La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2021 | FRANCE | N°19PA03256

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 02 février 2021, 19PA03256


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 novembre 2016 par laquelle la commission de recours de la Fédération calédonienne de football a confirmé les décisions de la commission fédérale de discipline du 27 octobre 2015 lui infligeant les sanctions de radiation à vie de toutes fonctions officielles, d'interdiction d'accès au stade pendant cinq ans et d'interdiction de vestiaire des arbitres et de banc de touche à vie.
>Par un jugement n° 1700005 du 1er juin 2017, le tribunal administratif de Nouvell...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 novembre 2016 par laquelle la commission de recours de la Fédération calédonienne de football a confirmé les décisions de la commission fédérale de discipline du 27 octobre 2015 lui infligeant les sanctions de radiation à vie de toutes fonctions officielles, d'interdiction d'accès au stade pendant cinq ans et d'interdiction de vestiaire des arbitres et de banc de touche à vie.

Par un jugement n° 1700005 du 1er juin 2017, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA02157 du 8 mars 2018, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel de M. F..., a annulé le jugement du 1er juin 2017 et la décision du 4 novembre 2016.

Par une décision n°421367 du 9 octobre 2019, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi de la Fédération calédonienne de football, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 juin 2017 sous le n°17PA02157 et un mémoire en réplique enregistré le 15 novembre 2017, M. F..., représenté par Me G..., a demandé à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700005 du 1er juin 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 4 novembre 2016 de la Fédération calédonienne de football ;

3°) de mettre à la charge de la Fédération calédonienne de football la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision ne lui a pas été régulièrement notifiée, deux décisions prises le même jour ayant été interverties dans les courriers d'envoi ; la demande de première instance n'était donc pas tardive ;

- seule l'instance disciplinaire du comité provincial Sud avait compétence pour prononcer la sanction ;

- la commission disciplinaire fédérale qui a siégé le 27 octobre 2015 n'avait pas été régulièrement constituée ;

- la procédure suivie devant cette instance a été irrégulière ;

- la décision de la commission fédérale de recours est intervenue après l'expiration du délai de six mois à compter de l'engagement des poursuites disciplinaires prévu par les règlements fédéraux et cette décision n'est accompagnée d'aucun procès-verbal et mentionne à tort que l'intéressé n'a pu être entendu ;

- la sanction, qui se fonde à tort sur une situation de récidive, est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2017, et des mémoires du

18 octobre 2017 et 30 janvier 2018, la Fédération calédonienne de football, représentée par

Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à ce qu'il soit mis à la charge du requérant la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre les écritures de première instance sans critiquer le jugement attaqué ;

- les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

Après l'annulation de l'arrêt du 8 mars 2018 par le Conseil d'Etat et le renvoi de l'affaire à la cour, la requête n°17PA02157 a été enregistrée à nouveau sous le n° 19PA03256.

Par trois mémoires enregistrés les 16 novembre 2019, 20 mars 2020 et 15 juin 2020,

M. A... F..., représenté par Me H... E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700005 du 1er juin 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 4 novembre 2016, qui ne lui a pas été notifiée, de la Fédération calédonienne de football ;

3°) de mettre à la charge de la Fédération calédonienne de football la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le courrier dont il a accusé réception le 25 novembre 2016 ne contenait pas la sanction qu'il conteste ainsi qu'il en a apporté la preuve ; sa demande n'est donc pas tardive et le jugement du tribunal administratif doit être annulé ;

- les dispositions du code du sport relatives à la conciliation obligatoire par le comité national olympique et sportif français ne s'appliquent pas à la Nouvelle-Calédonie ; sa demande est donc recevable ;

- le secrétaire général a siégé à la commission fédérale de recours, dont la décision est entachée de ce fait d'irrégularité et de partialité ;

- la commission fédérale de recours avait l'obligation de rapporter une décision initiale entachée de nombreux vices ;

- la décision de la commission fédérale de recours est intervenue tardivement ;

- la sanction est disproportionnée.

Par trois mémoires enregistrés les 14 février 2020, 20 avril 2020, et 29 juillet 2020, la Fédération calédonienne de football représentée par la SELARL Loïc B... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. F... la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande initiale de M. F..., dépourvue de motivation, était irrecevable et ce vice n'a pas pu être régularisé en cours d'instance ;

- M. F... avait connaissance dès le 25 novembre 2016 de la sanction prise contre lui, et la demande est de ce fait tardive ;

- il a omis de saisir les conciliateurs du Comité national olympique et sportif français, ce qui rend également la demande irrecevable ;

- le secrétaire général s'est borné à assurer le secrétariat de la commission ;

- la décision initiale n'était pas irrégulière ;

- la sanction n'est pas disproportionnée.

La clôture de l'instruction est intervenue le 7 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n°99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie,

- la délibération n° 251 du 16 octobre 2001 relative au sport en Nouvelle-Calédonie,

- les règlements généraux de la Fédération Calédonienne de football,

- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Péna, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., entraîneur-dirigeant du club de futsal AS Université de la Nouvelle-Calédonie, a fait l'objet, le 27 octobre 2015, d'une radiation à vie de toutes fonctions officielles, d'une interdiction de stade pendant cinq ans et d'une interdiction de vestiaire des arbitres et de banc de touche à vie prononcées par la commission de discipline de la Fédération calédonienne de football, à raison des coups qu'il aurait portés sur un joueur, des agissements brutaux auxquels il se serait livré à l'encontre d'un arbitre et de la falsification d'un document officiel, l'ensemble de ces faits ayant été commis à l'occasion d'une rencontre sportive s'étant déroulée le 25 juillet 2015. Par une décision du 4 novembre 2016, la commission de recours de la Fédération calédonienne de football a confirmé la décision de la commission fédérale de discipline. Par un jugement du 1er juin 2017 dont M. F... relève appel, le tribunal administratif a rejeté la demande du requérant tendant à l'annulation de la décision du

4 novembre 2016. Par un arrêt du 8 mars 2018 la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement ainsi que la décision du 4 novembre 2016. Par une décision du 9 octobre 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 8 mars 2018 et lui a renvoyé l'affaire.

Sur la recevabilité de la demande :

2. Aux termes du 29° de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de réglementation des activités sportives et socio-éducatives et d'infrastructures et manifestations sportives et culturelles intéressant la Nouvelle-Calédonie. La matière est régie dans ce territoire par la délibération n° 251 du 16 octobre 2001 relative au sport en Nouvelle-Calédonie.

3. Par ailleurs, aux termes du 2° de l'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, l'Etat est compétent en matière de procédure administrative contentieuse. L'article 6-2 de cette la loi organique dispose que " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. / Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, sans préjudice des dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : / (...) / 6° A la procédure administrative contentieuse ; (...) ".

4. L'article L. 141-1 du code du sport dispose que " Les associations sportives et les sociétés sportives qu'elles ont constituées, les fédérations sportives et leurs licenciés sont représentés par le Comité national olympique et sportif français " et l'article L. 141-4 que " Le Comité national olympique et sportif français est chargé d'une mission de conciliation dans les conflits opposant les licenciés, les agents sportifs, les associations et sociétés sportives et les fédérations sportives agréées, à l'exception des conflits mettant en cause des faits de dopage./ Il constitue une conférence des conciliateurs dont il nomme les membres ". L'article R. 141-5 du code du sport prévoit que " La saisine du comité [national olympique et sportif français] à fin de conciliation constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux, lorsque le conflit résulte d'une décision, susceptible ou non de recours interne, prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts. ". L'article R.141-9-1 dispose également que : " Le délai de recours contentieux applicable aux décisions mentionnées à l'article R. 141-5 et relevant de la compétence de la juridiction administrative est d'un mois ".

5. Enfin, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

6. Les dispositions citées au point 4 de l'article L. 141-4 et de l'article R. 141-5 du code du sport instituent un recours préalable obligatoire à une conciliation organisée par le Comité national olympique et sportif français avant tout recours contentieux contre une décision prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts en vue de résoudre le conflit né de cette décision. Les dispositions précitées des articles

R. 141-5 et R.141-9-1 qui conditionnent la saisine du tribunal administratif et instituent des délais spéciaux de recours revêtent dès lors le caractère d'une règle de procédure administrative contentieuse.

7. En application du 2° de l'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 mentionné au point 3, la procédure administrative contentieuse relève de la compétence de l'Etat en Nouvelle-Calédonie. L'article 6-2 de la même loi organique précise que les dispositions législatives et réglementaires qui y sont relatives sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, sans préjudice des dispositions prises par l'Etat les adaptant à son organisation particulière. Il s'ensuit que le recours préalable obligatoire à une conciliation organisée par le Comité national olympique et sportif français avant tout recours contentieux contre une décision prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, et les délais particuliers de saisine du tribunal administratif sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, sans préjudice des dispositions prises par l'Etat les adaptant à son organisation particulière. Il saurait être tiré argument de ce que la délibération n° 251 du 16 octobre 2001 relative au sport en Nouvelle-Calédonie ne règle pas la question dès lors que les autorités du territoire n'ont pas compétence pour instituer des règles de procédure administrative contentieuse. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition que le comité territorial olympique et sportif de Nouvelle-Calédonie, qui représente le Comité national olympique et sportif français en Nouvelle-Calédonie, serait investi sur le territoire de la mission de conciliation que les textes attribuent au Comité national.

8. Il est constant que M. F... a présenté directement sa demande devant le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie le 3 janvier 2017 sans que le Comité national olympique et sportif français ait été saisi d'une demande de conciliation et qu'il ait statué sur celle-ci. Sa demande était de ce seul fait irrecevable. Cependant, dans la mesure où, sur la notification de la décision contestée du 6 novembre 2016, ne figurait pas l'obligation de recourir préalablement à la conciliation organisée par le Comité national olympique et sportif français avant tout recours contentieux, et que les voies et délais de recours mentionnés étaient erronés, cette circonstance fait obstacle à ce que les délais de recours dans lesquels sont enfermés la saisine de la conférence des conciliateurs du Comité national olympique et sportif français, puis celle du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie, aient commencé à courir. Ainsi donc, le présent arrêt ne saurait avoir pour effet de priver M. F..., à qui il demeure loisible, à compter de la notification du présent arrêt, de saisir le Comité national olympique et sportif français d'une demande de conciliation, et ultérieurement le tribunal administratif d'un recours pour excès de pouvoir, de son droit à un recours effectif.

9. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2016.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

10. La Fédération calédonienne de football n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions susvisées de M. F... doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que présente la Fédération Calédonienne de football sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Fédération calédonienne de football sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et à la Fédération calédonienne de football.

Copie en sera adressée pour information au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, au ministre des sports, au ministre des outre-mer, et au président de la conférence des conciliateurs du Comité national olympique et sportif français.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. C..., président-assesseur,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.

Le rapporteur,

Ch. C...Le président,

M. D...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer et au ministre des sports en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 19PA03256


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03256
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Outre-mer - Droit applicable - Statuts - Nouvelle-Calédonie.

Outre-mer - Droit applicable - Lois et règlements (hors statuts des collectivités) - Collectivités d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie - Nouvelle-Calédonie - Répartitions des compétences entre l'Etat et les autres autorités.

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance - Recours administratif préalable.

Sports et jeux - Sports - Fédérations sportives.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : GILLARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-02;19pa03256 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award