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18/02/2021 | FRANCE | N°19PA01847

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 février 2021, 19PA01847


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 686 573 euros en réparation de ses préjudices subis lors de l'instruction de sa demande de nomination en qualité de notaire à Paris, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2016, date de réception de sa demande indemnitaire préalable, et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1707173/6-2 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
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Par une requête enregistrée le 6 juin 2019, un mémoire com...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 686 573 euros en réparation de ses préjudices subis lors de l'instruction de sa demande de nomination en qualité de notaire à Paris, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2016, date de réception de sa demande indemnitaire préalable, et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1707173/6-2 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juin 2019, un mémoire complémentaire enregistré le

9 octobre 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 13 mars 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1707173/6-2 du 9 avril 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 686 573 euros en réparation de ses préjudices subis lors de l'instruction de sa demande de nomination en qualité de notaire à Paris, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2016, date de réception de sa demande indemnitaire préalable, et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges, en se bornant à rejeter son argumentation aux motifs qu'il n'avait aucun droit acquis à sa nomination et que les documents produits n'étaient pas de nature à établir qu'il remplissait l'ensemble des conditions requises par la réglementation applicable pour être nommé dès le 18 juillet 2013 ou avant le 25 février 2015 alors que la décision du 2 juillet 2014 était fondée sur un seul motif jugé illégal par le tribunal administratif de Paris dans son jugement du 27 septembre 2016, ce, sans rechercher si la durée d'instruction de sa demande n'était pas constitutive d'une faute de nature à ouvrir droit à réparation des préjudices en résultant, et sans répondre à ses conclusions au titre du préjudice moral subi, ont omis de statuer sur un moyen, à tout le moins, ont insuffisamment motivé leur jugement ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée à son égard en raison de l'illégalité fautive de la décision du 2 juillet 2014 du garde des sceaux, ministre de la justice, portant refus de sa demande de nomination en qualité de notaire à Paris annulée pour erreur de droit par jugement définitif du tribunal administratif du 27 septembre 2016, ou par l'éventuelle décision implicite de refus qui serait née préalablement ;

- elle l'est également du fait du refus initial des services du ministère de la justice d'instruire sa demande -complète- de nomination et de la durée excessivement longue de l'instruction de celle-ci ;

- le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a indiqué, à tort, que l'instruction de sa demande de nomination au sein de 1'office créé à Paris était subordonnée à son retrait préalable de la société civile professionnelle dont il était l'un des associés, à Lyon ;

- l'administration n'a pas attiré son attention sur la nécessité de conditionner son retrait de cette société à sa nomination au sein de l'office créé ;

- à titre subsidiaire, et à tout le moins, la durée excessivement longue de l'instruction de sa demande de nomination et l'illégalité du refus qui lui a été opposé lui ont fait perdre une chance sérieuse d'être nommé au sein de l'office créé dès le 18 juillet 2014 et, en tout état de cause, avant le 25 février 2015, date à laquelle est intervenue, en définitive, sa nomination ;

- ces fautes lui ont causé un préjudice direct résultant des dépenses engagées inutilement, soit la somme de 287 736 euros au titre des charges fixes supportées durant sa période d'inactivité du 22 juillet 2013 au 25 février 2015, un manque à gagner à hauteur de la somme de 4 248 837 euros correspondant à la perte de gains enregistrée durant la même période, un préjudice moral évalué à 100 000 euros et un préjudice résultant des troubles dans ses conditions de l'existence de l'ordre de 50 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au

17 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°67-868 du 2 octobre 1967 ;

- le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., classé premier à l'issue du concours des offices de notaires créés ouvert au titre de l'année 2012, alors notaire associé au sein d'une société civile professionnelle titulaire d'un office à la résidence de Lyon, a sollicité le 18 avril 2013 auprès du procureur général près la cour d'appel de Paris, sa nomination au sein d'un office créé à la résidence de Paris. Le 2 juillet 2014, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande au motif de sa mise en examen pour complicité d'escroquerie commise en bande organisée, faux en écriture publique et usage de faux public, et de son placement sous contrôle judiciaire. Par un jugement définitif du 27 septembre 2016, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision. Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue par son destinataire le 27 décembre 2016,

M. B... a saisi le garde des sceaux, ministre de la justice, d'une demande d'indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subi du fait de fautes commises par les services du ministère de la justice à l'occasion de l'instruction de sa demande de nomination, à hauteur d'une somme totale de 5 646 319,60 euros. Par un jugement du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 4 686 573 euros en réparation des préjudices invoqués résultant, d'une part, de l'illégalité fautive entachant la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 2 juillet 2014 et, d'autre part, du délai excessivement long d'instruction de sa demande de nomination. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans le cadre d'un recours en responsabilité, le défaut de réponse à l'une des fautes alléguées ou à l'un des cas d'ouverture de la responsabilité invoqué entache d'irrégularité le jugement rendu par un tribunal si le moyen sur lequel il n'a pas été statué aurait conduit, s'il avait été fondé, à une indemnisation du préjudice plus importante que celle résultant du ou des moyens sur lesquels il a été statué.

3. Après avoir indiqué dans les visas du jugement attaqué que la responsabilité de l'Etat était invoquée par M. B..., tant en raison de l'illégalité fautive de la décision du 2 juillet 2014 du garde des sceaux, ministre de la justice, annulée par jugement du 27 septembre 2016, que de la durée excessivement longue de la procédure d'instruction de sa demande de nomination lui ayant -notamment- causé un préjudice moral, les premiers juges ont répondu que, quand bien même le requérant aurait-il réussi les épreuves organisées en vue de pourvoir les offices notariaux créés au titre d'une année et la décision du 2 juillet 2014 aurait-elle été annulée,

M. B... n'avait aucun droit acquis à nomination en qualité de notaire à Paris, faute d'établir qu'il remplissait l'ensemble des conditions matérielles, financières et de moralité requises par la réglementation applicable pour être nommé au sein de l'office créé dès le 18 juillet 2013 ou avant le 25 février 2015. Ce que jugeant, ils se sont nécessairement prononcés sur l'ensemble des fautes et préjudices consécutifs et respectifs invoqués par l'intéressé. Le moyen soulevé se rapportant en réalité au bien-fondé du jugement et au raisonnement suivi par les premiers juges, et non pas à la régularité de la décision juridictionnelle attaquée, il doit ainsi être écarté.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Sur la responsabilité :

4. L'illégalité pour erreur de droit de la décision du 2 juillet 2014 a été constatée par un jugement passé en force de chose jugée. Cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain. Ainsi qu'il a été dit au point 3, pour rejeter la demande d'indemnisation de M. B..., les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que, nonobstant son classement en rang utile, l'intéressé ne disposait d'aucun droit acquis à être nommé titulaire d'un office créé à la résidence de Paris, en 2012. Ils en ont déduit que le requérant ne pouvait se prévaloir d'aucun préjudice indemnisable qui résulterait d'une durée excessive de la procédure d'examen de sa demande, quand bien aurait-il été fait droit en définitive à sa demande, par un arrêté du 17 février 2015 publié au Journal Officiel le 25 février suivant.

5. En vertu des dispositions du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 alors en vigueur à la date de la demande de M. B..., un notaire peut être nommé dans un office créé ou vacant. Conformément aux dispositions des articles 49 à 56 de ce texte, cette nomination intervient après classement des candidats suivant leur mérite par un jury à l'issue d'un concours organisé une fois par an. Peuvent être candidates les personnes qui remplissent les conditions générales d'aptitude aux fonctions de notaire. Après proclamation des résultats, le Centre national d'enseignement professionnel notarial recueille auprès des candidats, dans l'ordre de leur classement, le choix de l'office dans lequel ils souhaitent être nommés parmi ceux restant à pourvoir et transmet ces choix au garde des sceaux, ministre de la justice. La demande de nomination est ensuite présentée par le candidat au procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle est situé l'office créé dans les six mois qui suivent l'établissement. Elle est accompagnée de toutes pièces justificatives. Dans le même délai, le candidat doit, en outre, justifier avoir pris les dispositions matérielles et financières nécessaires à son établissement. Si le candidat ne présente pas sa demande de nomination ou ne produit pas les justificatifs requis dans les délais impartis, il est réputé renoncer à l'office. Le procureur général recueille ensuite l'avis motivé de la chambre des notaires du lieu de l'office ou, le cas échéant, du dernier lieu d'activité du candidat au sein d'un office notarial sur la moralité et sur les capacités professionnelles de l'intéressé ainsi que sur ses possibilités financières au regard des engagements contractés et la chambre recueille, s'il y a lieu, tous renseignements utiles auprès, notamment, d'une autre chambre ou d'un conseil régional, du centre de formation professionnelle ou de l'institut des métiers du notariat. Le procureur général adresse alors au garde des sceaux, ministre de la justice, avec son avis motivé, la candidature accompagnée des pièces justificatives ainsi que de tous renseignements recueillis sur le comportement général de l'intéressé. Si le garde des sceaux, ministre de la justice, ne retient pas la candidature, l'office est alors proposé au prochain concours utile. Il s'en infère, d'une part, que rien n'interdit à un notaire déjà nommé de présenter sa candidature à un office créé mais que, ne pouvant être nommé dans deux offices concomitamment conformément aux règles régissant la profession, celui-ci doit présenter sa démission d'un office ou demander son retrait d'une société titulaire d'un office au garde des sceaux, ministre de la justice, avant d'être nommé titulaire de l'office créé ; d'autre part, que le garde des sceaux, ministre de la justice, au stade de l'organisation du concours, n'intervient pas dans l'établissement de la liste des candidats, mais contrôle en revanche la moralité et les capacités professionnelles des candidats classés en rang utile par le jury pour être nommés officiers publics et ministériels chargés d'une mission de service public, à l'issue des épreuves. Par suite, avant de nommer un notaire, le garde des sceaux, ministre de la justice, doit notamment vérifier, le cas échéant sous le contrôle du juge, que le candidat remplit la condition de n'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité, susceptibles de justifier légalement un refus de nomination.

6. Il résulte de l'instruction que la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 2 juillet 2014 portant rejet de la demande de nomination du requérant, était uniquement fondée sur la mise en examen et le placement sous contrôle judiciaire de M. B... pour les faits précités, à défaut de tout autre motif tenant aux conditions matérielles, financières et de moralité prévues par la règlementation. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que l'administration ne pouvait rejeter sa demande de nomination au seul motif de sa mise en examen et, qu'en l'absence de demande de substitution de motif par le garde des sceaux, ministre de la justice, et de tout élément au dossier faisant apparaître que son dossier de demande de nomination était incomplet, les premiers juges ne pouvaient considérer qu'il lui incombait d'établir qu'il remplissait effectivement l'ensemble des conditions requises pour être nommé titulaire de l'office créé, dès lors que, dès son changement de statut dans le cadre de la procédure pénale, la levée de sa mise en examen et du contrôle judiciaire dont il faisait l'objet le 14 octobre 2014, le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a nommé titulaire de l'office créé à la résidence de Paris, par arrêté du

17 février 2015 publié au Journal officiel le 25 février 2015.

7. S'agissant, en revanche, de la durée d'instruction de la demande, il ne résulte d'aucun texte que les services de la Chancellerie, auxquels le dossier de demande de nomination -reçu par le procureur général près la cour d'appel de Paris le 18 avril 2013- a été transmis le 30 décembre 2013, étaient légalement tenus dans un délai contraint d'accéder à la demande de M. B.... Il résulte de l'instruction que la nomination de l'intéressé a été suspendue par ces derniers en l'attente, non fautive, de l'éclaircissement de sa situation pénale et le temps pour y procéder ne saurait être regardé comme anormalement long sachant que, lorsque la mise en examen a été levée et sans attendre l'issue du recours pendant devant le tribunal administratif de Paris dirigé contre sa décision du 2 juillet 2014, le garde des sceaux, ministre de la justice, a nommé

M. B... dans un délai de quatre mois, comparable à celui observé pour d'autres nominations, intervenues à l'issue du même concours.

8. Si, en appel, M. B... doit être regardé comme se prévalant d'une faute commise par l'administration qui lui aurait indiqué, à tort, que l'instruction de sa demande de nomination au sein de 1'office créé à Paris était subordonnée à son retrait préalable de la société civile professionnelle dont il était l'associé à Lyon, une telle faute ne saurait en tout état être regardée comme établie, dès lors qu'en vertu des dispositions alors en vigueur de l'article 46 du décret du 2 octobre 1967 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi n° 66-879 du

29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, l'associé d'une société civile professionnelle ne peut exercer ses fonctions de notaire dans un autre office, à titre individuel.

9. Enfin, si M. B... soutient que l'administration aurait dû attirer son attention sur la nécessité de conditionner son retrait de cette société à sa nomination au sein de l'office créé, s'agissant là au demeurant d'une cause juridique distincte, il appartenait au requérant, en sa qualité de professionnel du droit, et notamment des contrats, et sans que le garde des sceaux, ministre de la justice, soit tenu d'une quelconque obligation de conseil à son égard, de solliciter son retrait de la société civile professionnelle dont il était membre sous la condition suspensive de sa nomination dans l'office créé à Paris.

10. En l'absence de faute distincte de celle constituée par l'illégalité du refus de nomination du 2 juillet 2014, il résulte ainsi de tout ce qui précède que cette seule faute a causé un préjudice direct et certain à M. B... de nature à ouvrir droit à indemnisation, et ce pour la période séparant la décision explicite de rejet du 2 juillet 2014 de la nomination dans l'office parisien créé, le 17 février 2015, soit une période de sept mois et demi.

11. Pour s'exonérer de sa responsabilité, le garde des sceaux, ministre de la justice, soutient que M. B... a commis une imprudence fautive en demandant son retrait de la société civile professionnelle au sein de laquelle il était précédemment associé, sans condition suspensive conformément à l'usage, tenant à sa nomination en qualité de notaire titulaire de l'office créé à Paris, avec pour conséquence la perte de revenus liée à son inactivité, les troubles dans les conditions d'existence et des dépenses inutiles en termes de " charges fixes " liées au nouvel office. Pour autant, une telle imprudence est dépourvue de lien avec le manque à gagner invoqué pour les revenus attendus de l'office parisien, le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence tels qu'invoqués ainsi que pour les frais d'installation, lesquels devaient en tout état de cause être exposés par anticipation ainsi que rappelé au point 5.

Sur les préjudices :

12. M. B... se prévaut d'un préjudice résultant des dépenses engagées inutilement, entre le 22 juillet 2013 -date de son retrait effectif de la société civile professionnelle au sein de laquelle il était associé, titulaire d'un office de notaire à la résidence de Lyon- au 25 février 2015 -date de sa nomination au sein de l'office créé à Paris-, pour un montant de 287 736 euros. Dès lors que le requérant avait l'obligation de disposer d'un local dès sa nomination, il sera fait une exacte appréciation des dépenses justifiées, liées à la souscription d'un bail pour les locaux de l'office et aux frais d'abonnement téléphonique sur la période de sept mois et demi telle que retenue au point 10, ouvrant droit à indemnisation, en lui allouant respectivement 38 725 euros et 909 euros, soit la somme totale de 39 634 euros.

13. M. B... demande, ensuite, l'indemnisation du manque à gagner correspondant à la perte de bénéfice net escompté pendant la période d'inactivité allant du 22 juillet 2013 au

25 février 2015, évalué à 4 248 837 euros et correspondant à la différence entre les bénéfices nets qu'il aurait selon lui dû percevoir à Paris, trois mois après sa demande de nomination ; le calcul est effectué sur la base des bénéfices réellement réalisés après la nomination de l'intéressé et des revenus perçus sur la période considérée, soit 223 623 euros par mois au vu d'une attestation de son expert-comptable du 13 octobre 2016. Il résulte de la déclaration fiscale " 2035 " établie au titre de l'année 2015, que le bénéfice mensuel réalisé par l'office a été de l'ordre 86 000 euros par mois, soit 645 000 euros pour sept mois et demi. Dès lors que dans les premiers mois d'activité dans une nouvelle résidence, M. B... devait nécessairement amorcer celle-ci en étant soumis à un inévitable phénomène d'inertie et de report des produits réalisés, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 320 000 euros.

14. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'allouer à M. B... une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qui ont découlé de l'illégalité fautive de la décision du garde des sceaux du 2 juillet 2014.

15. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. B... la somme totale de 360 634 euros en réparation de ses préjudices.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

16. M. B... a droit aux intérêts légaux afférents à la somme allouée par la cour, à compter du 27 décembre 2016, date de réception de sa demande préalable par l'administration, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

17. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à compter du 27 décembre 2017, date à laquelle a été due une année d'intérêts, et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les frais de justice :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1707173/6-2 du 9 avril 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B... la somme totale de 360 634 euros en réparation de ses préjudices. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du

27 décembre 2016. Ces intérêts seront capitalisés au 27 décembre 2017 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 2 février 2021 à laquelle siégeaient :

M. E..., premier vice-président,

M. Bernier, président assesseur,

Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2021.

Le rapporteur,

M-D. A...Le président,

M. E...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 08PA04258

2

N° 19PA01847


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01847
Date de la décision : 18/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET BREDIN PRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-18;19pa01847 ?
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