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19/02/2021 | FRANCE | N°20PA01286,20PA01459

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 février 2021, 20PA01286,20PA01459


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... G... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et la société Cna Insurance Company Limited à lui verser la somme de 764 481 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des conditions de sa prise en charge à l'occasion de l'intervention du 3 novembre 2013 ou, à titre subsidiaire, de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections

nosocomiales à lui verser la même somme au titre de la solidarité nation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... G... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et la société Cna Insurance Company Limited à lui verser la somme de 764 481 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des conditions de sa prise en charge à l'occasion de l'intervention du 3 novembre 2013 ou, à titre subsidiaire, de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la même somme au titre de la solidarité nationale.

Par un jugement n° 1704839 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Melun a condamné le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à verser la somme de 85 757,50 euros à M. H... G..., la somme de 285,28 euros et l'indemnité forfaitaire de gestion à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, a mis les dépens de l'instance à la charge définitive du centre hospitalier, et a rejeté le surplus des conclusions principales.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 5 mai 2020 sous le numéro 20PA01286, le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et la société CNA Hardy, représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 mars 2020 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de M. H... G... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne ou, à titre subsidiaire, de limiter le montant des condamnations à 50 % des préjudices subis ;

3°) de mettre les dépens à la charge définitive de M. H... G... ;

4°) de mettre à la charge de M. H... G... le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les services du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges n'ont commis aucune faute, la complication à l'origine de l'atteinte nerveuse de M. H... G... n'ayant pas été causée par la survenue d'un hématome compressif mais résultant de l'action de l'oedème postopératoire combinée à celle d'un fragment osseux au contact du nerf ; par suite, le suivi-postopératoire, adapté à la survenue non fautive d'un oedème, n'a pas été défaillant ; aucun défaut de surveillance ne peut donc être reproché à l'établissement ;

- le patient a bien reçu une information orale avant l'intervention du 3 novembre 2013 ; en tout état de cause, une intervention chirurgicale était indispensable et le risque de neuropathie optique était imprévisible ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité du centre hospitalier ne peut être engagée qu'à hauteur d'un taux de perte de chance d'éviter le dommage qui ne saurait être supérieur à 50 %.

Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2020, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me D..., demande à la cour de rejeter la requête.

Il soutient que :

- les demandes dirigées contre lui sont irrecevables ;

- les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies en l'espèce.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction est intervenue le 30 décembre 2020.

II. Par une requête enregistrée le 15 juin 2020 sous le numéro 20PA01459, M. H... G..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 12 mars 2020 en ce qu'il a limité l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 85 757,50 euros ;

2°) à titre principal, de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et son assureur à lui verser la somme de 1 034 314,66 euros, ou subsidiairement la somme de 564 135,60 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au titre de la solidarité nationale, à lui verser la somme de 1 034 314,66 euros, ou subsidiairement la somme de 564 135,60 euros ;

4°) de mettre à la charge de tout succombant le versement de la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du CJA.

Il soutient que :

- le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges a commis plusieurs fautes dans le cadre de sa prise en charge ; il n'a ainsi bénéficié d'aucun examen et avis préopératoire ophtalmologique, alors qu'une abstention chirurgicale était susceptible d'être recommandée ; il n'a pas bénéficié d'une surveillance postopératoire adéquate, ce qui a entraîné un retard de diagnostic de la complication survenue, laquelle résulte d'une compression du nerf optique par un hématome orbitaire postopératoire, et la mise en oeuvre d'un traitement médical inadapté ;

- il n'a pas reçu d'information quant aux risques et complications de l'opération, et quant aux signes d'alarme postopératoires ;

- à titre subsidiaire, le dommage qu'il a subi relève de la prise en charge des accidents médicaux non fautifs au titre de la solidarité nationale ;

- il a subi un préjudice patrimonial temporaire du fait d'un besoin d'assistance par tierce personne qui doit être indemnisé à hauteur de 6 029 euros, ou de 3 015 euros à titre subsidiaire ;

- son préjudice permanent au titre de l'assistance par tierce personne doit être réparé par une somme de 593 333,16 euros, ou à titre subsidiaire de 211 904,70 euros ;

- sa perte de gains professionnels futurs s'élève à la somme de 288 617 euros ; à titre subsidiaire, elle pourra être indemnisée à hauteur de 202 878,40 euros ;

- l'incidence professionnelle du dommage doit être évaluée à la somme de 25 000 euros ;

- le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé à hauteur de 1 337,50 euros ;

- les souffrances qu'il a endurées doivent être réparées par une somme de 10 000 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire sera indemnisé à hauteur de 1 000 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé à hauteur de 78 000 euros ;

- il a subi un préjudice d'agrément qui doit être évalué à la somme de 10 000 euros :

- le préjudice d'impréparation résultant du défaut d'information doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 30 septembre 2020, le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et la société CNA Hardy, représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 mars 2020 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de M. H... G... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne ou, à titre subsidiaire, de limiter le montant des condamnations à 50 % des préjudices subis ;

3°) de mettre les dépens à la charge définitive de M. H... G... ;

4°) de mettre à la charge de M. H... G... le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- les services du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges n'ont commis aucune faute, la complication à l'origine de l'atteinte nerveuse de M. H... G... n'ayant pas été causée par la survenue d'un hématome compressif mais résultant de l'action de l'oedème postopératoire combinée à celle d'un fragment osseux au contact du nerf ; par suite, le suivi-postopératoire, adapté à la survenue non fautive d'un oedème, n'a pas été défaillant ; aucun défaut de surveillance ne peut donc être reproché à l'établissement ;

- le patient a bien reçu une information orale avant l'intervention du 3 novembre 2013 ; en tout état de cause, une intervention chirurgicale était indispensable et le risque de neuropathie optique était imprévisible ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité du centre hospitalier ne peut être engagée qu'à hauteur d'un taux de perte de chance d'éviter le dommage qui ne saurait être supérieur à 50 %.

Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2020, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me D..., demande à la cour de rejeter la requête.

Il soutient que :

- les demandes dirigées contre lui sont irrecevables ;

- les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies en l'espèce.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction est intervenue le 20 novembre 2020.

M. H... G... a produit un mémoire le 27 janvier 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les observations de Mme Pena, rapporteur public,

- les observations de Me A..., représentant le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et la société CNA Hardy,

- et les observations de Me B..., représentant M. H... G....

Considérant ce qui suit :

1. M. H... G..., victime d'une agression le 24 octobre 2013, a été hospitalisé le 29 octobre 2013 au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, où une fracture orbito-malaire droite a notamment été diagnostiquée. Il a subi le 3 novembre 2013 une intervention chirurgicale en vue de la réduction, par ostéosynthèse, de cette fracture. Il a souffert dans les jours qui ont suivi d'une réduction de sa vision de l'oeil droit, et une atteinte sévère du nerf optique droit a été constatée le 28 novembre 2013 à l'hôpital Lariboisière. Estimant que la perte de sa vision de l'oeil droit résulte de manquements imputables au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, il a formé une demande préalable d'indemnisation auprès de cet établissement par courrier du 21 février 2016. Par un jugement du 12 mars 2020, dont M. H... G..., le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et la société CNA Hardy relèvent appel, le tribunal administratif de Melun a condamné le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à verser la somme de 85 757,50 euros à M. H... G..., la somme de 285,28 euros et l'indemnité forfaitaire de gestion à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, a mis les dépens de l'instance à la charge définitive du centre hospitalier, et a rejeté le surplus des conclusions principales des parties.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées, enregistrées sous les numéros 20PA01286 et 20PA01459, ont fait l'objet d'une instruction commune et sont relatives à un même jugement. Il y a lieu par suite de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la responsabilité :

S'agissant des fautes médicales :

3. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé (...) tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Melun, que M. H... G... a été victime, dans les suites de l'ostéosynthèse subie le 3 novembre 2013 au sein du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, d'une compression du nerf optique ayant entraîné la perte de vision de son oeil droit. Selon les experts, qui ont écarté les autres hypothèses, notamment celle d'une atteinte du nerf optique lors de l'agression et celle de la compression par un fragment osseux déplacé à proximité du nerf, cette compression est un aléa thérapeutique résultant d'un phénomène indirect tel qu'un hématome postopératoire, phénomène pouvant expliquer l'effondrement de la vision de l'oeil droit après l'opération. Les experts relèvent aussi que le patient n'a pas bénéficié, après sa sortie de l'hôpital, d'une surveillance postopératoire ophtalmologique, une consultation de suivi de l'ostéosynthèse par le chirurgien maxillo-facial n'ayant eu lieu que le 12 novembre 2013, neuf jours après l'opération, sans qu'il puisse être reproché à M. H... G... d'avoir regagné son domicile le 5 novembre 2013 en accord avec l'équipe médicale. Or, selon les experts, " à neuf jours de l'intervention, il était trop tard pour évacuer l'hématome qui avait diminué. Le drainage en urgence n'a pu être fait. ". Ainsi, contrairement à ce que soutiennent le centre hospitalier et son assureur, le dommage subi ne résulte pas de l'action d'un oedème postopératoire combinée à celle d'un fragment osseux au contact du nerf optique, mais du retard de détection et de prise en charge de la complication du fait d'un défaut de surveillance, notamment ophtalmologique, des suites opératoires. Les experts ajoutent à cet égard que " l'absence de surveillance postopératoire rapprochée devant cet énorme hématome douloureux " n'est pas conforme aux règles de l'art. Ce défaut de surveillance, qui n'a pas permis la mise en oeuvre rapide d'un traitement adapté et a donc fait perdre au patient toute chance d'éviter la perte de son oeil droit, est à l'origine directe et certaine du dommage subi et engage, par suite, la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges.

S'agissant du défaut d'information :

5. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. H... G... n'a pas reçu, avant l'intervention du 3 novembre 2013 qui n'a pas été réalisée en urgence, une information relative aux risques et complications de l'acte chirurgical, ni aux signes d'alarme ou de gravité postopératoire. Les experts relèvent par ailleurs que des signes en faveur de l'abstention chirurgicale existaient, nécessitant de réfléchir davantage à l'indication en concertation avec une équipe ophtalmologique, réflexion qui n'a pas été menée alors que le délai entre le diagnostic et l'opération le permettait. Enfin, comme exposé au point 4 du présent arrêt, une découverte précoce de la compression par hématome après l'opération aurait permis un drainage en urgence. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, le manquement à l'obligation d'information engage la responsabilité du centre hospitalier à l'égard de M. H... G....

Sur l'évaluation des préjudices :

8. M. H... G..., dont l'état de santé a été consolidé le 26 mai 2014, ne demande la réformation du jugement qu'en ce qu'il a rejeté ou limité l'indemnisation de certains de ses préjudices.

9. S'agissant d'abord de l'assistance par tierce personne, avant et après consolidation, il résulte de l'instruction que les experts n'ont retenu aucun besoin à ce titre, l'intéressé bénéficiant d'une vision complète de l'oeil gauche. M. H... G... ne produisant aucun élément susceptible de remettre en cause leur avis, sa demande doit être rejetée, comme l'ont estimé les premiers juges.

10. Il résulte ensuite du rapport d'expertise que M. H... G... a subi un déficit fonctionnel de 25 % du fait des manquements du centre hospitalier du 6 novembre 2013 au 26 mai 2014. Le déficit fonctionnel total subi du 3 au 5 novembre 2013, à l'occasion de son hospitalisation pour subir une ostéosynthèse, est en revanche sans lien avec les fautes commises par l'établissement. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi au titre du déficit fonctionnel temporaire en portant le montant de sa réparation à la somme de 840 euros.

11. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante des souffrances endurées par M. H... G..., évaluées à 3 sur 7 par les experts, en allouant à ce titre la somme de 4 000 euros.

12. Par ailleurs, les experts ont évalué à 1 sur 7 le préjudice esthétique temporaire subi par l'intéressé. Il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.

13. Si M. H... G... ne peut plus, du fait de la perte de vision de son oeil droit, exercer un métier dans le bâtiment nécessitant une acuité visuelle complète, il demeure en mesure d'exercer malgré ce handicap une profession lui permettant d'assurer des revenus équivalents à ceux que lui procurait son emploi d'échafaudeur, exercé avant l'intervention du

3 novembre 2013 dans le cadre de missions d'intérim. Sa demande au titre d'une perte de gains professionnels futurs doit donc être rejetée.

14. La perte de vision de l'oeil droit dont est affecté M. H... G... se traduit nécessairement par une forte réduction d'opportunités professionnelles, notamment dans son domaine d'exercice, le bâtiment et les activités manuelles, en raison d'une perte de la vision en relief. Il a par ailleurs été reconnu travailleur handicapé le 1er juillet 2014. Dans ces conditions, il y a lieu de porter à 25 000 euros la somme allouée par les premiers juges au titre de l'incidence professionnelle.

15. Le déficit fonctionnel permanent strictement imputable aux manquements du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges a été évalué par les experts à 26 %, taux comprenant la perte de vision de l'oeil droit ainsi que les séquelles psychologiques, et s'ajoutant au taux de 3 % imputable aux séquelles dysesthésiques liées à la fracture initiale subie lors de son agression par M. H... G..., alors âgé de vingt-six ans. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en l'évaluant à la somme de 60 000 euros.

16. S'agissant du préjudice esthétique permanent, les experts ont estimé qu'il résultait d'une divergence de l'oeil droit et qu'il devait être évalué à 1 sur 7. Il en sera fait une juste appréciation en fixant le montant de l'indemnisation à la somme de 2 000 euros.

17. M. H... G... soutient sans être contredit qu'il s'adonnait depuis de nombreuses années, avant la perte de vision de son oeil droit, à la pratique du football. Il produit à l'appui de ses allégations des justificatifs montrant qu'il a notamment joué en club, au Portugal entre 2002 et 2004, et au sein du Sporting Club des Portugais de Pontault-Combault lors de la saison 2008-2009. Alors par ailleurs que les experts ont retenu l'existence d'un préjudice d'agrément du fait de la perte de relief consécutive à la monophtalmie de l'intéressé, il y a lieu dans ces conditions de l'indemniser en l'évaluant à la somme de 3 000 euros.

18. Enfin, l'absence d'information relative, d'une part, aux risques et complications d'une intervention réalisée dans la zone péri-orbitale et, d'autre part, aux signes d'alarme et de gravité postopératoire, a entrainé pour M. H... G... une souffrance morale à laquelle il n'a pas été préparé lors de la découverte de la perte irréversible de sa vision de l'oeil droit, près d'un mois après l'intervention. Il y a lieu d'évaluer le préjudice subi à ce titre à la somme de 2 000 euros.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Melun doit être réformé en ce qu'il a limité l'indemnisation des préjudices subis par M. H... G... à la somme de 85 757,50 euros, et que le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et son assureur, la société CNA Hardy, doivent être solidairement condamnés à verser à l'intéressé la somme totale de 106 840 euros.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. H... G..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et la société CNA Hardy et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de ces derniers le versement de la somme de 1 500 euros à M. H... G... sur le fondement desdites dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et son assureur, la société CNA Hardy, sont solidairement condamnés à verser à M. H... G... la somme totale de 106 840 euros.

Article 2 : Le jugement du 12 mars 2020 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et son assureur, la société CNA Hardy, verseront solidairement la somme de 1 500 euros à M. H... G... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, à la société CNA Hardy, à M. J... G..., à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. F..., premier vice-président,

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2021.

Le rapporteur,

G. E...Le président,

M. F...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°S 20PA01286, 20PA01459


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01286,20PA01459
Date de la décision : 19/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BJMR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-19;20pa01286.20pa01459 ?
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