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02/02/2021 | FRANCE | N°19PA04014

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 02 février 2021, 19PA04014


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des infirmiers à domicile (SIAD) a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la délibération n°128/CP du 22 mars 2019 modifiant le livre IV de la partie réglementaire de l'ancien code de la santé publique applicable en Nouvelle-Calédonie, en tant qu'elle institue un article R. 4422-43 limitant à 220 jours par année civile la durée pendant laquelle le remplacement d'un infirmier indisponible est possible.

Par un jugement n° 1900267 du 31 octobre 2019, le tribun

al administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des infirmiers à domicile (SIAD) a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la délibération n°128/CP du 22 mars 2019 modifiant le livre IV de la partie réglementaire de l'ancien code de la santé publique applicable en Nouvelle-Calédonie, en tant qu'elle institue un article R. 4422-43 limitant à 220 jours par année civile la durée pendant laquelle le remplacement d'un infirmier indisponible est possible.

Par un jugement n° 1900267 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 décembre 2019 et le 2 juin 2020, le syndicat des infirmiers à domicile, représenté par la SELARL d'avocats Royanez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération n°128/CP du 22 mars 2019 en tant qu'elle institue un article R. 4422-43 limitant la durée pendant laquelle le remplacement d'un infirmier indisponible est possible à 220 jours par année civile ;

3°) d'enjoindre au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, dans un délai de 30 jours suivant la notification du présent arrêt et sous astreinte de 100 000 CFP par jour de retard, de publier la délibération modifiée conformément aux votes de la commission permanente ;

4°) de mettre à la charge du Congrès de la Nouvelle-Calédonie la somme de 400 000 CFP en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le syndicat des infirmiers à domicile soutient que :

- par un amendement adopté le 22 mars 2019 par une majorité de 3 voix pour, 0 voix contre et 8 abstentions, la commission permanente du Congrès de la Nouvelle-Calédonie a supprimé le plafond de 220 jours par an pour les remplacements d'infirmier ;

- la délibération 128/CP du 22 mars 2019, publiée au journal officiel le 15 avril 2019 ne tient pas compte de cet amendement et le plafond de 220 jours figure toujours à l'article

R. 4422-43 du code de la santé publique ;

- l'article 81 de la loi organique du 19 mars 1999 dispose que les délibérations de la Commission permanente sont prises à la majorité simple ; dès lors les abstentions ne sont pas décomptées comme votes " contre " ;

- les règles de vote applicables aux délibérations du Congrès, prévues à l'article 61 de la délibération du 13 juillet 1999, ne s'appliquent pas aux délibérations de la Commission permanente ;

- le plafond de 220 jours, applicable aux seuls infirmiers sans que les autres professions médicales ou paramédicales soient assujetties à une limitation de cet ordre et sans que des différences statutaires ne justifient une différence de traitement, porte atteinte au principe d'égalité ; par ailleurs, la régulation de la profession est assurée par la CAFAT dans le cadre de la convention qui la lie à cette caisse de sécurité sociale ;

- le plafond porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ;

- il limite l'accès aux soins et va à l'encontre de l'intérêt général.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 17 mars 2020 et le 9 juin 2020, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie représenté par la SELARL DetS Legal, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du SIAD la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie soutient que :

- dans la mesure où la Commission permanente agit sur délégation du Congrès, les règles de majorité applicable à l'assemblée délibérante s'appliquent, dans le silence des textes, aux votes émis par l'organe délégué ;

- la différence de traitement entre les professions est justifiée par l'absence d'ordre des infirmiers qui réglerait l'activité au sein de la profession, et par le souci de préserver l'intérêt général ;

- le plafond ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie.

La clôture de l'instruction est intervenue le 18 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, toutes deux relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- la délibération n° 009 du 13 juillet 1999 ;

- la délibération n° 128/CP du 22 mars 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant le Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération n° 128/CP du 22 mars 2019, la Commission permanente du Congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté diverses dispositions qui modifient le livre IV de la partie réglementaire de l'ancien code de la santé publique applicable en Nouvelle-Calédonie. L'article R. 4422-43 de code, issu de cette délibération, a été publié le 15 avril 2019 au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie. La première phrase du premier alinéa de cet article prévoit que : " Le remplacement d'un infirmier est possible pour une durée correspondant à l'indisponibilité de l'infirmier remplacé sans excéder 220 jours dans l'année civile ". Le syndicat des infirmiers à domicile, qui fait grief au Congrès de Nouvelle-Calédonie d'avoir ignoré un amendement adopté en séance qui aurait supprimé ce plafond, a demandé au tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie d'annuler cette disposition en tant qu'elle comportait les mots " sans excéder 220 jours dans l'année civile ". Il relève appel du jugement du 31 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 80 de la loi organique du 19 mars 1999, relative à la Nouvelle-Calédonie : " Le congrès élit chaque année, en son sein et à la représentation proportionnelle des groupes d'élus suivant la règle de la plus forte moyenne, une commission permanente composée de sept à onze membres. / La commission permanente règle par ses délibérations, dans la limite de la délégation qui lui est consentie à la majorité des membres du congrès, les affaires qui lui sont renvoyées par le congrès. Elle ne peut être saisie ni des projets ou propositions de loi du pays, ni des projets ou propositions de délibération qui portent sur l'adoption ou la modification du budget, présentent un caractère fiscal ou sont mentionnées aux articles 26 et 27, ni du compte administratif. ". L'article 81 de cette loi dispose que : " (...) / La commission permanente siège en dehors des sessions du congrès et ne délibère valablement que si la majorité de ses membres assiste à la séance. Ses délibérations sont prises à la majorité. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante. / (...) ". Aux termes de l'article 98 de la même loi : " Les modalités d'organisation et de fonctionnement du congrès et de la commission permanente, qui ne sont pas prévues par la présente loi, sont fixées par le règlement intérieur du congrès. (...) ". Le chapitre VII (articles 28 à 35) de la délibération n° 009 du 13 juillet 1999 portant règlement intérieur du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, prise en application de cet article 98, relatif à la Commission permanente, ne comporte pas de disposition particulière relative au décompte des voix dans cet organe.

3. Il ressort du procès-verbal de la séance de la Commission permanente du 22 mars 2019 que dans le cadre de l'examen de l'article R. 4422-43 du code la santé publique applicable en Nouvelle-Calédonie relatif aux conditions de remplacement des infirmiers, M. C... a déposé un amendement visant à supprimer les mots " sans excéder 220 jours dans l'année

civile " à la fin de la première phrase du premier alinéa de cet article. Cet amendement, après discussion, a été mis aux voix. Trois membres de la Commission permanente ont voté en faveur de son adoption, aucun n'a voté contre, et huit membres se sont abstenus.

4. Les dispositions de l'article 81 de la loi organique du 19 mars 1999, citées au point 2 et seules applicables à l'adoption des délibérations de la Commission permanente, prévoient que les décisions de cette instance " sont prises à la majorité " sous la seule condition, en l'occurrence remplie, du respect d'un quorum. Il ne se déduit d'aucune disposition de cette loi ou du règlement intérieur que les abstentions devraient être regardées comme des votes " contre ". Ces dispositions sont claires et il n'y a pas lieu de les interpréter à la lumière des dispositions de l'article 61 de la délibération du 13 juillet 1999 relatives aux modalités du décompte des voix pour les votes du Congrès qui ne s'appliquent pas aux délibérations de la Commission permanente. Si le Congrès de Nouvelle-Calédonie jugeait opportun d'harmoniser les règles de vote applicables à sa formation plénière et celles applicables à sa Commission permanente, qui en est l'organe délégué, il lui appartiendrait d'adopter un texte en ce sens.

5. C'est donc à tort que le président de la Commission permanente a considéré que l'amendement de M. C..., adopté sans opposition ainsi qu'il a été dit au point 3, devait être regardé comme rejeté en raison du grand nombre d'abstentions. L'article R. 4422-43 du code la santé publique applicable en Nouvelle-Calédonie est dès lors entaché d'illégalité en ce qu'il prévoit un plafond de 220 jours pour les remplacements infirmiers, cette limite ayant été supprimée par un amendement régulièrement adopté.

6. Il résulte de ce qui précède que le syndicat des infirmiers à domicile est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Il y a lieu en conséquence d'annuler l'article R. 4422-43 du code la santé publique applicable en Nouvelle-Calédonie en ce qu'il fixe une limite au remplacement d'un infirmier, les mots " sans excéder 220 jours dans l'année civile " figurant à la fin de la première phrase du premier alinéa étant divisibles du reste de cet article.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7.Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

8. L'annulation, par le présent arrêt, du plafond de 220 jours pour les remplacements infirmiers n'implique pas que la Commission permanente délibère à nouveau sur les dispositions qui viennent d'être annulées mais uniquement que la Nouvelle-Calédonie publie au Journal Officiel les dispositions de l'article R. 4422-43 du code la santé publique où ne figureraient plus les mots " sans excéder 220 jours dans l'année civile " à la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article R. 4422-43 du code la santé publique applicable en Nouvelle-Calédonie. Il y a lieu d'enjoindre à la Nouvelle-Calédonie de procéder à cette publication dans un délai d'un mois à compter du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du Congrès de la Nouvelle-Calédonie la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le syndicat des infirmiers à domicile et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie présente à ce titre

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1900267 du 19 mars 2019 tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 2 : L'article R. 4422-43 du code la santé publique applicable en Nouvelle-Calédonie est annulé en ce qu'il fixe une limite de 220 jours dans l'année civile au remplacement d'un infirmier.

Article 3 : Il est enjoint au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, dans le délai d'un mois, de procéder à la publication de l'article R. 4422-43 du code la santé publique applicable en Nouvelle-Calédonie où ne figureraient plus les mots " sans excéder 220 jours par années civile " à la fin de la première phrase du premier alinéa de cet article.

Article 4 : Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie versera au Syndicat des infirmiers à domicile une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat des infirmiers à domicile et au Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. B..., premier vice-président,

- M. A..., président-assesseur,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.

Le rapporteur,

Ch. A...Le président,

M. B...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

6

N° 19PA04014


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04014
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Outre-mer - Droit applicable - Statuts - Nouvelle-Calédonie.

Outre-mer - Droit applicable - Réglementation des activités professionnelles.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : DS LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-02;19pa04014 ?
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