Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Agence mondiale antidopage (AMA) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 avril 2017 de la commission disciplinaire d'appel de lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII en tant qu'elle limite à deux ans, dont huit mois avec sursis, la sanction d'interdiction de participer aux manifestations sportives organisées ou autorisées par cette fédération infligée à M. A... F.... Elle a également demandé au tribunal d'interdire pour une durée de quatre ans la participation de M. A... F... aux compétitions sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII et étendre les effets de cette sanction aux activités de l'intéressé relevant des autres fédérations sportives françaises.
Par un jugement n° 1903599 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Paris a substitué à la décision du 4 avril 2017 de la Fédération française de rugby à XIII infligeant à
M. F... une sanction de suspension de deux ans, assortie d'un sursis de huit mois, une sanction de suspension de deux ans et rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2020, l'Agence mondiale antidopage, représentée par la société d'avocats Dénovo demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 mars 2020 ;
2°) de réformer la décision du 4 avril 2017 de la commission disciplinaire d'appel de lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII et d'interdire pour une durée de quatre ans la participation de M. F... aux compétitions sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII et étendre les effets de cette sanction aux activités de l'intéressé relevant des autres fédérations sportives françaises, en en déduisant les périodes d'interdiction déjà purgées.
3°) d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans les publications visées par la décision du 20 septembre 2017 ;
4°) et de mettre à la charge de la Fédération française de rugby à XIII et de
M. F... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle tient de du deuxième alinéa de l'article L. 232-24 du code du sport sa capacité à agir ; l'ordonnance du 18 décembre 2018 est entrée en vigueur le 1er mars 2019 postérieurement à l'introduction de la demande le 21 février 2019 ;
- elle est régulièrement représentée par son avocat ;
- sa demande n'était pas tardive ;
- les faits sont établis ;
- M. F... ne justifiait d'aucune circonstance particulière susceptible d'atténuer la sanction de quatre ans d'interdiction ;
- ni l'absence de récidive ni la reconnaissance des faits ne constituaient de circonstances particulières susceptibles de justifier une mesure de clémence ;
- le sursis n'est prévu qu'au bénéfice des personnes qui ont fourni une aide substantielle à l'enquête.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 octobre 2020, M. F..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la confirmation de la décision de la décision du 4 avril 2017, et à ce que soit mise à la charge de l'Agence mondiale antidopage la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les statuts de l'agence mondiale antidopage ne lui donnent pas intérêt à agir ; l'ordonnance du 18 décembre 2018, qui est d'application immédiate, ne lui donne plus qualité à contester devant la juridiction administrative la décision d'un organe disciplinaire d'une fédération sportive ;
- la requête n'indique pas la personne physique mandatée pour agir en son nom ;
- la requête est tardive ;
- le recours de l'Agence ne peut être qu'un recours pour excès de pouvoir et non un recours de pleine juridiction ;
- les sanctions étant personnelles et non automatiques, l'organe disciplinaire peut les moduler à la gravité des faits, le cas échéant en accordant le sursis ;
- la sanction prononcée est proportionnée aux faits.
Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2020, la Fédération française de rugby à XIII, représentée par Me D..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris, au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Agence mondiale antidopage sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les statuts de l'agence mondiale antidopage ne lui donnent pas intérêt à agir ; l'ordonnance du 18 décembre 2018, qui est d'application immédiate, ne lui donne plus qualité à contester devant la juridiction administrative la décision d'un organe disciplinaire d'une fédération sportive ;
- la requête est tardive ;
- le moyen tiré d'un défaut de visa est inopérant ;
- la fédération tient de l'article 38 de ses statuts la possibilité de moduler la sanction et d'accorder le sursis ;
- la sanction est adaptée à la gravité des faits.
Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2021, l'Agence mondiale antidopage demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er de la décision du 4 avril 2017 ;
2°) de porter à quatre ans la sanction d'interdiction de participer aux compétitions sportives, déduction faite des périodes déjà purgées, et d'étendre la mesure aux autres fédérations sportives ;
3°) de mettre à la charge de la Fédération française de rugby à XIII la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance du 19 décembre 2018, entrée en vigueur le 1er mars 2019 conformément à son article 37, est entrée en vigueur postérieurement à l'introduction de la demande le
21 février 2019 ;
- les faits, qui sont graves, n'ont pas été suffisamment sanctionnés.
Par un courrier du 12 janvier 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que le tribunal, qui avait considéré qu'il était saisi d'un recours de pleine juridiction et non d'un recours pour excès de pouvoir, et qui avait en conséquence substitué sa décision à celle de la commission disciplinaire de la fédération s'était mépris sur l'entendue de ses pouvoir et avait méconnu son office.
Par un mémoire enregistré le 14 janvier 2021, l'agence mondiale antidopage demande à la cour de ne pas retenir ce moyen d'ordre public. Elle soutient que :
- bien que l'article L. 232-24 du code du sport ne le spécifie pas expressément, rien ne justifie que le recours de l'AMD contre la décision rendue par l'instance disciplinaire d'une fédération sportive en matière de dopage ne soit pas un recours de pleine juridiction ;
- la juridiction administrative française exerce en France l'office du tribunal arbitral du sport ;
- la nature de ce recours correspond à l'intention du législateur confirmée par l'évolution ultérieure de la législation et à l'esprit des conventions internationales de lutte contre le dopage ;
- il reste loisible à la Cour d'annuler le sursis.
Vu la décision n° 2017-688 QPC du 2 février 2018 du Conseil constitutionnel.
Vu la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 418937 du 22 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport,
- le décret n° 2016-84 du 29 janvier 2016 relatif aux sanctions disciplinaires en matière de lutte contre le dopage,
- le règlement disciplinaire relatif à la lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Péna, rapporteur public,
- les observations de Me G..., représentant l'Agence mondiale antidopage.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... F..., joueur de rugby à XIII au sein du club Broncos Palau XIII, a été testé positif à un contrôle urinaire antidopage lors d'un match auquel il participait le
25 septembre 2016 à Perpignan. Par une décision du 8 février 2017, l'organe disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII a infligé à M. F... la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par cette fédération. Par une décision du 4 avril 2017, l'organe disciplinaire d'appel de la fédération a modifié cette sanction, en lui interdisant de participer, pendant vingt-quatre mois, dont huit assortis du sursis, aux manifestations sportives organisées ou autorisées par cette fédération. Sur le fondement du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport, le collège de l'Agence française de lutte contre le dopage a décidé, le 18 mai 2017, de se saisir de sa propre initiative des faits relevés à l'encontre de M. F.... Par une décision du
20 septembre 2017, le collège de l'Agence a infligé à l'intéressé une sanction d'interdiction de participer pendant quatre ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII et par les autres fédérations sportives agréées.
2. Par une décision n° 418937 du 22 octobre 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, à la demande de M. F..., annulé la décision de l'Agence française de lutte contre le dopage du 20 septembre 2017 qui avait été prise sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution. Il a par, cette même décision, jugé qu'il ne lui appartenait pas, dans les circonstances de l'espèce, après avoir annulé pour irrégularité la décision de sanction prise par l'Agence française de lutte contre le dopage, de se substituer à cette Agence pour apprécier s'il y a lieu d'infliger à l'intéressé une sanction à raison des faits qui lui sont reprochés.
3. A la suite de quoi, l'Agence mondiale antidopage a demandé le 21 février 2019 au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 avril 2017 de la commission disciplinaire d'appel de lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII et de porter à quatre ans l'interdiction faite à M. F... de participer aux compétitions sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII et d'étendre les effets de cette sanction aux activités de l'intéressé relevant des autres fédérations sportives françaises.
4. Par un jugement du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Paris a substitué à la décision du 4 avril 2017 de la Fédération française de rugby à XIII infligeant à M. F... une sanction de suspension de deux ans assortis d'un sursis de huit mois, une sanction de suspension de deux ans. L'Agence mondiale antidopage qui relève appel de ce jugement demande notamment à la Cour d'annuler la décision du 4 avril 2017 et de porter à quatre ans la mesure d'interdiction frappant M. F....
Sur la régularité du jugement :
5. Aux termes de l'article L. 232-24 du code du sport dans sa rédaction applicable à la date de la demande : " Les parties intéressées et le président de l'Agence française de lutte contre le dopage peuvent former un recours de pleine juridiction contre les décisions de la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage prises en application de l'article L. 232-23./ L'Agence mondiale antidopage, une organisation nationale antidopage étrangère ou un organisme sportif international mentionné à l'article L. 230-2 peut saisir la juridiction administrative compétente d'une décision prise par l'organe disciplinaire d'une fédération sportive délégataire ainsi que d'une décision de l'Agence française de lutte contre le dopage ". Les dispositions nouvelles issues de l'ordonnance n°2018-1178 du 19 décembre 2018 qui modifient l'article L. 232-24 du code du sport ne sont entrées en vigueur que le 1er mars 2019, conformément à l'article 37 de cette ordonnance, et ne sont donc pas applicables à l'instance engagée devant le tribunal administratif de Paris le 21 février 2019.
6. Les dispositions citées au point précédent de l'article L. 232-24 du code du sport ne prévoient de recours de pleine juridiction que contre les décisions de la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage. Si l'agence mondiale antidopage doit être regardée comme une partie intéressée au sens de cet article, pouvant exercer le recours de pleine juridiction qu'il prévoit, ce recours est celui mentionné au premier alinéa de l'article
L. 232-24 dirigé contre les décisions de la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage. La contestation des sanctions prises par l'organe disciplinaire d'une fédération sportive en cas de faits constatés de dopage, en application des articles L. 232-9 et
L. 232-10 du code du sport, relève en revanche de l'excès de pouvoir. Dès lors qu'il était amené à se prononcer, non en tant que juge de plein contentieux mais en qualité de juge de l'excès de pouvoir, le tribunal administratif de Paris ne pouvait pas substituer sa décision à la sanction prononcée prises par l'organe disciplinaire de la Fédération française de rugby à XIII. L'erreur ainsi commise par le tribunal sur l'étendue de ses pouvoirs doit être relevée d'office par le juge d'appel. Sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de son insuffisante motivation, le jugement attaqué doit donc être annulé.
7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'Agence mondiale antidopage devant le tribunal administratif de Paris.
Sur la recevabilité de la demande de l'Agence mondiale antidopage :
S'agissant de l'intérêt à agir :
8. Il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 232-24 du code du sport, citées au point 5 que, contrairement à ce que soutient la Fédération française de rugby à XIII, l'Agence mondiale antidopage avait bien intérêt à agir, à la date de l'introduction de la demande, contre la décision du 4 avril 2017 de la commission disciplinaire d'appel de lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII. A cet égard, peu importe que les statuts de cette fondation ne prévoient pas expressément ce type d'action qui au demeurant, correspond à son objet. L'instance a été régulièrement engagée par l'avocat qu'elle avait mandaté.
S'agissant de la tardiveté de la demande :
9. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ", et aux termes de l'article R. 421-7 du code de justice administrative : " (...) Ce même délai est augmenté de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger. ".
10. D'autre part, aux termes de l'article L. 141-4 du code du sport : " Le Comité national olympique et sportif français est chargé d'une mission de conciliation dans les conflits opposant les licenciés, les agents sportifs, les associations et sociétés sportives et les fédérations sportives agréées, à l'exception des conflits mettant en cause des faits de dopage ". L'article
R. 141-5 du code du sport dispose que : " La saisine du comité à fin de conciliation constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux, lorsque le conflit résulte d'une décision, susceptible ou non de recours interne, prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts ". Aux termes de l'article R.141-9-1 du même code : " Le délai de recours contentieux applicable aux décisions mentionnées à l'article R. 141-5 et relevant de la compétence de la juridiction administrative est d'un mois. ".
11. L'annulation par le Conseil d'État le 22 octobre 2018 de la sanction prononcée le
20 septembre 2017 par l'Agence française de lutte contre le dopage a fait revivre la décision de la commission disciplinaire d'appel de lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII du 4 avril 2017. Le délai de recours contentieux contre la décision de sanction prise par la commission disciplinaire de la fédération courait à nouveau pour l'Agence mondiale antidopage à compter du 22 octobre 2018, date de lecture de la décision du Conseil d'État. La circonstance que l'Agence mondiale antidopage n'ait pas été partie à l'instance engagée par M. F... devant le Conseil d'Etat contre la sanction prononcée le 20 septembre 2017 par l'Agence française de lutte contre le dopage ne la prive pas du droit de recours contre la décision de la commission disciplinaire d'appel de lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII du 4 avril 2017 qu'elle tient du deuxième alinéa de l'article L. 232-24 du code du sport dans sa rédaction applicable à la date de la demande.
12. La Fédération française de rugby à XIII soutient que la requête de l'Agence mondiale antidopage est tardive au motif qu'elle ne disposait que d'un mois pour introduire son recours contentieux s'agissant d'une décision relevant de la matière sportive, ce délai étant en l'espèce allongé de deux mois pour les personnes, physiques ou morales, demeurant à l'étranger, soit jusqu'au 22 janvier 2019. Il résulte toutefois des dispositions précitées du code du sport que le délai de recours contentieux d'un mois n'est applicable qu'aux décisions qui ont donné lieu à une conciliation du Comité national olympique et sportif français et que cette procédure exclut expressément les litiges pour faits de dopage. Dans ces conditions, l'Agence mondiale antidopage, dont le siège est situé à Lausanne et le bureau principal à Montréal, disposait de quatre mois, soit jusqu'au 22 février 2019, pour introduire la demande en vertu des dispositions précitées des articles R. 421-1 et R. 421-7 du code de justice administrative. La demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 21 février 2019, n'est donc pas tardive.
Sur la légalité de la décision du 4 avril 2017 :
13. Aux termes de l'article L. 232-9 du code du sport dans sa version applicable à la date du contrôle : " Il est interdit à tout sportif : (...) /2° D'utiliser ou tenter d'utiliser une ou des substances ou méthodes interdites figurant sur la liste mentionnée au dernier alinéa du présent article./ L'interdiction prévue au 2° ne s'applique pas aux substances et méthodes pour lesquelles le sportif :/a) Dispose d'une autorisation pour usage à des fins thérapeutiques ;/c) Dispose d'une raison médicale dûment justifiée./La liste des substances et méthodes mentionnées au présent article est celle qui est élaborée en application de la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2 ou de tout autre accord ultérieur qui aurait le même objet et qui s'y substituerait. Elle est publiée au Journal officiel de la République française ".
14. Aux termes de l'article L. 232-23-3-3 du code du sport dans sa version applicable : " I.- La durée des mesures d'interdiction mentionnées au 1° du I de l'article L. 232-23 à raison d'un manquement à l'article L. 232-9 :/ a) Est de quatre ans lorsque ce manquement est consécutif à l'usage ou à la détention d'une substance non spécifiée. Cette durée est ramenée à deux ans lorsque le sportif démontre qu'il n'a pas eu l'intention de commettre ce manquement ;/ b) Est de deux ans lorsque ce manquement est consécutif à l'usage ou à la détention d'une substance spécifiée. ". Ces dispositions sont reproduites à l'article 39 de l'annexe II du décret
n° 2016-84 du 29 janvier 2016 relatif aux sanctions disciplinaires en matière de lutte contre le dopage et à l'article 39 du règlement disciplinaire relatif à la lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII.
15. Aux termes de l'article L. 232-23-3-10 du code du sport dans sa version applicable : " La durée des mesures d'interdiction prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-8 peut être réduite par une décision spécialement motivée lorsque les circonstances particulières de l'affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité ".
16. Aux termes de l'article L. 232-21 du code du sport dans sa version applicable : " Toute personne qui a contrevenu aux dispositions des articles L. 232-9, (...) encourt des sanctions disciplinaires de la part de la fédération dont elle est licenciée. (...) / Ces sanctions sont prononcées par les fédérations sportives mentionnées à l'article L. 131-8 . /A cet effet, les fédérations adoptent dans leur règlement des dispositions définies par décret en Conseil d'Etat et relatives aux contrôles organisés en application du présent titre, ainsi qu'aux procédures disciplinaires et aux sanctions applicables, dans le respect des droits de la défense (...) ".
17. Aux termes de l'article R. 232-86 du code du sport dans sa rédaction issue du décret n° 2016-84 du 29 janvier 2016 relatif aux sanctions disciplinaires en matière de lutte contre le dopage : " Les fédérations sportives agréées adoptent à l'identique, en application de l'article
L. 232-21, le règlement type particulier de lutte contre le dopage reproduit en annexe II-2. ".
18. Aux termes de l'article 38 du règlement type mentionné au point précédent, repris à l'article 38 du règlement disciplinaire relatif à la lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII, dans son chapitre III relatif aux sanctions : " I. Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues (...), les organes disciplinaires, dans l'exercice de leur pouvoir de sanction en matière de lutte contre le dopage, peuvent prononcer :/" 1° A l'encontre des sportifs ayant enfreint les dispositions des articles L. 232-9 (...) ou du 3° de l'article
L. 232-10 du code du sport :/ " a) Un avertissement ; / " b) Une interdiction temporaire ou définitive de participer aux manifestations sportives autorisées ou organisées par la fédération ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par la fédération agréée ou l'un de ses membres(...)/ IV.- Pour l'application du chapitre III, l'organe disciplinaire, après avoir rappelé la sanction normalement encourue, en précisant aussi bien son maximum que son minimum, rend sa décision en tenant compte, d'une part, du degré de gravité de la faute commise et, d'autre part, de tout motif à même de justifier, selon les circonstances, la réduction du quantum de la sanction, une mesure de relaxe ou l'octroi du bénéfice du sursis à l'exécution de la sanction infligée. ". L'article 39 dispose que : " I.-La durée des mesures d'interdiction mentionnées au 1° du I de l'article 38 à raison d'un manquement à l'article L. 232-9 du code du sport :/" a) Est de quatre ans lorsque ce manquement est consécutif à l'usage ou à la détention d'une substance non spécifiée. Cette durée est ramenée à deux ans lorsque le sportif démontre qu'il n'a pas eu l'intention de commettre ce manquement ;/ " b) Est de deux ans lorsque ce manquement est consécutif à l'usage ou à la détention d'une substance spécifiée. Cette durée est portée à quatre ans lorsque l'instance disciplinaire démontre que le sportif a eu l'intention de commettre ce manquement ". L'article 46 prévoit cependant que " La durée des mesures d'interdiction prévues aux articles 39 à 44 peut être réduite par une décision spécialement motivée lorsque les circonstances particulières de l'affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité ".
19. Enfin, aux termes de l'article 51 du règlement type mentionné au point précédent, repris à l'article 51 du règlement disciplinaire relatif à la lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII, dans son chapitre IV relatif à l'exécution des sanctions : " Les organes disciplinaires peuvent, dans les cas et selon les conditions prévues ci-après, assortir une sanction d'un sursis à exécution lorsque la personne a fourni une aide substantielle permettant, par sa divulgation, dans une déclaration écrite signée, d'informations en sa possession en relation avec des infractions aux règles relatives à la lutte contre le dopage et par sa coopération à l'enquête et à l'examen de toute affaire liée à ces informations ".
20. Par la décision attaquée du 4 avril 2017, la commission disciplinaire d'appel de lutte contre le dopage de la fédération française de rugby à XIII a prononcé à l'encontre de
M. F... la sanction de l'interdiction de participer pendant 24 mois dont 8 mois avec sursis aux manifestations sportives organisées ou autorisées par cette fédération. Il appartient à la Cour de vérifier que cette sanction n'est pas entachée d'erreur de fait ou de droit, et que le quantum de cette sanction est ou non proportionné à ces faits.
21. Il ressort des pièces du dossier que les analyses d'urine de M. F..., réalisées après le match de rugby à XIII " Magic week end Elite 1 " ont révélé la présence de boldénone et de son métabolite, c'est-à-dire d'un anabolisant de la classe S1 sur la liste annexée au décret du 16 décembre 2015. Le joueur a admis que, pour renforcer sa musculation, il " était tombé dans le piège de la facilité par stupidité et naïveté " et qu'il avait pris des gélules qui lui avaient été fournies dans la salle de sport par des bodybuilders de sa connaissance. M. F... a agi en connaissance de cause. Les faits visés à l'article L. 232-9 du code du sport sont établis.
22. Pour atténuer la sanction à laquelle M. F... était exposé sur le fondement de l'article L. 232-23-3-3 du code du sport et de l'article 38 du règlement disciplinaire relatif à la lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII, la commission disciplinaire d'appel a retenu que M. F... avait reconnu les faits sans les minimiser, qu'il était conscient de son erreur dont il n'avait pas mesuré les conséquences, et qu'il n'avait pas été jusque-là contrôlé positif aux produits dopants. Si la commission a entendu faire montre d'indulgence à l'égard de ce jeune joueur, les éléments qu'elle a retenus pour adoucir la sanction de quatre années d'interdiction à laquelle il s'exposait ne présentaient pas le caractère de " circonstances particulières à l'affaire " au sens de l'article L. 232-23-3-10 du code du sport et de l'article 46 du règlement disciplinaire relatif à la lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII. L'interdiction de participer pendant 24 mois dont 8 mois avec sursis prononcée par la Commission disciplinaire d'appel le 4 avril 2017 qui n'est pas proportionnée à la gravité des faits qu'elle sanctionne insuffisamment, et qui retient à la décharge du joueur des éléments qui ne constituaient pas légalement des circonstances particulières, est donc entachée d'illégalité. L'agence mondiale antidopage est donc fondée à en demander l'annulation.
23. Il n'appartient pas en revanche au juge de l'excès de pouvoir de se substituer à l'instance disciplinaire de la fédération pour prononcer la sanction. L'octroi du sursis, qui vise à adoucir la sévérité de la peine, n'est pas détachable du quantum global de la sanction infligée et ne peut faire l'objet, ainsi que le demande l'Agence mondiale antidopage, d'une annulation partielle. Les conclusions en ce sens et celles tendant à étendre l'interdiction à d'autres fédérations ne peuvent être accueillies. Enfin, l'exécution du présent arrêt ne nécessite pas sa publication dans la presse.
Sur les frais de justice :
24. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par l'Agence mondiale antidopage sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions des défendeurs présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1903599 du tribunal administratif de Paris du 12 mars 2020 est annulé.
Article 2 : La décision de la commission disciplinaire d'appel de la Fédération française de rugby à XIII du 4 avril 2017 est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Agence mondiale antidopage est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par fédération française de rugby à XIII et par
M. F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Agence mondiale antidopage, à la Fédération française de rugby à XIII et à M. A... F....
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. C..., premier vice-président,
- M. B..., président-assesseur,
- Mme Mornet, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.
Le rapporteur,
Ch. B...Le président,
M. C...
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre des sports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
10
N° 20PA01825