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11/02/2021 | FRANCE | N°18PA01149

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 février 2021, 18PA01149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 mai 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service au collège Jean Moulin dans le 14ème arrondissement de Paris, à compter du 1er septembre 2016.

Par un jugement n° 1610018 du 8 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 avril 2018, 12 décem

bre 2019 et 8 janvier 2021, M. C... représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 mai 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service au collège Jean Moulin dans le 14ème arrondissement de Paris, à compter du 1er septembre 2016.

Par un jugement n° 1610018 du 8 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 avril 2018, 12 décembre 2019 et 8 janvier 2021, M. C... représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1610018 du 8 février 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 30 mai 2016 de mutation dans l'intérêt du service ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Paris de le réaffecter au collège François Villon, à Paris 14ème, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 850 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement a été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, car la note en délibéré produite par le recteur enregistrée le 1er février 2018 ne lui a pas été communiquée ;

- le ministre de l'éducation nationale n'est pas recevable à présenter des conclusions en défense au lieu et place du recteur de l'académie de Paris ;

- la décision attaquée doit être annulée par la voie de l'exception d'illégalité ou par voie de conséquence de l'annulation de la précédente décision de mutation d'office du 28 août 2015;

- la décision est entachée de détournement de pouvoir car c'est une sanction disciplinaire déguisée qui n'a pas été prise à l'issue d'une procédure disciplinaire ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré, le 17 juillet 2019, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la demande de première instance présentée par M. C... était irrecevable comme étant dirigée contre une mesure d'ordre intérieur et que les moyens de la requête d'appel ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., professeur certifié d'éducation physique et sportive, était affecté depuis le 1er septembre 2005 au collège-lycée François Villon, dans le 14ème arrondissement de Paris. Par une décision du 28 août 2015, le recteur de l'académie de Paris l'a affecté sur un poste de chargé de mission au rectorat de Paris. Cette décision a été annulée par un jugement n° 1514528 du 9 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris, au motif que M. C... n'avait pas été mis à même de consulter préalablement son dossier administratif. Par un arrêté du 30 mai 2016, le recteur de l'académie de Paris a de nouveau muté M. C... dans l'intérêt du service et l'a affecté au collège Jean Moulin, dans le 14ème arrondissement de Paris. M. C... demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1610018 du 8 février 2018, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande contre l'arrêté du 30 mai 2016.

Sur la recevabilité du mémoire en défense produit par le ministre de l'éducation nationale :

2. L'article R. 811-10-4 du code de justice administrative, créé par le décret n° 2019-889 du 27 août 2019 aux termes duquel " Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le recteur d'académie présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations en défense produits au nom de l'État (...) " est applicable aux requêtes enregistrées devant les cours administratives d'appel à compter du 1er septembre 2019. La requête d'appel présentée par M. C... ayant été enregistrée le 6 avril 2018, les dispositions de l'article R. 811-10 du code de justice administrative en vertu desquelles les ministres sont compétents pour présenter des observations en appel au nom de l'État trouvent à s'appliquer en l'espèce. Le moyen tiré de ce que le ministre de l'éducation nationale ne serait pas recevable à présenter des conclusions en défense au lieu et place du recteur de l'académie de Paris doit donc être écarté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

4. Si la méconnaissance de ces dispositions tenant à ce que le premier mémoire en défense d'un défendeur n'est pas communiqué à l'auteur de la demande constitue en principe une irrégularité qui vicie la procédure, il en va toutefois autrement dans le cas où le tribunal pouvait statuer sans se fonder sur les moyens de défense contenus dans ce premier mémoire. En l'espèce, si le mémoire en défense produit par le recteur de l'académie de Paris le 1er février 2018, soit postérieurement à l'audience du 25 janvier 2018, et, ainsi régulièrement enregistré comme note en délibéré, n'a pas été communiqué à M. C..., ce mémoire se bornait à conclure au rejet de la requête et ne comportait aucuns moyens de défense sans la connaissance desquels le tribunal ne pouvait statuer. Ainsi, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu en méconnaissance tant des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative que du principe du caractère contradictoire de la procédure.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision du 28 août 2015 et l'illégalité par voie de conséquence de l'acte attaqué :

5. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non règlementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non règlementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte. Par ailleurs, en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non règlementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.

6. La décision de mutation d'office du 30 mai 2016 n'a pas été prise sur le fondement de la décision du 28 août 2015, ni dans le but de l'appliquer. En outre, la décision du 30 mai 2016 pouvait être prise sans l'intervention de la décision du 28 août 2015. Ces décisions successives de mutation d'office ne constituent donc pas des mesures spécialement prévues pour la réalisation d'une opération complexe débouchant sur une décision finale. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision du 28 août 2015 et de l'illégalité par voie de conséquence de la décision attaquée du 30 mai 2016 ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la sanction disciplinaire déguisée et le détournement de pouvoir :

7. Une mutation d'office ne peut être regardée comme une sanction disciplinaire déguisée que lorsqu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté une atteinte significative à sa situation professionnelle.

8. Il ressort, en premier lieu, des pièces du dossier et notamment des rapports rédigés par les inspecteurs pédagogiques régionaux des 28 février 2011 et 20 novembre 2014 que, si M. C... a toujours bénéficié d'une évaluation professionnelle positive, il se trouve en situation conflictuelle permanente avec ses collègues depuis une dizaine d'années en dépit des nombreuses tentatives de médiation émanant tant des chefs d'établissement successifs du collège-lycée François Villon, que des services rectoraux et de l'inspection générale de l'éducation nationale. Ces relations conflictuelles et tensions ont conduit à un isolement de M. C... de l'équipe pédagogique d'éducation physique et sportive du collège et une souffrance professionnelle des membres de l'équipe éducative générant un dysfonctionnement des activités sportives du collège de l'établissement François Villon. M. C... n'avance en outre aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'une discrimination à son encontre. C'est donc dans l'intérêt du service, et non dans le but de sanctionner l'intéressé, que le recteur de l'académie de Paris a décidé de le muter d'office dans un autre établissement.

9. En second lieu, si l'arrêt de ses missions de responsable coordonnateur de la section sportive de football féminin du collège a privé M. C... d'une part de sa rémunération, cette dernière qui n'est que la contrepartie de l'exercice effectif d'activités annexes et facultatives, n'est pas de droit. Il en va de même des indemnités de sujétion versées au titre de l'exercice de ses fonctions au sein d'un établissement classé en réseau d'éducation prioritaire (REP). Le changement d'affectation de M. C... dans un collège situé dans le même arrondissement de Paris que son précédent établissement et sur des fonctions similaires d'enseignant d'éducation physique et sportive n'a donc pas eu pour effet d'entraîner pour l'intéressé une perte de responsabilité ou de rémunération significative. La décision attaquée n'a pas non plus porté atteinte aux droits et prérogatives qu'il tient de son statut ni à ses droits et libertés fondamentales. Par conséquent, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 30 mai 2016 revêtirait le caractère d'une sanction déguisée et serait entaché d'un détournement de pouvoir doit être écarté.

En ce qui concerne l'erreur d'appréciation :

10. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés et en raison de l'absence de toute autre solution alternative au départ de M. C... de la cité scolaire François Villon, il apparaît que le recteur de l'académie de Paris n'avait pas d'autre choix pour rétablir le bon fonctionnement des activités physiques et sportives du collège - lycée François Villon que de le muter d'office dans un autre établissement scolaire. En estimant que l'intérêt du service exigeait que la mutation d'office attaquée intervînt, le recteur de l'académie de Paris, n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le recteur de l'académie de Paris doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale, que les conclusions aux fins d'annulation du jugement du 8 février 2018 doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Le présent arrêt qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par le requérant n'implique par lui-même aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. C... doivent dès lors être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Paris.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le rapporteur,

I. B...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01149


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01149
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Stagiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : RABBE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-11;18pa01149 ?
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