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05/02/2021 | FRANCE | N°19PA02600

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 05 février 2021, 19PA02600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 octobre 2017 par laquelle la directrice de l'Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) de la Pitié-Salpêtrière l'a exclue définitivement de la formation en vue de l'obtention du diplôme d'Etat d'infirmier.

Par un jugement n° 1719431/1-2 du 4 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 aoû

t 2019, 1er mars 2020 et 23 décembre 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 octobre 2017 par laquelle la directrice de l'Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) de la Pitié-Salpêtrière l'a exclue définitivement de la formation en vue de l'obtention du diplôme d'Etat d'infirmier.

Par un jugement n° 1719431/1-2 du 4 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 août 2019, 1er mars 2020 et 23 décembre 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1719431/1-2 du 4 juin 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler la décision du 9 octobre 2017 par laquelle la directrice de l'Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) de la Pitié-Salpêtrière l'a exclue définitivement de la formation en vue de l'obtention du diplôme d'Etat d'infirmier ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris la somme de 2 000 euros à verser à Me B..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée méconnaît l'article 11 de l'arrêté du 21 avril 2007 dès lors que le conseil pédagogique s'est réuni plus de quinze jours suivant la mesure de suspension ;

- elle méconnaît les droits de la défense dès lors que la convocation à la réunion du conseil pédagogique ne mentionne pas l'objet de la réunion ni les suites pouvant y être données ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 4 et 23 novembre 2020, l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de moyen d'appel ;

- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 janvier 2021.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Paris du 9 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 21 avril 2017 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me B..., avocat de Mme C...,

- et les observations de Me Neven, avocat de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été admise aux épreuves de sélection pour l'entrée en Institut de formations en soins infirmiers (IFSI) de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris au titre de l'année 2014 et a commencé sa formation à compter du 2 février 2015 à l'Institut de formation en soins infirmiers de la Pitié-Salpêtrière. A la suite d'un rapport défavorable la concernant lors d'un stage de rattrapage effectué au service de gérontopsychiatrie de la Pitié-Salpêtrière, la directrice de l'IFSI l'a informée le 28 juillet 2016 de la suspension de ce stage pour des manquements à la sécurité des patients. Mme C... a sollicité ce même jour, et obtenu, l'interruption de sa formation à compter de cette date. Elle a ensuite sollicité la reprise de sa scolarité par courrier du 27 mars 2017. Après avis du conseil pédagogique du 5 octobre 2017, la directrice de l'institut a exclu Mme C... définitivement de l'IFSI pour des actes incompatibles avec la sécurité des personnes soignées par décision du 9 octobre 2017. Mme C... relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2017.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a, dans le délai de recours contentieux, saisi la Cour d'une requête qui comportait un moyen d'appel. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris et tirée de ce que la requête de Mme C... ne comporterait l'énoncé d'aucun moyen en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 10 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Le conseil pédagogique est notamment consulté pour avis sur : (...) / 6. Les situations individuelles : (...) / d) Etudiants ayant accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge ; / e) Modalités de reprise de la formation après une interruption de formation inférieure à trois ans, dans les conditions prévues aux articles 38 et 39 ; (...) ". Aux termes de l'article 11 du même arrêté, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Lorsque l'étudiant a accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes soignées, le directeur de l'institut de formation, en accord avec le responsable du lieu de stage, peut décider de la suspension du stage de l'étudiant, dans l'attente de l'examen de sa situation par le conseil pédagogique qui doit se réunir, au maximum, dans un délai de quinze jours à compter de la suspension. / Lorsque le conseil pédagogique se réunit, il examine la situation et propose une des possibilités suivantes : / - soit autoriser l'étudiant à poursuivre la scolarité au sein de l'institut ; dans ce cas, le conseil pédagogique peut alerter l'étudiant sur sa situation en lui fournissant des conseils pédagogiques pour y remédier ou proposer un complément de formation théorique et/ou pratique ; / - soit soumettre l'étudiant à une épreuve théorique, soit le soumettre à une épreuve pratique complémentaire sous la responsabilité du tuteur, selon des modalités fixées par le conseil. A l'issue de cette épreuve, le directeur de l'institut décide de la poursuite de la formation ou de l'exclusion définitive de l'institut de formation ; / - soit exclure l'étudiant de l'institut de façon temporaire ou définitive. ". Aux termes de l'article 38 du même arrêté, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Une interruption de formation, quel qu'en soit le motif, ne peut excéder trois ans, durant lesquels l'étudiant conserve le bénéfice des notes obtenues antérieurement à celle-ci. Au-delà de cette durée, l'étudiant perd le bénéfice de la formation acquise. Il conserve néanmoins pendant deux années supplémentaires le bénéfice des épreuves de sélection. / La formation est reprise au point où elle avait été interrompue, selon des modalités fixées après avis du conseil pédagogique. (...) ".

5. Mme C... soutient pour la première fois en appel que la décision d'exclusion définitive est intervenue au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance des droits de la défense dans la mesure où le courrier de convocation au conseil pédagogique daté du 21 septembre 2017 ne faisait aucune référence à l'objet de la réunion, hormis le fait que sa situation y serait examinée, ni aux suites qui pourraient y être données.

6. Le courrier du 21 septembre 2017 convoquant Mme C... à la séance du conseil pédagogique du jeudi 5 octobre 2017 l'informait que sa situation serait présentée au conseil pédagogique à la suite de sa demande de réintégration et du rapport de stage élaboré à son encontre le mardi 28 juillet 2016. Il mentionnait que son dossier serait examiné en application de l'arrêté du 21 avril 2017 modifié et précisait qu'elle pourrait être assistée d'une personne de son choix. A ce courrier était joint le dossier scolaire de l'intéressée. Il ressort du procès-verbal de cette séance que le conseil pédagogique a été consulté pour avis, d'une part, sur la poursuite de la formation de Mme C... ou sur son exclusion compte tenu de la mesure de suspension dont elle avait fait l'objet le 28 juillet 2016 et, d'autre part, sur les modalités de reprise de sa formation interrompue à sa demande. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas de ce courrier du 21 septembre 2017 ni de ce procès-verbal, que Mme C... ait été informée, préalablement à la décision d'exclusion définitive de la formation, de la mesure envisagée ou de la nature des mesures pouvant être prises après avis du conseil pédagogique. Dans les circonstances particulières de l'espèce, et dès lors notamment que le conseil pédagogique était saisi à la fois des modalités de sa réintégration de droit et des suites de la mesure de suspension et alors même qu'elle avait connaissance des manquements qui lui étaient reprochés, Mme C... est fondée à soutenir que la mesure d'exclusion définitive de la formation, prise en considération de la personne, ne pouvait intervenir sans qu'elle ait été préalablement informée qu'une telle mesure était susceptible d'être prise à son encontre et qu'elle a été privée d'une garantie.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 septembre 2019. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1719431/1-2 du Tribunal administratif de Paris du 4 juin 2019 est annulé.

Article 2 : La décision du 9 octobre 2017 par laquelle la directrice de l'Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) de la Pitié-Salpêtrière a exclu Mme C... définitivement de la formation en vue de l'obtention du diplôme d'Etat d'infirmier est annulée.

Article 3 : L'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris versera à Me B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris.

Copie en sera adressée à l'Institut de formation en soins infirmiers de la Pitié-Salpêtrière.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme Portes, premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 février 2021.

Le rapporteur,

A-S MACHLe président,

M. A...Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02600
Date de la décision : 05/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-04-03-07-03 Actes législatifs et administratifs. Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit. Principes généraux du droit. Principes intéressant l'action administrative. Respect des droits de la défense.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : BILICI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-05;19pa02600 ?
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