Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Nur a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 14 juin 2018 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 14 160 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier de travailleurs étrangers ainsi que la somme de 4 618 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement vers le pays d'origine, d'annuler la décision du 12 juillet 2018 rejetant son recours gracieux, et de la décharger des sommes mises à sa charge.
Par un jugement n° 1807163 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2020, la société Nur, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 20 décembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 14 juin 2018 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 14 160 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier de travailleurs étrangers ainsi que la somme de 4 618 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement vers le pays d'origine ;
3°) d'annuler la décision du 12 juillet 2018 rejetant son recours gracieux contre la décision du 14 juin 2018 ;
4°) de prononcer la décharge des sommes mises à sa charge ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie, dès lors que MM. E... et B... séjournent régulièrement sur le territoire français ;
- la décision de sanction a été prise en violation du principe de loyauté envers les administrés ;
- elle justifie avoir entamé des démarches en vue de la régularisation de la situation administrative de ses salariés déclarés.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 mai 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Nur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction est intervenue le 14 août 2020.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant la société Nur.
Considérant ce qui suit :
1. La société Nur, qui exploite un établissement de restauration rapide sous l'enseigne " Aux délices d'Esbly - Spécialités turques ", 12 avenue du général de Gaulle, à Esbly, a fait l'objet d'un contrôle par les services de la gendarmerie nationale et de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes le 8 juin 2017, au cours duquel a été constatée la présence de MM. Arif B... et Halil Ibrahim E..., ressortissants turcs dépourvus d'autorisation de travail et de titre de séjour en France. Après avoir invité la société Nur à présenter ses observations, le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de cette société, par une décision du 14 juin 2018, la somme de 14 160 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier de deux travailleurs étrangers et la somme de 4 618 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement dans le pays d'origine. La société Nur a formé un recours gracieux le 5 juillet 2018, rejeté le 12 juillet 2018. Par un jugement du 8 janvier 2020 dont elle relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 14 juin 2018 et 12 juillet 2018 et à la décharge des sommes mises à sa charge.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / Il est également interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre prévu au premier alinéa. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. ".
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport établi après le contrôle du 8 juin 2017 par les services de la gendarmerie nationale, que M. A... B... a déclaré travailler au sein de l'établissement de la société Nur en qualité de cuisinier, depuis huit ans ; il disposait d'un contrat de travail à durée indéterminée et a présenté des fiches de paie établies par la société requérante. Quant à M. E..., il était vêtu le jour du contrôle d'une tenue blanche et d'une charlotte, et a déclaré exercer les fonctions de cuisinier polyvalent depuis huit mois. Contrairement à ce qui est soutenu, aucun des deux employés ne bénéficiait alors d'un titre de séjour en France et d'une autorisation de travail, lesquels leur ont été délivrés en 2018 et 2019 après la constatation des faits reprochés, dont la matérialité est ainsi établie.
4. En deuxième lieu, la société Nur ne peut utilement invoquer à l'appui de sa requête une violation du principe de loyauté du fait de contradictions entre les dispositions du code du travail et les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, dès lors que cette circulaire ne fixe aucune ligne directrice.
5. En dernier lieu, la circonstance que la société requérante a entamé des démarches en vue de la régularisation de la situation administrative de ses salariés, lesquels ont été déclarés, est sans incidence sur la légalité de la sanction financière attaquée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas partie perdante au cours de la présente instance, le versement d'une somme à la société Nur au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement de la somme que demande l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Nur est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nur et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. D..., premier vice-président,
- M. Bernier, président-assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.
Le rapporteur,
G. C...Le président,
M. D...
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°20PA00898