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15/02/2021 | FRANCE | N°20PA01371

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 février 2021, 20PA01371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération générale Force Ouvrière Construction a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle la ministre du travail a implicitement refusé de prendre un arrêté de représentativité dans le champ du bâtiment et des travaux publics et d'enjoindre à la ministre du travail de prendre un arrêté de représentativité dans le champ du bâtiment et des travaux publics précisant la liste des organisations représentatives ainsi que leur poids pour la négociation des acc

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération générale Force Ouvrière Construction a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle la ministre du travail a implicitement refusé de prendre un arrêté de représentativité dans le champ du bâtiment et des travaux publics et d'enjoindre à la ministre du travail de prendre un arrêté de représentativité dans le champ du bâtiment et des travaux publics précisant la liste des organisations représentatives ainsi que leur poids pour la négociation des accords collectifs dans un délai de 30 jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard en cas de retard au-delà du 30ème jour suivant la notification de la décision à intervenir.

Par un jugement n° 1912328/3-3 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés respectivement le 29 mai 2020 et le

21 janvier 2021, la Fédération générale Force Ouvrière Construction, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1912328/3-3 du 11 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision par laquelle la ministre du travail a implicitement refusé de prendre un arrêté de représentativité dans les travaux publics et le bâtiment ;

3°) d'enjoindre à la ministre du travail de prendre un arrêté de représentativité dans le champ du bâtiment et des travaux publics précisant la liste des organisations représentatives ainsi que leur poids pour la négociation des accords collectifs, sous astreinte de 500 euros par jour de retard au-delà du 30ème jour suivant la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le bâtiment et travaux publics constituant une branche professionnelle, la ministre du travail était tenue, en application de l'article L. 2122-11 du code du travail, de fixer la liste des organisations syndicales représentatives dans cette branche ; en ne prenant pas cet arrêté de représentativité dans cette branche et en rejetant implicitement sa demande, la ministre du travail a méconnu les dispositions de l'article L. 2122-11 du code du travail.

Les parties ont été informées le 21 janvier 2021, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision paraissait susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office tiré de ce que le tribunal administratif de Paris était incompétent, en vertu de l'article R. 311-2 du code de justice administrative, au bénéfice de la cour administrative d'appel de Paris, compétente en premier et dernier ressort, et qu'elles pouvaient présenter leurs observations sur ce moyen jusqu'à la date de l'audience fixée au 28 janvier 2021.

Par un mémoire enregistré le 26 janvier 2021, la Fédération générale Force Ouvrière Construction conclut aux mêmes fins que sa requête et soutient, en réponse au moyen relevé d'office qui lui a été communiqué, que le tribunal administratif de Paris était bien compétent pour connaître du litige, qui ne relevait pas des dispositions de l'article R. 311-2 du code de justice administrative, et qu'à supposer même le tribunal administratif n'ait pas été compétent pour statuer sur cette demande, la juridiction compétente est désormais saisie et appréciera le bien-fondé de sa requête.

Un mémoire a été produit par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion le

27 janvier 2021, soit après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 ;

- l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 27 décembre 2013 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans les travaux publics ;

- l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 27 décembre 2013 du 27 décembre 2013 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans le bâtiment ;

- l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 27 décembre 2013 du 27 décembre 2013 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans les travaux publics et le bâtiment ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me C..., avocat de la Fédération générale Force Ouvrière Construction.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Aux termes de l'article R. 311-2 du code de justice administrative : " La cour administrative d'appel de Paris est compétente pour connaître en premier et dernier ressort : / 1° Des recours dirigés contre les arrêtés du ministre chargé du travail relatifs à la représentativité des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs, pris en application des articles L. 2122-11 et L. 2152-6 du code du travail ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-11 du code du travail : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10. / (...) ".

2. Il résulte des dispositions précitées que la Cour est compétente pour connaître des recours dirigés contre l'ensemble des actes relatifs à la procédure d'édiction des arrêtés du ministre chargé du travail relatifs à la représentativité des organisations syndicales de salariés, pris en application de l'article L. 2122-11 du code du travail. La décision implicite de refus litigieuse de la ministre du travail opposée à la demande de la Fédération générale Force Ouvrière Construction tendant à ce que soit pris un arrêté de représentativité fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans le champ du bâtiment et des travaux publics étant au nombre de ces actes, le litige relevait ainsi, en vertu des dispositions précitées, de la compétence de la Cour en premier et dernier ressort. Par suite, le jugement attaqué en date du 11 février 2020, par lequel le tribunal administratif de Paris s'est reconnu compétent pour connaître de la demande de la Fédération générale Force Ouvrière Construction, doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la Fédération générale Force Ouvrière Construction.

Sur la légalité du refus implicite de la ministre du travail de prendre un arrêté de représentativité :

4. Aux termes de l'article L. 2121-1 du code du travail : " La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : / 1° Le respect des valeurs républicaines ; / 2° L'indépendance ; / 3° La transparence financière ; / 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation (...); / 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; / 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; / 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations ". Aux termes de l'article L. 2121-2 du même code : " S'il y a lieu de déterminer la représentativité d'un syndicat ou d'une organisation professionnelle autre que ceux affiliés à l'une des organisations représentatives au niveau national, l'autorité administrative diligente une enquête. / L'organisation intéressée fournit les éléments d'appréciation dont elle dispose ". Aux termes de l'article L. 2122-11 du même code : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle (...) ". Aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 2232-5 du même code : " Sauf disposition contraire, les termes " convention de branche " désignent la convention collective et les accords de branche, les accords professionnels et les accords interbranches. ".

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que si les activités des travaux d'aménagement des terres et des eaux, voiries, parcs et jardins (code d'activité principale exercée 55.10), des travaux d'infrastructure générale (code APE 55.12), des entreprises de forage, sondages, fondations spéciales (code APE 55.20), des constructions d'ossatures autres que métalliques (code APE 55.30), des installations industrielles, montage-levage (code APE 55.31), de l'installation électrique (code APE 55.40), de la construction industrialisée (code APE 55.50), de la maçonnerie et travaux courants de béton armé (code APE 55.60) et du génie climatique (code APE 55.70) sont visées à la fois par la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment et par celle des ouvriers des travaux publics, un code identique d'activité principale, issu de la nomenclature de l'Institut national de la statistique et des études économiques, peut recouvrir des activités distinctes qui relèvent pour certaines de la convention collective nationale du bâtiment ou pour d'autres de celle des travaux publics, comme en ce qui concerne l'installation électrique (code APE 55.40) ou de la construction industrialisée (code APE 55.50). De plus, certaines activités relèvent de la seule convention collective nationale du bâtiment (construction métallique(code APE 21.06) ; fabrication et installation de matériel aéraulique, thermique et frigorifique (code APE 24.03) ; menuiserie - serrurerie (code APE 55.71) ; couverture - plomberie - installation sanitaire (code APE 55.72) ; aménagements - finitions (code APE 55.73) ; services de nettoyage (code APE 87-08) ou de la seule convention collective nationale des travaux publics (construction de lignes de transport d'électricité (code APE 55.11) ; construction de chaussées (code APE 55.13), dont au demeurant certaines, comme la couverture - plomberie, comprennent un nombre important d'entreprises et de salariés. Il s'ensuit que l'ensemble des activités relevant des conventions collectives du bâtiment et des conventions collectives des travaux publics ne peuvent être regardées comme formant un même secteur d'activité, et donner ainsi lieu à la mesure de la représentativité des organisations syndicales de salariés des entreprises dont l'activité relèverait d'un tel même secteur.

6. En second lieu, dès lors qu'il est loisible aux organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans les périmètres assimilables à une branche du bâtiment, d'une part, et des travaux publics, d'autre part, de négocier des accords interbranches dans les conditions de validité prévues à l'article L. 2232-6 du code du travail, la détermination de la représentativité des organisations précitées dans un périmètre comprenant le bâtiment et les travaux publics n'apparaît pas utile pour une négociation en cours ou à venir. En outre, la fédération requérante ne saurait se fonder, à l'appui de sa demande, sur la circonstance que le ministre chargé du travail, à la suite des élections professionnelles de 2013, par trois arrêtés du 27 décembre 2013, a fixé la liste des organisations syndicales d'une part " reconnues représentatives dans le champ couvert par l'ensemble des conventions collectives des travaux publics ", d'autre part " reconnues représentatives dans le champ couvert par l'ensemble des conventions collectives du bâtiment ", et enfin " reconnues représentatives dans le champ couvert par l'ensemble des conventions collectives des travaux publics et du bâtiment ", dès lors qu'à cette date les accords interbranches n'avaient pas d'existence juridique, le 2ème alinéa de l'article

L. 2232-5 du code du travail, qui dispose que " Sauf disposition contraire, les termes " convention de branche " désignent la convention collective et les accords de branche, les accords professionnels et les accords interbranches ", n'ayant été introduit dans le code du travail que par l'article 1er de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective.

7. Il résulte de ce qui précède que la Fédération générale Force Ouvrière Construction n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle la ministre du travail a implicitement refusé de prendre un arrêté de représentativité dans le périmètre des travaux publics et du bâtiment au motif qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les frais liés à l'instance :

8. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la Fédération générale Force Ouvrière Construction doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 février 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la Fédération générale Force Ouvrière Construction devant le tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération générale Force Ouvrière Construction et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2021.

La présidente de la 8ème Chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 20PA01371


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01371
Date de la décision : 15/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-05-01 Travail et emploi. Syndicats. Représentativité.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : FORGIONE CLAUDIA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-15;20pa01371 ?
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