Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Union départementale des associations familiales (UDAF) d'Indre-et-Loire, agissant en tant que mandataire judiciaire de Mme D... C..., a demandé à la commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire d'annuler la décision du 23 août 2016 par laquelle le président du conseil départemental d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande d'aide sociale pour la prise en charge des frais d'hébergement de Mme C... à l'EPHAD Les Sablonnières de Sainte Maure de Touraine au motif que cette dernière disposait de liquidités suffisantes pour financer ses dépenses d'hébergement.
Par une décision du 15 mars 2017, la commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire a rejeté la demande de l'UDAF d'Indre-et-Loire.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 mai 2017, le 7 septembre, et le
20 septembre 2020, l'UDAF d'Indre-et-Loire, agissant en tant que mandataire judiciaire de
Mme D... C..., représentée par Me A... B..., demande à la Cour :
1°) de réformer la décision de la commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire ;
2°) d'admettre Mme C... à l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement à l'EPHAD Les Sablonnières de Sainte Maure de Touraine à compter du 1er octobre 2016 ;
3°) de mettre à la charge du conseil départemental d'Indre-et-Loire le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en 2016, Mme C... bénéficie de deux pensions de retraite, d'une prestation compensatoire et d'un résiduel d'allocation adulte handicapé (AAH) pour un montant total de 1 272,01 euros, et de 112,53 euros mensuels d'intérêts de placement ; elle a un droit à l'allocation logement de 111 euros ; ses dépenses totales sont de 1 943,37 euros, soit un déficit mensuel de 558,83 euros ;
- en 2017, Mme C... bénéficie de deux pensions de retraite, d'une prestation compensatoire et d'un résiduel d'AAH pour un montant total de 1 275,01 euros, et de 88,54 euros mensuels d'intérêts de placement ; elle a un droit à l'allocation logement de 99 euros ; ses dépenses totales sont de 1 956,07 euros, soit un déficit mensuel de 592,52 euros ;
- il convient, pour l'appréciation de ses ressources, conformément à l'article L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles de prendre en compte les revenus du capital, et non le capital lui-même ;
- la commission départementale n'avait pas, pour motiver sa décision, à relever la notion d'état de besoin, qui n'était pas l'objet de l'action ouverte devant cette juridiction.
Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2017, le président du conseil départemental d'Indre-et-Loire a demandé le rejet du recours introduit par l'UDAF d'Indre-et-Loire pour Mme C....
Il soutient que :
- le déficit mensuel évalué à 672,12 euros peut être couvert par les disponibilités dont dispose Mme C... pour un montant de 59 073,59 euros de placements ;
- compte tenu de l'absence de situation de besoin de Mme C..., il serait probablement débouté de sa demande de recours à l'obligation de participation des obligés alimentaires de Mme C....
Par une décision du 24 novembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris, a admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00427.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., magistrat honoraire,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
1. Mme C... a été admise à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes à compter du 22 décembre 2015. Le juge des tutelles du Tribunal d'instance de Tours ayant maintenu l'UDAF d'Indre-et-Loire en sa qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs pour représenter Mme C... par jugement du 1er octobre 2013, cette association a demandé l'admission de Mme C... à l'aide sociale à l'hébergement, qui a été refusée par le département d'Indre-et-Loire par décision du 19 septembre 2016. L'UDAF d'Indre-et-Loire demande l'annulation de la décision du 15 mars 2017 par laquelle la commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire a rejeté son recours contre la décision du président du conseil départemental, ensemble cette décision, et de prononcer l'admission de Mme C... à l'aide sociale.
2. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier soit d'une aide à domicile, soit d'un placement chez des particuliers ou dans un établissement " ; à cette fin, conformément à l'article L. 132-1 de ce même code, " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ". L'article R. 132-1 du même code prévoit que : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu (...) sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à (...) 3 % du montant des capitaux ".
3. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu tenir compte, pour apprécier les ressources des personnes demandant l'aide sociale, des seuls revenus périodiques, tirés notamment d'une activité professionnelle, du bénéfice d'allocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et des revenus des capitaux mobiliers et immobiliers ; à défaut de placement de ces derniers, dès lors qu'il ne s'agit pas de l'immeuble servant d'usage principal d'habitation, il a prévu d'évaluer fictivement les revenus que l'investissement de ces capitaux serait susceptible de procurer au demandeur ; en tout état de cause, il a écarté la prise en compte du montant des capitaux eux-mêmes dans l'estimation de ces ressources.
4. Une demande d'aide sociale pour la prise en charge des frais d'hébergement a été déposée pour Mme C... à compter du 1er octobre 2016. Le président du conseil général d'Indre-et-Loire a rejeté cette demande au regard de la situation financière de Mme C.... La commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire a confirmé la décision au motif que, compte tenu du montant de ses capitaux, Mme C... avait les capacités financières pour subvenir au coût de son hébergement et n'était pas en situation de besoin.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... dispose de deux pensions de retraite, d'une prestation compensatoire et d'un résiduel d'allocation adulte handicapé (AAH) pour un montant mensuel total de 1 272,01 euros en 2016 et de 1 275,01 euros en 2017. Son droit mensuel à l'allocation logement s'élevait à 111 euros en 2016 et à 99 euros en 2017. Elle a perçu un montant mensuel d'intérêts de placement de 112,53 euros en 2016 et de 88,54 euros en 2017. Ses dépenses totales s'élevaient donc à 1 943,37 euros en 2016 et à 1 956,07 euros en 2017. Dès lors, et sans que le président du conseil départemental puisse utilement faire valoir que, compte tenu des capitaux de Mme C..., celle-ci ne serait pas reconnue comme étant dans une situation de besoin par le juge aux affaires familiales, l'UDAF d'Indre-et-Loire est fondée à soutenir que les ressources de Mme C..., calculées conformément aux dispositions précitées des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles, ne lui permettaient pas de régler ses frais d'hébergement. Toutefois, dès lors que Mme C... dispose de personnes susceptibles d'être ses obligés alimentaires, il appartient au président du conseil départemental d'Indre-et-Loire, s'il s'y croit fondé, de fixer la participation de ces obligés alimentaires pour calculer et liquider le montant de l'aide sociale à laquelle celle-ci peut prétendre.
6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler ensemble les décisions du président du conseil départemental d'Indre-et-Loire du 23 août 2016 et de la commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire du 15 mars 2017 et d'enjoindre au département d'Indre-et-Loire de réexaminer la demande d'aide sociale à l'hébergement " personne âgée " de Mme C... à compter du 1er octobre 2016 en prenant en compte ses revenus ainsi qu'une éventuelle participation de ses obligés alimentaires.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil départemental d'Indre-et-Loire le versement à Mme C... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les décisions du président du conseil départemental d'Indre-et-Loire du 23 août 2016 et de la commission départementale d'aide sociale d'Indre-et-Loire du 15 mars 2017 sont annulées.
Article 2 : Mme C... est admise au bénéfice de l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement à compter du 1er octobre 2016 et est renvoyée devant le président du conseil départemental d'Indre-et-Loire pour le calcul et la liquidation de ses droits.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union départementale des associations familiales (UDAF) d'Indre-et-Loire ès qualités de mandataire judiciaire de Mme D... C... et au président du conseil départemental d'Indre-et-Loire.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Vinot, président de chambre,
M. Luben, président assesseur,
Mme E..., magistrat honoraire.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
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N° 19PA00427