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11/02/2021 | FRANCE | N°19PA01117

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 février 2021, 19PA01117


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Paris a refusé de condamner l'État à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive des décisions de mutation d'office des 28 août 2015 et 30 mai 2016, du défaut de protection fonctionnelle par l'administration rectorale et des faits de harcèlement moral dont il se dit avoir été victime de la part de

l'équipe enseignante d'EPS et du proviseur du collège-lycée François Villon.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Paris a refusé de condamner l'État à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive des décisions de mutation d'office des 28 août 2015 et 30 mai 2016, du défaut de protection fonctionnelle par l'administration rectorale et des faits de harcèlement moral dont il se dit avoir été victime de la part de l'équipe enseignante d'EPS et du proviseur du collège-lycée François Villon.

Par un jugement n° 1700152 du 23 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mars 2019 et 8 janvier 2021, M. D... représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700152 du 23 janvier 2019 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le recteur de l'académie de Paris a implicitement rejeté sa demande préalable d'indemnisation en date du 18 août 2016 ;

3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 100 000 euros au titre des préjudices subis dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 8 350 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les deux décisions illégales de mutation d'office des 28 août 2015 et 30 mai 2016, l'inaction de l'administration face au harcèlement moral dont il a été victime de la part de l'équipe éducative du collège-lycée François Villon et du rectorat de l'académie de Paris, et l'absence de protection par les services rectoraux engagent la responsabilité de l'État pour faute ;

- les fautes commises par le recteur de l'académie de Paris lui ont fait perdre une partie substantielle de sa rémunération de professeur principal d'éducation physique et sportive, responsable d'une section sportive scolaire de football féminin ainsi que les avantages de carrière liés à son ancienneté de 10 ans et son affectation dans un collège classé en réseau d'éducation prioritaire et un lycée classé en zone sensible et ont conduit à une dégradation de son état de santé durant l'année scolaire 2016/2017 et ont constitué une atteinte à son honneur et à la dignité ainsi qu'à sa réputation personnelle et professionnelle ;

- il évalue l'ensemble de ses préjudices financier et moral à une somme de 100 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré, le 21 septembre 2020, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., professeur certifié d'éducation physique et sportive, était affecté depuis le 1er septembre 2005 au collège-lycée François Villon, dans le 14ème arrondissement de Paris. Par une décision du 28 août 2015, le recteur de l'académie de Paris l'a affecté provisoirement sur un poste de chargé de mission au rectorat de Paris. Cette décision a été annulée pour un vice de procédure par un jugement n° 1514528 du 9 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris. Par un arrêté du 30 mai 2016, le recteur de l'académie de Paris a de nouveau muté M. D... dans l'intérêt du service et l'a affecté au collège Jean Moulin, dans le 14ème arrondissement de Paris. Par un courrier du 1er août 2016, réceptionné le 16 août 2016, M. D... a demandé au recteur de l'académie de Paris de l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité des deux décisions de mutation d'office des 28 août 2015 et 30 mai 2016 prises à son encontre, de l'inaction de l'administration face au harcèlement moral dont il a été victime au collège François Villon de la part de l'équipe éducative depuis 2008, et de l'absence de protection fonctionnelle de la part du rectorat de Paris. En l'absence de réponse du recteur de l'académie de Paris, une décision implicite de rejet est intervenue. Par un jugement n° 1700152 du 23 janvier 2019, dont M D... fait appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur l'engagement de la responsabilité de l'État :

2. En premier lieu, l'annulation pour vice de forme ou de procédure d'une mesure de mutation d'office d'un agent public n'est pas de nature à engager la responsabilité de la personne publique si la mesure de mutation était justifiée au fond.

3. Il est constant que les décisions de mutation dans l'intérêt du service des 28 août 2015 et 30 mai 2016 ont été prises en raison des difficultés relationnelles persistantes rencontrées par M. D... avec ses collègues enseignants en éducation physique et sportive au collège-lycée François Villon depuis environ huit années. M. D... ne conteste pas la réalité de ces relations conflictuelles, mais les impute exclusivement au comportement de ses collègues d'éducation physique et sportive qui refuseraient de communiquer avec lui et jalouseraient sa décharge d'activité de huit heures d'enseignement et ses excellents résultats sportifs obtenus avec l'équipe féminine de football du collège François Villon. Il résulte néanmoins de l'instruction que le recteur de l'académie de Paris a tenté en vain plusieurs médiations. En dépit des invitations qui ont été faites à M. D... de participer aux commissions de l'établissement et réunions organisées par les professeurs d'éducation physique et sportive et de partager avec d'autres enseignants de la même discipline ses fonctions de responsable de la section sportive scolaire du collège, ce dernier a persisté dans son attitude d'isolement du reste de la communauté scolaire et de contestation systématique des décisions prises par le chef d'établissement de la cité scolaire François Villon ou le comité directeur de l'union nationale de sport scolaire, notamment en ce qui concerne le projet de partition de la cité scolaire François Villon et la non-participation de la section sportive scolaire aux championnats de France de l'union nationale du sport scolaire. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que les décisions de mutation d'office aient été prises dans un autre but que celui de rétablir la sérénité au sein de l'établissement scolaire. En l'absence d'illégalité de ces décisions, aucune faute ne peut être reprochée aux services rectoraux.

4. En deuxième lieu, M. D... soutient que son changement d'affectation par la décision du 28 août 2015 serait à l'origine, du fait de son changement d'environnement professionnel, d'une dégradation de son état de santé. Toutefois, en l'absence de toute illégalité au fond des décisions de mutation d'office dans l'intérêt du service, aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'État n'a été commise par les services rectoraux. Par ailleurs, La circonstance que M. D... n'aurait pas pu, immédiatement après sa prise de fonctions au rectorat, disposer de certaines fournitures de bureau ou de cartes de visite ne peut être regardée comme susceptible de faire présumer de l'existence d'un harcèlement moral. Les relations entre M. C..., inspecteur pédagogique régional et supérieur hiérarchique de M. D..., à qui ce dernier devait soumettre certaines initiatives pour validation, constituent la simple mise en oeuvre du pouvoir hiérarchique sans en excéder les limites. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les différentes décisions de l'administration, prises dans le seul intérêt du service, sont justifiées par des considérations étrangères à tout harcèlement.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa version en vigueur à la date de la demande de protection fonctionnelle formée par M. D... : " (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.(...) ". Aux termes de l'article 23 de la même loi : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ".

6. M. D... soutient que l'administration rectorale aurait manqué à ses obligations de protection fonctionnelle et de préservation de la sécurité de ses agents, prévues par les dispositions précitées des articles 11 et 23 de la loi du 13 juillet 1983. Toutefois, le requérant produit pour la première fois en appel la demande de protection fonctionnelle qu'il a présentée le 1er septembre 2014 à la suite de l'attaque verbale dont il dit avoir fait l'objet de la part d'une enseignante de français lors d'un conseil de classe réuni le 12 juin 2014. Il ressort tant du courrier de demande de protection rédigé par M. D... que d'un témoignage de son collègue enseignant d'anglais que l'enseignante de français mise en cause par l'intéressé aurait uniquement émis des critiques sur le travail de M. D... devant les membres du conseil de classe. De tels propos ne peuvent être qualifiés d'attaques au sens de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ni constituer une atteinte à la sécurité des agents au sens de l'article 23 de la même loi. Dans ces conditions, l'administration n'était pas tenue d'accorder à M. D... la protection demandée et n'a commis aucun manquement à ses obligations de protection.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration rectorale n'ayant commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'État, M. D... n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. D... doivent dès lors être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Paris.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le rapporteur,

I. B...Le président,

S.L. FORMERY

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01117


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01117
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Stagiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : RABBE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-11;19pa01117 ?
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