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24/02/2021 | FRANCE | N°19PA01110

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 24 février 2021, 19PA01110


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Show Case Invest a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie, respectivement, au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800884/2-2 du 4 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a r

ejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Show Case Invest a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie, respectivement, au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800884/2-2 du 4 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2019, la société Show Case Invest, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800884/2-2 du 4 février 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions.

Elle soutient que :

- le Tribunal a inversé la charge de la preuve en considérant qu'il lui incombait de prouver que la méthode de reconstitution du service était excessivement sommaire ou radicalement viciée ;

- l'administration, qui en supporte la charge, n'établit pas les éléments retenus pour la reconstitution de son chiffre d'affaires ;

- le loyer acquitté pour le local situé rue de Picardie constitue une charge déductible dès lors que ce local était utilisé pour son exploitation ;

- la somme de 105 000 euros versée à l'EURL El Kiosco constitue une charge déductible et non un acte anormal de gestion dès lors que sans la prise en charge de celle-ci, elle n'aurait pu exercer son activité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 la société Show Case Invest, qui exploite un restaurant franco-japonais sous l'enseigne " Nanashi Charlot " à Paris (75003), s'est vu notifier, après la mise en oeuvre de la procédure contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et des rehaussements d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013. La société Show Case Invest fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la reconstitution du chiffre d'affaires :

2. La requérante ne conteste plus en appel que, compte tenu des graves irrégularités qui l'entachaient, sa comptabilité était irrégulière et a été à bon droit écartée pour déterminer ses résultats passibles de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.

3. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...). ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'à défaut de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ou, comme en l'espèce, dans l'hypothèse d'un désistement de cette saisine, et lorsque le contribuable n'a pas accepté les rehaussements qui lui avaient été notifiés dans le cadre de la procédure contradictoire, il revient à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé des suppléments d'impôt en litige.

5. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer les résultats de la requérante passibles de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, l'administration a, d'une part, tenu compte des ventes d'alcools comptabilisées par la société et d'autre part appliqué pour les autres boissons la méthode dite " des liquides " en recensant toutes les factures d'achats de boissons dont certaines ont été obtenues à la suite du droit de communication exercé auprès du fournisseur " Erval/France Boissons ", puis en déterminant pour chaque catégorie de produits les achats revendus, en déduisant les consommations du personnel, les offerts et les pertes, sans tenir compte de stocks dès lors que la société n'a produit aucun inventaire de stock initial ou final. Les achats correspondants aux jus de fruits et boissons gazeuses conditionnés en petit volume, considérés comme utilisés dans les cocktails, n'ont pas été retenus pour effectuer la reconstitution du chiffre d'affaires. Les prix moyens du vin et de la bière ont été déterminés à partir du relevé des recettes produit par la société et lorsque les achats n'ont pas été retrouvés dans les ventes, un prix de 30 euros par bouteille a été retenu sauf lorsque le gérant a indiqué une correspondance, même approximative, entre deux vins. Les recettes relatives à la vente de vins et bières ont ensuite été calculées en multipliant les quantités de ces produits par le prix ainsi déterminé. Il en a résulté que les ventes de ces boissons représentent respectivement 8,33 % et 8,29 % des recettes totales en 2012 et 2013. Enfin, les recettes totales ont été déterminées en appliquant ces pourcentages au total du montant des ventes tel qu'il ressort de l'exploitation du logiciel de caisse de l'entreprise.

6. Si, pour contester cette méthode, la requérante soutient que la charge de la preuve repose sur l'administration qui n'a pas produit la preuve des éléments sur lesquels elle se fonde, il résulte de l'instruction que la liste exhaustive des factures retenues, le mode de calcul des consommations du personnel, des pertes et des offerts, ainsi que la méthode de calcul des pourcentages des ventes de vin et de bière et enfin le calcul des recettes totales, ont été explicités et justifiés dans la proposition de rectification du 15 avril 2015 et ses annexes. La requérante se bornant, en appel, à contester cette méthode en relevant que des erreurs sur le prix de certains produits auraient conduit à majorer son chiffre d'affaires de seulement 1 230 euros sur l'exercice 2012 et 934 euros sur l'exercice 2013, l'administration doit être regardée comme établissant que la méthode de reconstitution mise en oeuvre n'est ni radicalement viciée ni excessivement sommaire.

Sur les charges de loyer :

7. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...). ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

8. Pour contester la réintégration dans son bénéfice imposable de la somme de 60 000 euros, comptabilisée comme charge déductible au titre de l'exercice clos en 2013, la requérante soutient que cette dépense correspond à la location, en vertu d'un bail oral, du local situé 20 rue de Picardie qui communique par le sous-sol avec son local principal situé rue Charlot et qu'elle a exploité pour une activité de bar à cocktail à compter de l'année 2013. Si elle produit une facture émise par l'EURL Rue Picardie Invest, dont l'associé unique était également son associé et gérant, il est constant qu'aucune activité n'était exploitée dans ce local à la date des opérations de contrôle. Par ses seules affirmations et la production d'un plan de l'immeuble en cause, la requérante n'établit pas plus en appel qu'en première instance, alors qu'elle seule peut le faire, la réalité de cette exploitation au cours de l'exercice clos en 2013 et, par suite, le principe même de la déductibilité de cette charge.

Sur la somme versée à l'EURL El Kiosco :

9. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés ". En vertu de ces dispositions, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages octroyés par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où elle s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que cet avantage est dépourvu de contrepartie, qu'il a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

10. Il résulte de l'instruction que la société requérante a pris en sous-location le local situé rue Charlot, loué par l'EURL El Kiosco à la société civile immobilière SCI Charlot, et qu'en conséquence de la dépréciation commerciale de l'immeuble résultant pour la SCI propriétaire de la substitution d'activité autorisée, l'EURL El Kiosco s'est contractuellement engagée à verser à la SCI une indemnité de 105 000 euros, par un avenant au contrat de bail signé le 31 juillet 2012. Aux termes du contrat de sous-location conclu entre la société Show Case et l'EURL El Kiosco, " le sous-locataire prendra à sa charge l'indemnité prévue à l'avenant au bail en date du 31 juillet 2012, d'un montant de 105 000 euros en réparation du préjudice subi par le bailleur du fait de la substitution d'activité autorisée ". En conséquence la requérante a procédé à cette prise en charge, au titre de l'exercice clos en 2012 à hauteur de 100 000 euros et au titre de l'exercice clos en 2013 à hauteur de 5 000 euros.

11. Il n'est pas contesté, ainsi que l'a au demeurant mentionné l'avenant au contrat de bail du 31 juillet 2012, que cette indemnité due par l'EURL El Kiosco, locataire, à son bailleur la SCI Charlot, correspond à l'acquisition par l'EURL El Kiosco d'un droit au bail, qui s'incorpore à l'actif du bilan de cette dernière. Par ses seules affirmations, la société Show Case n'établit pas que la contrepartie, pour elle, de cette prise en charge résiderait dans le droit d'occuper les locaux sous-loués, pour lequel elle verse par ailleurs un loyer prévu par le contrat de sous-location. Par suite, la prise en charge du prix de cette acquisition réalisée au seul bénéfice de l'EURL El Kiosco ne constitue pas le paiement d'un supplément de loyer et est étrangère, à raison de son objet, à une gestion commerciale normale. C'est dès lors à bon droit que l'administration a refusé d'admettre la déduction des sommes de 100 000 et 5 000 euros des résultats des exercices clos respectivement en 2012 et 2013.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Show Case Invest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Show Case Invest est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Show Case Invest et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré).

Délibéré après l'audience du 9 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme A..., président assesseur,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 février 2021.

Le rapporteur,

P. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01110
Date de la décision : 24/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-06-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Établissement de l'impôt. Bénéfice réel. Questions concernant la preuve.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CABINET DELPEYROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-24;19pa01110 ?
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