groupe Expansiel promotion-Groupe Valophis, dont la promesse de vente a été signée le 3 novembre 2015 ;
4°) à l'annulation par voie de conséquence de la " procédure de passation " et le contrat de cession des parcelles de l'îlot Sud (cadastrées AN n° 41, AN n° 42 et AN n° 43) conclu entre la commune de Marolles-en-Brie et le groupe Expansiel promotion-Groupe Valophis dont la promesse de vente a été signée le 3 novembre 2015 ;
5°) à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Marolles-en-Brie et du groupe Expansiel promotion-Groupe Valophis la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1510649 du 5 février 2019, le Tribunal administratif de Melun, d'une part, a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de Mme F... tendant à l'annulation des contrats de cession des parcelles des îlots Est et Ouest, conclus entre le syndicat mixte d'action foncière et la société Expansiel promotion-Groupe Valophis, et du contrat de cession des parcelles de l'îlot Sud, conclu entre la commune de Marolles-en-Brie et la société Expansiel promotion-Groupe Valophis, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme F..., enfin, a mis à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros à la commune de Marolles-en-Brie et une somme de 1 500 euros à la société Expansiel Promotion-Groupe Valophis en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le
15 juin 2020, Mme F..., représentée par Me G..., demande à la Cour:
1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2019 du Tribunal administratif de Melun;
2°) d'annuler la concession d'aménagement par laquelle la commune de Marolles-en-Brie a concédé l'aménagement du secteur dit du " Cœur de Village " à la société Expansiel Promotion et, par voie de conséquence, les " procédures de passation " et les contrats de cession des parcelles des îlot Ouest, Est et Sud mentionnés ci-dessus ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Marolles-en-Brie et de la société Expansiel promotion-Groupe Valophis, chacune, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour défaut de visa de sa note en délibéré ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable car une concession d'aménagement tacite avait bien été conclue entre la commune de Marolles-en-Brie et la société Expansiel promotion-Groupe Valophis ;
- cette concession tacite est illégale à plusieurs titres : incompétence de la commission d'urbanisme pour désigner un aménageur, insuffisance d'information des conseillers municipaux, violation de l'article R. 300-9 du code de l'urbanisme, absence d'avis du service des domaines, non respect des obligations de publicité et de mise en concurrence requises pour les concessions d'aménagement, modification substantielle du cahier des charges en cours de procédure, méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-5 et de l'article R. 300-8 du code de l'urbanisme ;
- c'est également à tort que le tribunal a décliné la compétence de la juridiction administrative s'agissant des contrats de cessions de parcelles qui sont indissociables de l'opération d'aménagement ;
- ces contrats de cessions doivent donc être annulés par voie de conséquence de l'annulation de la concession d'aménagement tacite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2019, la société Expansiel Promotion- Groupe Valophis, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme F... au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme F... sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2019, la commune de
Marolles-en-Brie, représentée par Me I...-C..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme F... sont infondés.
Par une ordonnance du 18 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au
15 décembre 2020 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me E... substituant Me G... pour Mme F..., Me H... substituant Me C... pour la commune de Marolles-en-Brie et Me A... pour la société Expansiel promotion-Groupe Valophis
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'un projet d'aménagement appelé " Cœur de village ", identifié dans le plan local d'urbanisme et approuvé par délibération du conseil municipal du
24 septembre 2013, la commune de Marolles-en-Brie a engagé une consultation informelle dans le but d'aménager la place de la mairie et de construire des logements et des locaux pouvant accueillir des activités de service. Trois îlots ont été distingués dans le centre ancien de la commune, soit un îlot Ouest, non bâti, d'une surface globale de 3 734 m², un îlot Sud, en dent creuse, les " terrains de la mairie ", d'une surface de 8 313 m², et un îlot Est, partiellement bâti, d'une surface de 4 955 m². Une partie des terrains avait été acquise au cours des années précédentes par le Syndicat Mixte d'Action Foncière du département du Val-de-Marne. Le document de cette consultation mentionnait les objectifs d'aménagement recherchés par la commune, définissait les prescriptions des dossiers de candidature et informait les éventuels candidats du prix des terrains devant être acquis par eux. Les dix dossiers reçus dans le cadre de cette consultation ont été examinés le 16 janvier 2014 lors de la commission d'urbanisme du conseil municipal. Après une réunion infructueuse de cette commission le 5 février 2014, et en raison de la proximité des élections municipales, la sous-commission de l'urbanisme du nouveau conseil municipal a décidé, le 2 septembre 2014, après audition de certains candidats, de retenir deux projets, proposés par les sociétés Axone et Expansiel. Le 20 janvier 2015, à la suite de nouvelles précisions apportées par ces deux sociétés, la sous-commission a choisi la société Expansiel Promotion, filiale du groupe Valophis, office public départemental de l'habitat du Val-de-Marne. Une information en ce sens a été portée à la connaissance du conseil municipal du 24 mars 2015 et une délibération a été adoptée à la majorité des voix choisissant la société Expansiel Promotion-Groupe Valophis pour l'aménagement global du " Cœur de Village " et approuvant le projet de réalisation de 130 logements, dont 39 logements sociaux et 20% d'accession sociale en PSLA, ainsi qu'un local de bureaux. Le 28 mai 2015, le conseil municipal de Marolles-en-Brie a déclassé du domaine public de la commune une section de la parcelle cadastrée AN N° 41, d'une surface de 1 240 m² et comprenant une école désaffectée de la commune, ainsi que la parcelle cadastrée AN n° 42, d'une surface de 1 502 m², et a incorporé ces deux parcelles situées dans l'îlot Sud au domaine privé en vue de leur cession. Le 30 juin 2015, le conseil municipal a approuvé les comptes de cession de sept parcelles, situées dans les îlots Ouest et Est, propriétés du Syndicat Mixte d'Action Foncière du département du Val-de-Marne, et a autorisé ce dernier à les céder directement à la société Expansiel Promotion - Groupe Valophis, sur la base des prix fixés par le service France Domaine par des avis des 17 et 18 juin 2015. Des conventions de portage foncier ont été conclues entre la commune et le syndicat mixte pour les parcelles en cause. Les promesses de vente des trois parcelles concernant le " Cœur de Village " de l'îlot Sud ont été signées le 3 novembre 2015, après leur approbation par délibération du conseil municipal du
24 septembre 2015. Les parcelles composant les îlots Ouest et Est ont fait l'objet de promesses de vente signées le 3 novembre 2015.
2. Mme F..., en sa qualité de conseillère municipale de Marolles-en-Brie, a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la concession d'aménagement par laquelle la commune de Marolles-en-Brie a concédé l'aménagement du secteur dit du " Cœur de Village " à la société Expansiel Promotion, d'autre part, à l'annulation par voie de conséquence du contrat de cession des parcelles de l'îlot Ouest conclu entre le syndicat mixte d'action foncière et la société Expansiel, dont la promesse de vente a été signée le 3 novembre 2015, du contrat de cession des parcelles de l'îlot Est conclu entre ces mêmes parties dont la promesse de vente a été signée le 3 novembre 2015, ainsi que du contrat de cession des parcelles de l'îlot Sud conclu entre la commune de Marolles-en-Brie et la société Expansiel dont la promesse de vente a été signée le 3 novembre 2015. Par un jugement du 5 février 2019, le Tribunal administratif de Melun, d'une part, a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de Mme F... tendant à l'annulation des contrats de cession des parcelles des îlots Est et Ouest, conclus entre le syndicat mixte d'action foncière et la société Expansiel promotion-Groupe Valophis, et du contrat de cession des parcelles de l'îlot Sud, conclu entre la commune de Marolles-en-Brie et la société Expansiel promotion-Groupe Valophis, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme F..., enfin, a mis à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Marolles-en-Brie et une somme de 1 500 euros à verser à la société Expansiel Promotion-Groupe Valophis en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme F... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué:
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme F... avait déposé une note en délibéré enregistrée le 10 janvier 2019 au greffe du tribunal avant la date de lecture du jugement. Pourtant, cette note en délibéré n'a pas été visée par le jugement attaqué en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative.
Mme F... est donc fondée à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, irrégulier et doit être annulé.
4. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme F... devant le Tribunal administratif de Melun ainsi que sur ses conclusions d'appel.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la concession d'aménagement alléguée :
5. Aux termes de l'article L.300-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au 24 mars 2015: " L'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent code à toute personne y ayant vocation. L'attribution des concessions d'aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat..... Le concessionnaire assure la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements concourant à l'opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution. Il peut être chargé par le concédant d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par la voie d'expropriation ou de préemption. Il procède à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession. ".
6. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer pouvant être contestée par les tiers au contrat et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale concernée à l'occasion d'un recours de pleine juridiction en contestation de validité du contrat, Mme F... se prévaut de sa qualité de conseillère municipale pour demander l'annulation de la convention par laquelle la commune de Marolles-en-Brie aurait concédé l'aménagement du secteur dit du
" Cœur de Village " à la société Expansiel Promotion et dont l'existence serait révélée par les délibérations successives relatives à ce projet d'aménagement et in fine par les contrats de vente litigieux.
7. Or, il ressort des pièces du dossier qu'au terme d'un processus informel de présélection de candidatures dans le cadre d'un projet d'aménagement, la commune de
Marolles-en-Brie a, par délibération du conseil municipal du 24 mars 2015, choisi la société Expansiel Promotion pour l'aménagement global du " Cœur de Village ", approuvé le projet de réalisation de cent-trente logements comprenant trente-neuf logements sociaux et 20 % d'accession sociale ainsi qu'un local de bureaux, et autorisé le maire à signer tout document nécessaire à la vente des terrains. Si cet acte matérialise la volonté de la commune de confier l'opération d'aménagement litigieuse à la société Expansiel promotion, il est constant que le conseil municipal après avoir choisi cette société, s'est borné à décider de lui vendre les terrains nécessaires à la réalisation de l'opération projettée et a autorisé le maire à signer tout document necessaire à la vente de ces terrains. En l'absence d'obligations réciproques des parties ou d'actes matérialisant des opérations d'aménagement qui révèleraient l'exécution par la société Expansiel promotion d'engagements contractuels, il ne résulte pas de l'instruction que les parties auraient tacitement conclu une convention d'aménagement en application de l'article L.300-5 du code de l'urbanisme. Par suite, les conclusions aux fins d'annulation de la convention tacite d'aménagement alléguée sont dépourvues d'objet et ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.
8. Mme F... demande aussi l'annulation des contrats de cession de parcelles des îlots Est , Ouest et Sud. Or, d'une part, les contrats de cessions des parcelles des îlots Est et Ouest conclus entre le syndicat mixte d'action foncière et la société Expansiel sont des contrats conclus entre deux personnes privées et en dehors de tout mandat émanant de la collectivité territoriale et constituent donc des contrats de droit privé relevant du seul juge judiciaire. D'autre part, le contrat de cessions des parcelles de l'îlot Sud conclu entre la commune de Marolles en Brie et la société Expansiel promotion concerne la gestion du domaine privé de la commune et ne comporte aucune clause exorbitante du droit commun et relève donc également de la compétence du juge judiciaire. Dans ces conditions, les conclusions présentées par Mme F... tendant à l'annulation de ces contrats de cession ne peuvent qu'être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
9. Enfin, à supposer que Mme F... puisse être regardée comme contestant la délibération du 24 mars 2015, en tant qu'elle approuve le projet d'aménagement et autorise la cession de parcelles, Mme F... conseillère municipale de la commune de Marolles-en-Brie, a pris part à cette délibération. Dès lors, le délai de recours contre cet acte courrait, en ce qui la concerne, à compter de cette même date. La requête n'ayant été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Melun que le 31 décembre 2015, la demande présentée par Mme F... serait tardive et par suite irrecevable.
Sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
10. D'une part, les dispositions mentionnées ci-dessus font obstacle à ce que la commune de Marolles-en-Brie et la société Expansiel promotion-groupe Valophis, qui ne sont pas dans la présente instance parties perdantes, versent une somme quelconque à Mme F... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme au titre des frais exposés par la commune de Marolles-en-Brie et la société Expansiel promotion-groupe Valophis et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1510649 du 5 février 2019 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme F... devant le Tribunal administratif de Melun et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Marolles-en-Brie et de la société Expansiel promotion-groupe Valophis présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F..., à la commune de Marolles-en-Brie et à la société Expansiel promotion-groupe Valophis.
Délibéré après l'audience du 19 février 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2021.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA01307 2