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11/02/2021 | FRANCE | N°19PA00531

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 11 février 2021, 19PA00531


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Somme a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Somme d'annuler la décision du 13 octobre 2016 du président du conseil départemental de la Somme en tant qu'elle prévoit que l'aide sociale à domicile attribuée à Mme C... D... interviendra désormais selon le mode " mandataire ".

Par une décision du 10 mars 2017, la commission départementale d'aide sociale de la Somme a débouté le président du conseil départemental de la Somme de sa demande de non-lieu à st

atuer, annulé sa décision concernant la prise en charge en mode mandataire de l'interve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Somme a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Somme d'annuler la décision du 13 octobre 2016 du président du conseil départemental de la Somme en tant qu'elle prévoit que l'aide sociale à domicile attribuée à Mme C... D... interviendra désormais selon le mode " mandataire ".

Par une décision du 10 mars 2017, la commission départementale d'aide sociale de la Somme a débouté le président du conseil départemental de la Somme de sa demande de non-lieu à statuer, annulé sa décision concernant la prise en charge en mode mandataire de l'intervention au domicile de Mme D..., débouté le préfet de la Somme de sa demande de validation du plan d'aide élaboré le 13 octobre 2016 et renvoyé au conseil départemental de la Somme le dossier de Mme D... pour évaluation dans le délai de vingt jours à compter de la date de la notification de la présente décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête du 10 mai 2017, le président du conseil départemental de la Somme a demandé à la commission centrale d'aide sociale d'annuler la décision de la commission départementale d'aide sociale en ce qu'elle l'a notamment débouté de sa demande de non-lieu à statuer, a annulé sa décision datée du 16 décembre 2016 concernant la prise en charge en mode mandataire de l'intervention au domicile de Mme D... et lui a renvoyé le dossier de Mme D... pour évaluation dans le délai de vingt jours à compter de la date de la notification de la décision de la commission départementale.

Il soutient que :

- la commission départementale d'aide sociale de la Somme statuant sur le litige ne comprenait pas de commissaire du Gouvernement et était donc irrégulièrement composée ;

- le recours présenté par le préfet de la Somme en date du 13 octobre 2016 était dirigé contre une décision qui n'existait pas, la décision du président du conseil départemental n'étant intervenue que le 16 décembre 2016 ;

- seul le président du conseil départemental étant compétent pour attribuer l'allocation personnalisée d'autonomie, la commission départementale d'aide sociale, en annulant la " décision du conseil départemental de la Somme datée du 16 décembre 2016 concernant la prise en charge en mode mandataire de l'intervention au domicile de Mme C... D... ", a annulé une décision qui n'existait pas ;

- sa propre décision du 16 décembre 2016 n'existait plus car, ayant été retirée le 22 février 2017, elle avait disparu de l'ordonnancement juridique.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2018, présenté par Me A..., le préfet de la Somme a demandé à la commission centrale d'aide sociale de rejeter la requête du président du conseil départemental de la Somme et de mettre à la charge de celui-ci le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commission départementale d'aide sociale de la Somme était régulièrement composée lors de la séance au cours de laquelle a été examinée l'affaire, le président de la commission n'ayant aucune obligation de demander au commissaire du gouvernement de prononcer ses conclusions ;

- en admettant la recevabilité du recours préfectoral, les premiers juges n'ont commis aucune erreur de droit, une décision implicite de rejet opposée par le président du conseil départemental à la demande de Mme D... étant née à la date du recours présenté par le préfet et la décision explicite de rejet s'étant substituée à cette décision implicite ;

- la seule circonstance que le président du conseil général ait procédé au retrait de la décision litigieuse n'a pas nécessairement eu pour effet de conduire à la satisfaction du requérant ; aucune décision accordant l'allocation personnalisée d'autonomie selon le mode prestataire avec un nombre d'heures correspondant au besoin d'aide à domicile de la personne âgée n'étant intervenue, le litige demeurait entier ;

- le refus d'octroi de l'allocation personnalisée d'autonomie est entaché de plusieurs irrégularités ; le plan d'aide ne comporte en effet qu'une seule signature, au surplus celle d'une infirmière et non d'un médecin ;

- la possibilité pour le département de choisir le mode d'intervention pour des raisons budgétaires ne saurait entraîner une réduction du nombre d'heures d'aide à domicile.

Vu les autres pièces du dossier.

En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00531.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E..., magistrat honoraire, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 113-1-1 du code de l'action sociale et des familles : " Dans les conditions définies au chapitre II du titre III du livre II, la personne âgée en perte d'autonomie a droit à des aides adaptées à ses besoins et à ses ressources, dans le respect de son projet de vie, pour répondre aux conséquences de sa perte d'autonomie, quels que soient la nature de sa déficience et son mode de vie. " ; qu'aux termes de l'article L113-1-2 du même code : " Les personnes âgées et leurs familles bénéficient d'un droit à une information sur les formes d'accompagnement et de prise en charge adaptées aux besoins et aux souhaits de la personne âgée en perte d'autonomie (...) ". Aux termes de l'article L. 232-3 dudit code : " Lorsque l'allocation personnalisée d'autonomie est accordée à une personne résidant à domicile, elle est affectée à la couverture des dépenses de toute nature relevant d'un plan d'aide élaboré par une équipe médico-sociale, sur la base de l'évaluation multidimensionnelle mentionnée à l'article L. 232-6 ". Aux termes de l'article L. 232-6 de ce code : " L'équipe médico-sociale : 1o Apprécie le degré de perte d'autonomie du demandeur, qui détermine l'éligibilité à la prestation, sur la base de la grille nationale mentionnée à l'article L. 232-2 ; / 2o Evalue la situation et les besoins du demandeur et de ses proches aidants. Cette évaluation est réalisée dans des conditions et sur la base de référentiels définis par arrêté du ministre chargé des personnes âgées ; / 3o Propose le plan d'aide mentionné à l'article L. 232-3, informe de l'ensemble des modalités d'intervention existantes et recommande celles qui lui paraissent les plus appropriées compte tenu du besoin d'aide et de la perte d'autonomie du bénéficiaire et des besoins des proches aidants, ainsi que des modalités de prise en charge du bénéficiaire en cas d'hospitalisation de ces derniers. L'information fournie sur les différentes modalités d'intervention est garante du libre choix du bénéficiaire et présente de manière exhaustive l'ensemble des dispositifs d'aide et de maintien à domicile dans le territoire concerné ; 4o Identifie les autres aides utiles, dont celles déjà mises en place, au soutien à domicile du bénéficiaire, y compris dans un objectif de prévention, ou au soutien de ses proches aidants, non prises en charge au titre de l'allocation qui peut lui être attribuée. / Dans les cas de perte d'autonomie les plus importants déterminés par voie réglementaire, lorsque le plan d'aide prévoit l'intervention d'une tierce personne à domicile, l'allocation personnalisée d'autonomie est, sauf refus exprès du bénéficiaire, affectée à la rémunération d'un service prestataire d'aide à domicile. / Quel que soit le degré de perte d'autonomie du bénéficiaire de l'allocation personnalisée d'autonomie, le montant de celle-ci est modulé, dans des conditions fixées par voie réglementaire, suivant l'expérience et le niveau de qualification de la tierce personne ou du service d'aide à domicile auquel il fait appel ". Enfin, aux termes de l'article R. 232-7 du même code : " I. - La demande d'allocation personnalisée d'autonomie est instruite par une équipe médico-sociale qui comprend au moins un médecin et un travailleur social. / Au cours de son instruction, l'équipe médico-sociale consulte le médecin désigné, le cas échéant, par le demandeur. Si l'intéressé le souhaite, ce médecin assiste à la visite à domicile effectuée par l'un au moins des membres de l'équipe médico-sociale. L'équipe médico-sociale procède à la même consultation à l'occasion de la révision de l'allocation personnalisée d'autonomie. (...) Au cours de la visite à domicile prévue au deuxième alinéa effectuée par l'un au moins des membres de l'équipe médico-sociale, l'intéressé et, le cas échéant, son tuteur ou ses proches reçoivent tous conseils et informations en rapport avec le besoin d'aide du postulant à l'allocation personnalisée d'autonomie et de ses proches aidants et aux modalités de valorisation du plan d'aide. Ils sont notamment informés que l'équipe médico-sociale doit avoir connaissance de tout changement dans la situation de l'intéressé. / II. - Dans un délai de trente jours à compter de la date du dépôt du dossier de demande complet, l'équipe médico-sociale adresse une proposition de plan d'aide à l'intéressé, qui indique notamment la nature des aides accordées, le volume d'heures d'aide à domicile, le montant du plan d'aide, le taux et le montant de la participation financière du bénéficiaire ainsi que le montant de son allocation. L'intéressé, celui-ci dispose d'un délai de dix jours, à compter de la date de réception de la proposition, pour présenter ses observations et en demander la modification ; dans ce cas, une proposition définitive lui est adressée dans les huit jours. En cas de refus exprès ou d'absence de réponse de l'intéressé à cette proposition dans le délai de dix jours, la demande d'allocation personnalisée d'autonomie est alors réputée refusée ".

2. Les dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles n'ont pas pour effet de priver le conseil départemental de la faculté de proposer au demandeur de l'allocation un " mode d'intervention " au domicile en tenant compte des impacts financiers pour cette collectivité des différents modes d'intervention, dès lors que le mode proposé s'avère adapté à la situation du demandeur telle qu'elle ressort des résultats de l'évaluation effectuée par l'équipe médico-sociale et des recommandations faites par celle-ci et hors les cas de perte d'autonomie les plus importants pour lesquels le sixième alinéa de l'article L. 232-6 impose d'affecter l'allocation personnalisée d'autonomie à la rémunération d'un service prestataire d'aide à domicile, sauf refus exprès du bénéficiaire.

3. Il résulte de l'instruction que Mme D..., dont la situation est évaluée dans le groupe iso ressources 4, est bénéficiaire de l'allocation personnalisée d'autonomie depuis le 3 novembre 2015. Le plan d'aide alors mis en place prévoyait l'intervention d'un service d'aide à domicile à hauteur de 13 heures mensuelles selon le mode d'intervention " prestataire ". Un nouveau plan d'aide, confirmé le 13 octobre 2016, lui a été proposé à hauteur de 16h30 mensuelles selon le mode d'intervention " mandataire ". Le préfet de la Somme a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Somme d'annuler cette décision en tant qu'elle prévoit que l'aide sociale à domicile attribuée à Mme D... interviendrait désormais selon le mode " mandataire ". Par un courrier du 22 février 2017, le président du conseil départemental de la Somme a informé la commission départementale d'aide sociale de la Somme qu'il avait retiré sa décision et qu'il allait procéder en conséquence au réexamen du dossier de Mme D.... Il y a lieu en conséquence d'annuler la décision attaquée du 10 mars 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Somme en tant qu'elle annule la décision du président du conseil départemental en tant qu'elle concerne la prise en charge en mode " mandataire " de l'intervention au domicile de Mme D....

4. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation.

5. Si, ainsi que le fait valoir le préfet de la Somme, le retrait par le président du conseil départemental de la décision contestée ne donnait pas entièrement satisfaction à l'allocataire, il ressort de l'instruction que, par une décision du 19 mai 2017, le président du conseil départemental a fait droit à la demande de Mme D... en lui accordant le bénéfice d'un plan d'aide prévoyant l'intervention d'un service d'aide à domicile à hauteur de 13 heures mensuelles selon le mode " prestataire ". Si le préfet soutient que ce nombre d'heures est inférieur à celui accordé par la prise en charge selon le mode " mandataire ", il ne conteste pas qu'ainsi que l'a soutenu le président du conseil départemental devant la commission départementale, cette différence d'heures est liée au mode d'intervention de l'aide à domicile, le mode " mandataire " initialement proposé permettant la prise en charge d'un nombre d'heures plus conséquent.

6. Il s'ensuit que Mme D... doit être regardée comme ayant obtenu satisfaction. Il y a lieu en conséquence de prononcer le non-lieu à statuer sur sa demande.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du préfet de la Somme tendant à ce qu'il soit mis à la charge du préfet de la Somme le versement d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La décision du 10 mars 2017 de la commission départementale de la Somme est annulée.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du préfet de la Somme.

Article 3 : Les conclusions présentées par le préfet de la Somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au président du conseil départemental de la Somme et au préfet de la Somme.

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. B..., président de chambre,

M. Bernier, président assesseur,

Mme E..., magistrat honoraire,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

Le rapporteur,

S. E...Le président,

M. B...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 19PA00531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00531
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Suzanne TANDONNET-TUROT
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-11;19pa00531 ?
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