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17/02/2021 | FRANCE | N°18PA02536

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 17 février 2021, 18PA02536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pacemar a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des rappels de taxe sur les salaires qui lui ont été assignés au titre des années 2010 à 2013.

Par un jugement n° 1611461/1-1 du 27 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 juillet et 20 décembre 2018, la société Pacemar, représentée par la SCP Benichou et Rontchevsky demande à la Cour

:

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 juin 2018 ;

2°) de prononcer...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pacemar a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des rappels de taxe sur les salaires qui lui ont été assignés au titre des années 2010 à 2013.

Par un jugement n° 1611461/1-1 du 27 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 juillet et 20 décembre 2018, la société Pacemar, représentée par la SCP Benichou et Rontchevsky demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal et d'ordonner la restitution de la somme totale de 287 037 euros correspondant à la taxe sur les salaires majorée des intérêts de retard, payée à tort au titre des années 2010 à 2013, assortie des intérêts moratoires à compter du 1er octobre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros HT en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a mis à sa charge une preuve négative, alors qu'est applicable le régime de preuve objective ;

- c'est également à tort qu'il a considéré comme suffisants les éléments avancés par l'administration pour justifier l'affectation des salariés concernés au secteur financier ;

- seuls les dirigeants de la société peuvent être affectés au secteur financier ; les trois salariés au titre desquels est contestée la taxe sur les salaires n'ont aucune attribution dans le domaine financier, seules devant être prises en compte les attributions prévues au contrat de travail ; la perception des produits financiers, de même que l'octroi de prêts, sont décidés par les seuls mandataires sociaux et ne nécessitent aucune intervention des salariés ; la présomption d'affectation transversale ne joue qu'à l'égard des mandataires sociaux ;

- les conventions tripartites démontrent que MM. G. et M. interviennent exclusivement pour le compte de la filiale LDA et n'ont aucune activité financière pour le compte de la société Pacemar ; en témoigne, à cet égard, la refacturation intégrale à la filiale des rémunérations de ces personnels ;

- M. G., directeur général, a pour seule mission de concourir aux prestations de services rendues par la société Pacemar à sa filiale ; M. M., directeur, est dépourvu de toute responsabilité en matière financière au sein de la société Pacemar, mais seulement pour le compte de la société LDA et de ses filiales ; Mme L.-D., en sa qualité d'analyste financier, intervient exclusivement dans le secteur commercial et contribue aux prestations de services de nature financière rendues par la société Pacemar à sa filiale LDA ;

- le montant des intérêts de retard mis à sa charge doit, en tout état de cause, être limité à la somme de 35 127 euros dès lors qu'elle a indiqué à l'administration être disposée à payer les sommes rappelées dès le dépôt des déclarations, le retard mis par l'administration à notifier les rectifications ne lui étant pas imputable.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 30 novembre 2018 et 8 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé.

Par ordonnance du 24 novembre 2020 la clôture d'instruction a été fixée au 9 décembre 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Pacemar, société holding qui exerce, d'une part, une activité financière liée à la gestion de ses titres, non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, et, d'autre part, une activité commerciale de prestations de services rendus à son unique filiale, la société Louis-Dreyfus Armateurs (LDA), soumise à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de chacune des années précédant les années d'imposition en litige pour moins de 90 % de son chiffre d'affaires total était, de ce fait, passible de la taxe sur les salaires. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a mis à sa charge des rappels de taxe sur les salaires au titre des années 2010 à 2013, à raison de la réintégration, dans l'assiette de ladite taxe, des rémunérations brutes de plusieurs salariés dont elle estimait qu'ils étaient concurremment affectés aux deux secteurs d'activité de la société. Après avoir sollicité en vain la décharge partielle de ces rappels d'imposition, en ce qu'ils concernaient trois de ses salariés, la société Pacemar relève appel du jugement n° 1611461/1-1 du 27 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

2. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, les employeurs doivent payer une taxe sur les salaires " lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) ".

3. Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

4. La société requérante conteste l'assujettissement à la taxe sur les salaires des rémunérations de MM. G. et M., respectivement directeur général en 2010 et directeur puis directeur général, et de Mme L.-D., analyste financier. Elle fait valoir que les deux premiers interviennent exclusivement pour le compte de la filiale LDA et n'ont aucune activité financière au sein de la société Pacemar elle-même, que M. G. avait pour seule mission de concourir aux prestations de services rendus par la société à sa filiale, que M. M. est dépourvu de toute responsabilité en matière financière au sein de la société elle-même, mais seulement pour le compte de la société LDA et de ses filiales et que Mme L.-D., en sa qualité d'analyste financier, intervient exclusivement dans le secteur commercial et contribue aux prestations de services de nature financière rendues par la société Pacemar à sa filiale LDA. Elle se prévaut, de nouveau en appel, de la refacturation intégrale à sa filiale des rémunérations des trois salariés en cause.

5. Toutefois, il ressort des documents produits au dossier qu'aux termes d'une convention tripartite de mutation signée le 1er novembre 2007 entre la société LDA, la société Pacemar et M. G., l'intéressé, jusque-là directeur général de la société LDA, était engagé avec effet immédiat par la société Pacemar, qui reprenait son contrat de travail. A compter de cette date, M. G. exerçait, dès lors, au sein et pour le compte de la société Pacemar, les fonctions de directeur général, fonctions par nature transversales. Aucun document produit au dossier ne précise les attributions de l'intéressé, ni en tout état de cause ne laisse supposer que ses fonctions n'étaient exercées qu'à l'égard de la filiale. De même, la convention tripartite de mutation du

1er juillet 2010, signé entre les deux sociétés et M. M., prévoit que l'intéressé, alors directeur général adjoint de la société LDA, est muté, avec effet immédiat, auprès de la société Pacemar, pour y exercer les fonctions de directeur, fonctions par nature transversales, son contrat de travail restant également inchangé. Il succèdera courant 2010 à M. G. pour exercer les fonctions de directeur général. La fiche de poste établie lors de son recrutement par la filiale LDA exigeait d'ailleurs des compétences managériales, commerciales et financières. Là encore, aucun document ne précise ses attributions au sein de la société Pacemar, ni ne laisse supposer que celles-ci auraient été limitées lors de sa mutation au sein de cette société. Enfin, le contrat de travail signé le 6 septembre 2010, par la société Pacemar elle-même, avec Mme L.-D. indique que l'intéressée est engagée en qualité d'analyste financier. Ce contrat ne précise à aucun moment que ses attributions seraient limitées à la gestion financière de la filiale. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a considéré que ces trois salariés devaient être regardés comme étant affectés concurremment aux deux secteurs d'activité de la société au cours des années en litige. La circonstance que la société requérante refacturait l'intégralité de la rémunération des salariés en cause à sa filiale LDA ne suffit pas, par elle-même, à considérer que les attributions des intéressés étaient limitées au sein de la société Pacemar, en dépit de l'intitulé de leurs postes respectifs.

Sur les intérêts de retard :

6. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts " (...) IV. 1. L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement. (...). 3. Lorsqu'il est fait application de l'article 1728, le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification ou du mois au cours duquel la déclaration ou l'acte a été déposé. ". Aux termes de l'article 1728 du même code, celui-ci s'applique en cas de " défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ".

7. Par les motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 11. de son jugement, et qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, les conclusions tendant à la réduction du montant des intérêts de retard, au motif que la société requérante avait indiqué à l'administration être disposée à payer les sommes rappelées dès le dépôt des déclarations et que le retard mis par l'administration à notifier les rectifications ne lui est pas imputable, ne peut qu'être écarté, l'intérêt de retard ne constituant pas une sanction mais ayant pour seul objet de réparer le préjudice subi par le Trésor du fait de l'écoulement du temps.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pacemar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut, en conséquence qu'être rejetée, ensemble, par voie de conséquence, ses conclusions à fin de restitution et de versement des intérêts moratoires, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Pacemar est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Pacemar et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 3 février 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2021.

Le président-rapporteur,

I. A...

L'assesseur le plus ancien,

F. MAGNARD

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA02536 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02536
Date de la décision : 17/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET BENICHOU et RONTCHEVSKY (SCP)

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-17;18pa02536 ?
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