Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de lui verser un complément d'indemnité forfaitaire de changement de résidence à raison de sa mutation de Mayotte à Nouméa, ainsi qu'une majoration de 20 % sur cette indemnité à raison de sa nomination sur un emploi vacant.
Par un jugement n° 1800137 du 25 septembre 2018, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2018 et le 9 août 2019, M. B... représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800137 du 25 septembre 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie ;
2°) de condamner l'État à lui verser la somme complémentaire de 12 134,43 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2018 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 5 127,74 euros au titre de la majoration de 20 % de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2018 et de la capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement a été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, car l'unique mémoire en défense produit par le garde des sceaux, ministre de la justice, enregistré le 12 septembre 2018 ne lui a pas été communiqué ;
- il était bien en droit de bénéficier d'un complément d'indemnité forfaitaire de changement de résidence de 12 134,43 euros sur le fondement du dernier alinéa de l'article 3 de l'arrêté interministériel du 22 septembre 1998, car le fret du déménagement par voie maritime de ses biens de Mayotte à la Nouvelle-Calédonie inclut un transit obligatoire par le port de Marseille-Fos-sur-Mer et est la voie la plus directe de transport de biens existante entre Mayotte et la Nouvelle-Calédonie ;
- il était bien en droit de bénéficier en application du I de l'article 24 du décret n° 98-844 du 22 septembre 1998 de la majoration de 20 % de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence eu égard à son affectation sur un poste vacant.
Par un mémoire en défense enregistré, le 16 juillet 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n° 98-844 du 22 septembre 1998 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- 1'arrêté interministériel du 22 septembre 1998 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,
- et les observations de Me A... D..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., adjoint administratif, affecté au centre pénitentiaire de Mjicavo, situé dans le département de Mayotte, a été muté à sa demande à la section détachée du Tribunal de première instance de Nouméa, située à Koné, dans la collectivité d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, à compter du 1er novembre 2017. Par un recours gracieux du 13 janvier 2018, reçu par le garde des sceaux, ministre de la justice, le 29 janvier 2018, M. B... a contesté le montant de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence (IFCR) qui lui a été versé et demandé le versement d'un complément de 13 137 euros à raison de la prise en compte d'un transit obligatoire par le port de Marseille-Fos-sur-Mer pour le calcul de la distance orthodromique Paris-Nouméa ainsi qu'une somme de 2 627,40 euros au titre de la majoration de 20 % de l'IFCR, à raison de sa nomination sur un poste vacant. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur cette demande. Par un jugement n° 1800137 du 25 septembre 2018, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande de condamnation de l'État. M. B... fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le premier mémoire en défense a été produit par le garde des sceaux, ministre de la justice, le 12 septembre 2018, soit la veille de l'audience et n'a pas été communiqué à M. B.... Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu en méconnaissance tant des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative que du principe du caractère contradictoire de la procédure. Il s'ensuit que le jugement attaqué doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.
Sur les conclusions en condamnation de l'État à verser une somme complémentaire de 12 134,43 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence :
5. Aux termes de l'article 1er du décret du 22 septembre 1998 : " Le présent décret fixe les conditions et les modalités de règlement des frais à la charge des budgets de l'État et des établissements publics nationaux à caractère administratif, à l'occasion des changements de résidence ou des congés effectués par leurs personnels civils : / - pour se rendre du territoire métropolitain de la France dans le territoire d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française ou de Wallis-et-Futuna et inversement ; / - pour se rendre de l'un de ces territoires d'outre-mer dans un autre de ces territoires d'outre-mer ; / - pour se rendre d'un département d'outre-mer, de Mayotte ou de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon vers un de ces territoires d'outre-mer, et inversement (...) ". Aux termes de l'article 40 du même décret, applicable à la situation de M. B... : " L'agent qui ne bénéficie pas d'un logement meublé dans sa nouvelle résidence est remboursé de tous les frais autres que les frais de transport de personnes au moyen d'une indemnité forfaitaire de changement de résidence dont le montant est déterminé suivant des modalités fixées par un arrêté conjoint du ministre chargé du budget, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé de l'outre-mer ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 22 septembre 1998 fixant les montants des indemnités forfaitaires de changement de résidence prévues aux articles 39 et 40 du décret n° 98-844 du 22 septembre 1998 : " le montant de l'indemnité forfaitaire (...) est déterminé " à l'aide d'une formule dont l'un des paramètres est la " distance orthodromique exprimée en kilomètres entre l'ancienne et la nouvelle résidence ". Aux termes de l'article 3 de ce même arrêté, la distance orthodromique est " fixée ainsi qu'il suit : a) entre Paris et le chef-lieu des territoires d'outre-mer (...) Nouvelle-Calédonie (Nouméa) : 16 736 kms (...) b) entre les départements d'outre-mer et les territoires d'outre-mer et les territoires d'outre-mer entre eux (...) Mayotte (Dzaoudzi) Nouvelle-Calédonie (Nouméa) : 12 506 kms ; (...) Lorsque le trajet entre la métropole et un territoire d'outre-mer ou entre deux territoires d'outre-mer comporte un transit obligatoire par un autre lieu, il convient d'additionner entre elles les distances orthodromiques correspondantes (...) ".
6. Les dispositions du dernier alinéa de l'article 3 de l'arrêté du 22 septembre 1998 doivent être interprétées, eu égard au principe d'égalité entre personnels civils de l'État affectés dans une collectivité publique située en outre-mer, comme s'appliquant non seulement aux trajets entre la métropole et un territoire d'outre-mer ou entre deux territoires d'outre-mer, mais également aux trajets entre tous les territoires ultramarins indépendamment de leur statut juridique. Toutefois ces dispositions ne trouvent à s'appliquer que lorsque le trajet entre deux territoires ultramarins ne peut être effectué directement sans transit par un autre lieu, quel que soit le mode de transport, aérien ou maritime, utilisé par l'agent de l'État.
7. Pour rejeter la réclamation de M. B..., le garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé que l'intéressé n'apportait pas d'éléments de nature à établir qu'il n'existe pas de liaison plus directe entre Mayotte et la Nouvelle-Calédonie que celle proposée par la société de transport de fret maritime DCF qui inclut un transit en métropole par le port de Marseille-Fos-sur-Mer. Si M. B... produit des attestations de deux autres transporteurs maritimes affirmant qu'il n'existe pas de trajet plus direct entre Mayotte et la Nouvelle-Calédonie que celui transitant par le port de Marseille-Fos-sur-Mer, ces attestations ne sont relatives qu'à des prestations de transport maritime par groupage de containers. Ces pièces ne démontrent pas qu'il n'existerait pas de liaison directe autre, notamment par voie aérienne, qui permettrait de relier Mayotte à la Nouvelle-Calédonie sans transiter par la métropole.
Sur les conclusions en condamnation de l'État à verser une somme de 5 127,74 euros au titre de la majoration de 20 % de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence :
8. Aux termes de l'article 24 du décret du 22 septembre 1998 susvisé : " I.- L'agent a droit à la prise en charge des frais de changement de résidence mentionnés à l'article 38, majorée de 20 %, lorsque le changement de résidence est rendu nécessaire par : (...) 2° Un changement d'affectation pour pourvoir à un emploi vacant pour lequel aucune candidature n'a été présentée ou lorsque l'autorité ayant pouvoir de nomination a écarté toutes les candidatures présentées. (...) II. - L'agent a droit à l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 39 ou 40 du présent décret, réduite de 20 %, et à la prise en charge des frais mentionnés au a de l'article 38, limitée à 80 % des sommes engagées, lorsque le changement de résidence est consécutif à : 1° Un changement d'affectation ... / Dans tous les cas mentionnés au II du présent article où le changement de résidence intervient sur demande de l'agent, celui-ci doit remplir une condition de durée de service d'au moins cinq années ".
9. M. B... a été affecté, sur sa demande, à la section détachée du Tribunal de première instance de Nouméa à Koné après avis de la commission administrative paritaire, dans le cadre du mouvement annuel. Il ne résulte pas de l'instruction que M. B... était le seul agent à présenter une candidature pour le poste en cause ni que toutes les candidatures pour ce poste auraient été écartées lors d'un précédent mouvement. Dès lors, il ne saurait soutenir que son affectation en Nouvelle-Calédonie à compter du 1er novembre 2017 devait être regardée comme destinée à pourvoir un emploi pour lequel aucune candidature n'aurait été présentée ou pour lequel toutes les candidatures auraient été écartées au sens du 2° du I de l'article 24 du décret n° 98-844 du 22 septembre 1998. L'administration n'a donc commis aucune faute en liquidant l'indemnité contestée sur le fondement des dispositions du II de l'article 24 de ce décret. En conséquence, M. B... ne peut rechercher la responsabilité de l'État en demandant sa condamnation à lui verser les sommes complémentaires de 12 134,43 et 5 127,74 euros au titre de son indemnité forfaitaire de changement de résidence.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander la condamnation de l'État à lui verser un complément d'indemnité forfaitaire de changement de résidence ainsi qu'une majoration de 20 % de cette même indemnité.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800137 du 25 septembre 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressé au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.
Le rapporteur,
I. E...Le président,
S.L. FORMERY
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03641