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11/02/2021 | FRANCE | N°20PA01265

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 février 2021, 20PA01265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2018 par lequel le préfet de la Seine-et-Marne a refusé de lui octroyer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 1809209 du 7 février 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée

le 29 avril 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2018 par lequel le préfet de la Seine-et-Marne a refusé de lui octroyer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 1809209 du 7 février 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1809209 du 7 février 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2018 du préfet de la Seine-et-Marne;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente du règlement de sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet devait saisir la commission du titre de séjour prévue par les dispositions de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie de plus de dix ans de résidence habituelle en France ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11 (7°) du code précité ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la même convention ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie d'exception, dès lors que la décision portant refus de titre de séjour est elle-même illégale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code précité ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention précitée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code précité et l'article 3 de la même convention.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-et-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européennne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant turc, né en avril 1973, a sollicité l'octroi d'un titre de séjour. Par un arrêté du 2 octobre 2018, le préfet de la Seine-et-Marne a refusé de lui octroyer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. M. B... fait appel du jugement du 7 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué mentionne notamment les articles L. 313-11 (7°), L.313-14 et L. 511-1 paragraphe I et II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur les fondements desquels le préfet a examiné la demande, et est ainsi suffisamment motivé en droit. Il expose les considérations de fait qui fondent le rejet de la demande, et notamment que M. B... ne dispose pas d'un visa long séjour, que s'il a déclaré résider en France depuis 2007, il ne maîtrise toujours pas la langue française, qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où résident son épouse et ses enfants et où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans, et qu'il ne peut ainsi prétendre au bénéfice des dispositions du 7° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté précise également que le requérant n'établit pas que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code précité répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels. Dès lors, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

4. D'une part, M. B... soutient qu'à la date de la décision contestée, il résidait en France de façon habituelle depuis plus de dix ans. Toutefois, l'intéressé ne produit pas d'éléments probants pour établir de façon certaine sa résidence habituelle en France en 2012, 2016 et 2017. Pour l'année 2012, M. B... ne produit qu'un formulaire de demande d'admission exceptionnelle au séjour non rempli, une attestation de fonction bénévole pour l'association " Cap Kindia ", deux attestations médicales, deux courriers et une ordonnance médicale. Pour l'année 2016, il ne produit qu'une carte d'aide médicale d'Etat valable d'août 2016 à août 2017, une attestation médicale et trois factures. Enfin, pour 2017, il ne produit que deux courriers, un relevé de l'assurance maladie et plusieurs documents relatifs à deux hospitalisations des 3 mars et 17 août 2017. Dans ces conditions, les seuls justificatifs produits sont insuffisamment nombreux et probants pour établir la résidence habituelle de l'intéressé en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Le préfet de la Seine-et-Marne n'était ainsi pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

5. D'autre part, en faisant état de la durée de sa résidence en France et de la circonstance qu'il travaille, M. B... ne justifie pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il est sans charge de famille en France et que son épouse ainsi que ses enfants résident en Turquie. Dès lors, le préfet de la Seine-et-Marne a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de régulariser sa situation en application de ces dispositions.

6. En troisième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. B... fait valoir qu'il justifie d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans et y travaille. Toutefois, ainsi qu'il a précédemment été dit, le requérant est en France célibataire et sans charge de famille et n'y établit pas la durée de son séjour ni son insertion sociale et professionnelle, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident son épouse et ses enfants et où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 33 ans. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de lui délivrer un titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

8. En premier lieu, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour lorsqu'elle accompagne un refus de délivrance d'un titre de séjour, lequel est en l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 2, suffisamment motivé en droit comme en fait. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

10. En troisième lieu, dans les circonstances précédemment décrites, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés individuelles. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que ladite décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... ne peut qu'être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

11. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations n'est opérant qu'à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

12. M. B... soutient que, du fait de ses activités politiques, son retour en Turquie l'expose à subir des traitements inhumains et dégradants au sens des dispositions et stipulations des articles précités. Toutefois, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations permettant d'établir qu'il encourt des risques actuels le visant personnellement en cas de retour dans son pays d'origine, alors que ses demandes d'asile ont été rejetées tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête d'appel, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas partie perdante, ne peut qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M C..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le Président,

S. DIÉMERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01265 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01265
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SELARL JOVE-LANGAGNE-BOISSAVY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-11;20pa01265 ?
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